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Il est une forme de décadence où l'écrivain virtuose, lassé des fadeurs du monde réel et mécanique, décide de fabriquer entièrement la teneur d'un univers aux teintes variées et aux émotions vives servant de refuge à son imagination, et, tel l'enfant autiste fuyant l'insensibilité décevante de sa conjoncture, fond toute son espérance et tout son oubli dans les règles inédites et hétéroclites d'une contrée qui offre enfin une portée aux hautes vertus que son environnement lui semble incapable de valoriser. Là, il insère des individus, des prodiges et des destinées que l'existence effective ne permet plus, en son rêve juvénile et savant sis aux antipodes de sa piètre et terne modernité, réalisant une quintessence presque délirante de son idéal onirique, vivant et contemplant l'alternative incarnée à son ennui où la Vie émerge selon des lois surprenantes et personnelles, insultant presque aux valeurs veules de la réalité, en un style damasquiné qui orne sa conception artistique de reflets chatoyants et byzantins. L'écrivain alors, par réaction surtout au confort douceâtre et annihilant du vrai qui le consterne, déploie une écriture de contraste, à l'opposé des valeurs connues, intempestif éthiquement et esthétiquement, osant représenter des horreurs inhumaines et des humanités horribles, en abondance anomales qui pourtant suscitent sa bienveillance et son respect, comme tout ce qui diffère de l'anodin inoffensif où il baigne à saturation.
Il lui faut ainsi le pittoresque et la faconde, parce qu'il requiert le neuf extérieur et intérieur.
L'écriture lui est besoin, soulèvement intérieur contre ce qui est, c'est pourquoi il évite de se servir des faits, pourquoi ses inventions se passent trop de phénomènes ; il n'est vraiment heureux que parmi ses créations, c'est pourquoi elles diffèrent des observations et examens ; il se hâte de conquérir une terre étrangère, c'est pourquoi il est un peu aveugle à tout ce qui fait l'unité de la vérité. Tout son voeu est à la différence, fruit de son insatisfaction : c'est pourquoi il modèle des volontés et des divinités en un siècle dépossédé d'individus et de transcendances, il dépeint des mystères ésotériques réinstruisant et reconstituant la morale ambiante importune et sans grandeur, il rehausse toute beauté et tout mal d'une extase qui lui ravive le coeur et lui soulève l'esprit, il oeuvre dans le négatif photographique du réel, matérialisant une échappatoire par choc spéculaire et spagyrique. Comme il aspire foncièrement à survivre à la fatalité sinistre du monde normal et attendu, il extravague des univers meilleurs où il peut fuir, son appréciation du supérieur se situe dans l'élémental et le pur, que ce qui lui nuit le plus est le blasement d'un monde obéissant aux mêmes codes sans force ni surprise. Il assume donc son écart éblouissant aux règles axiologiques de l'existence, innovant dans l'ampleur des possibles autant suaves que terribles, car c'est surtout l'indéracinable et prévisible milieu qui l'afflige. Il s'évade, cependant ce mouvement de dégoût est aussi refondation. Il ne se contente pas de partir puisqu'il crée les règles d'une nouvelle constitution. L'humanité l'afflige ; il invente donc une galaxie : de là tient son essor le genre vaste de la Fantasy.
« Ils avaient traversé une région moribonde, et alors que la caravane approchait des frontières du Yoros, le désert devint plus désolé encore. Les collines étaient sombres et arides, tels les corps allongés de géants momifiés. Les lits de rivières asséchés descendaient vers le fond lépreux de lacs encroûtés de sel. Des tourbillons de sable gris rampaient sur les falaises à moitié effondrées, là où jadis venaient clapoter les eaux. Des colonnes de poussières s'élevaient avant de disparaître comme des fantômes évanescents. le soleil dominait le paysage, braise monstrueuse dans le ciel charbonneux. » (page133)
Monstres et barbares. Démons et magie. Peuples formidables et paysages grandioses. Civilisations d'autres lois, multiples et se confrontant et heurtant. Physiologie supérieure, corps tordus et reforgés, facultés extrêmes, sexualités sans limite. Boissons et drogues, cauchemars, visions, excès, débauche. Âme vendue et vie éternelle. Teneur intrinsèquement innommable de créatures aux particularités antinaturelles et aux voeux sourds. Pratiques tabou, cannibalisme, torture, nécromancie. Vaste territoire de tests pour moeurs débridées, assumées, établies sur des bases aliens et cependant justifiables puisqu'au juste cet univers fictif ne vaut pas moins que le nôtre et que toute différence sociable et morale est concevable. Relativisme tant convoitée ! Et surtout, tous ingrédients appelant à la vitalité sensuelle qu'on quête partout et ne discerne plus : plaisir, sang, violence, luxe, terreur, puissance, tant d'hédonismes et de sadismes enviés et qui ne sont rejetés que par lâcheté, faute d'accès. Perspectives incommensurables, suscitant enfin la curiosité désinhibée et non plus la veule torpeur du confort bureaucratique paisible. Devenir pionnier de sa propre invocation, et arpenter les domaines émanés de soi qu'on sait sensible extrêmement et auquel on a confiance pour jouir. Tout est là-bas toujours à découvrir, aucune loi n'est figée, ne dépendre que des limites insoupçonnées de son imagination comme pour les extases sous opium où l'on sent qu'on pourrait vivre éternellement sur un divan. Que même les propriétés se réinitialisent d'une peuplade et d'une entité à l'autre, qu'il suffise de traverser une frontière arbitraire pour que l'exploration recommence, la même inquiétude et le même goût de la distinction, le même désir de mourir pour rien ou plutôt pour le transport de se sentir vivant, y compris par l'effroi et la douleur.
Tout plutôt que la lâche, insignifiante et immuable innocuité du réel contemporain.
« Des faits et gestes des habitants du Cincor, nul n'échappait aux volontés de Mmatmuor et Sodosma. Les esclaves parlaient, se mouvaient, mangeaient et buvaient comme lorsqu'ils étaient en vie. Leur ouïe, leur vue, leur toucher, valaient leurs sens antérieurs, mais leur esprit restait nimbé d'une redoutable sorcellerie. Ils ne se souvenaient que vaguement de leur vie passée, évoluant depuis leur retour dans un état brumeux, vide et ténébreux. L'eau du Léthé s'était mêlée à leur sang, devenu froid, figé ; les vapeurs du Léthé voilaient leurs yeux. Ils obéissaient aveuglément aux ordres tyranniques de leurs régents, sans protester, envahis d'un sentiment confus ; seuls les morts qui ont goûté au repos éternel et sont rappelés au triste sort des vivants peuvent connaître cette lassitude infinie. Aucune passion, aucune envie, aucun plaisir ne les habitait, rien que la langueur borgne dur réveil provoqué par le Léthé et le désir, sourd et incessant, de retourner à un sommeil profond. » (page 27)
Ainsi naquirent les Lovecraft, les Tolkien, les Smith et les Howard du monde moderne monotone et décevant, souvent marginaux, asociaux ou retirés, diversement insatisfaits : ils procédèrent du refus de s'adapter, du malaise d'appartenir au siècle atone, et de la seule entorse permise aux codes d'une réalité morne qu'ils jugèrent insupportable et maladive, à savoir la rébellion des imaginations éclatante de pays où l'on navigue et marche seul sans comparaison. Quand il n'existe pas un lieu qu'on puisse regarder avec désir, on le dessine et sculpte avec la précision d'un pygmalion : c'est toujours de sa propre intériorité qu'on tire le plus de plaisir, et il n'existe guère d'orgasme plus intense que celui qu'on exhale de ses fantasmes profonds.
Or, comment s'étonner qu'au sein d'un univers où l'auteur est démiurge et qui doit sa naissance, ses attributs et ses moindres cartes au sentiment du manque d'élection, faute ici de mérite et d'audace, les personnages soient toujours mus par quelque destinée et poussés par des dieux incarnant, en ces États de primalité, la voix de l'écrivain à la fois cruel et généreux, et ne résistant pas à l'appel impérieux des rétablissements de gloire ? Les êtres y sont emportés par des puissances où se manifeste le Supérieur évanoui de la réalité : c'est la main du Créateur qui les guide. de Gandalf à Conan, ils appartiennent à un ordre mystique qui, quelle que soit leur conscience des forces qui les dominent, les emporte dans l'épopée faisant d'eux des exemples au nom même de l'Artiste : c'est pourquoi on les voit entraînés dans des aventures qui, chargées de leur conférer une légende et de les rendre immortels, prévalent sur le libre-arbitre, les plaçant aux confins de bibles en cours d'écriture. Ainsi leurs écrivains conçoivent-ils le paroxysme de l'existence : qu'une invisible omnipotence les distingue et fasse de toute vertu une carrière de grandeur.
Tout ceci est magnifique d'agonie transfigurée ; oui, mais tout ceci est largement inutile, car cette parure née du débattement n'enseigne pas au lecteur à vivre. On suit le psychotropisme inapplicable d'auteurs frustrés aspirant à une démesure salvatrice, et pourtant ces récits, qui ne sont que catharsis, quoique défoulement ordonné, ne visent même pas une altération du réel, ne sont qu'à peine originaux, point vraisemblables, car ils situent leur entière justification dans le plaisir de divaguer, d'errer dans des confins enviés, et l'intrigue compte peu : les nouvelles de Smith sont répétitives et leurs dénouements n'ont presque aucune importance, leur composition souffre de vices de planification qui sacrifie trop au souhait de s'épancher, et l'on se demande souvent si l'auteur ne s'est pas attaqué trop vite à son sujet, en dépit de sa virtuosité technique. Certains récits, ne procédant que de l'intention de sortir, sont, en dépit de leur grandiloquence fertile, d'une platitude narrative proprement enfantine et ne servent qu'à établir un décor de rêve à la Moreau ou Beksinski. On frôle parfois chez Smith, en un goût luxuriant, la vanité la plus complète, par désir pressé d'échapper totalement aux lois du monde : rien ne se rattache à des corps ou à des esprits tels qu'on les sait, il règne une inexactitude systématique dans l'art d'évoquer des sensations ou des réflexions, et au moment précis où l'on devine qu'il y aurait matière à un approfondissement de motifs humains qu'un réalisme ne permet pas d'explorer, l'écrivain contourne la difficulté et ne dessine par exemple que des langages que nul ne peut parler, que des sexes qui ne procurent qu'un plaisir neutre, que des guerriers ou sorciers qui font ce qu'ils sont supposés faire et croire selon la caste inédite où ils sont enfermés. Un Frodon est gentil mais on n'imagine pas comme il peut saillir dame Frodon, un savant Abdul al-Hazred est condamné à rester l'auteur fou du Nécronomicon sans intention plausible, et des nécromants ainsi que leurs dieux existent en une mythologie qui se moquent des rapports à la psychologie et à la physiologie : le plus souvent, tout n'y est que concepts, établis presque abstraitement et arbitrairement, et, faute d'édifier sur une chose réelle, étonne et lasse. C'est que pour n'importe quel contenant, aussi impressionnant soit-il, il faut un contenu, et que celui-ci soit transposable au lecteur pour lui réaliser un effet durable. Or, ces auteurs sont moins romanciers que devins, artisans de bijoux n'allant à aucun cou et de vêtements importables, comme des Parnassiens, et la forme qu'ils donnent à leurs fulgurations très libres s'accommode mal de la contrainte d'une histoire : c'est ce qui fait de Smith, même traduit, un poète en prose de si grande vertu mais un assembleur de péripéties aussi puéril. Chez tous ceux que j'ai cités, probablement, on discerne ces même tendance et appétence, je parle du défaut de nécessité de la forme romanesque ainsi que l'envie dominante d'une exaltation, et voilà comme une intrigue ne sert que de prétextes – trahissant de l'immaturité honteuse – à des gestes d'ampleur vaste et cosmiques qui constituent le véritable mobile des représentations. de Lovecraft et des autres, on ne dit pas sérieusement que les intrigues et les personnages sont justes et crédibles, mais on retient surtout le décalage d'une vision pénétrante dont la somme, même d'une conséquence si faible sur le lecteur parce qu'inapplicable – décalage qui tend d'ailleurs à le maintenir passif dans une irréalité plaisante plutôt qu'à l'inciter à des actions de changement sur le monde –, réalise à plein une individualité du désespoir, de la fantasmagorie et de l'insaisissable alternative. C'est ce que Smith ne pouvait manifestement pas comprendre lorsqu'il écrivait pour sa défense, contre un propos de Sterling qui l'accusait de manquer à écrire des choses « de valeur vitale » : « Tout ce que peut concevoir l'imagination humaine se retrouve partie prenante de la vie, et une poésie telle que la mienne, correctement envisagée, ne constitue pas une « évasion » mais une extension. » (page 13) Or, pour « étendre » il faut commencer par se saisir de l'existant, puis le déplacer et l'étirer, ainsi développer des esprits hors de leurs catégories : qu'est-ce donc que Smith attrape et étale ? Tout son art est à dépeindre une altérité qu'il est même impossible, dérisoire ou fortuit de comparer : Zothique n'est pas l'extension d'un territoire connu, mais c'est, quoi que nourrie d'une valeur vitale, une dimension parallèle qui n'apporte ni ne retranche rien à ce que nous savons.

Post-scriptum : La pièce de théâtre finale, en six scènes et curieuse, prouve qu'on peut efficacement transposer du Hugo dans le fantastique le plus poétique et abominable : en vingt pages, tout l'accessoire est expurgé, et l'on conserve une trame également forte ou faible, selon comme on voit ces motifs, où la forme dramatique trouve sa nécessité en excluant la plupart des emphases et atermoiements superflus. C'est l'exemple, je trouve, d'un travail où le dialogue détient l'importance qui justifie le choix générique, même si l'intrigue y est encore symbolique et rudimentaire, et si, de toute évidence, ses actions sont à peu près intransposables sur scène.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Je découvre enfin Clark ashton Smith, dans l'ombre de Lovecraft, je suis complètement passé à côté de cet auteur. Et voilà mon erreur réparée.
Je me suis donc plongé dans zothique, monde de magie et de nécromancie. Et contrairement à Lovecraft dont je trouvais certaines nouvelles faibles, ici, tout se tient et malgré des meilleurs que d'autres, chaque nouvelle a été un plaisir.
C'est sombre, dérangeant mais jamais dans l'excès, la plume est très belle et agréable à lire, j'en ressors complètement conquis.
Il me reste 2 intégrales à lire, reste que j'appréhende car malgré la plume, c'est vraiment l'univers de zothique qui m'a plu et accroché. En tout cas, pour moi, cet auteur est sorti de l'ombre et je n'ai pas fini de conseiller cet ouvrage.
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S'il fallait contextualiser ma lecture de Zothique, je serai forcé de parler d'un autre recueil du même auteur : Averoigne.
Ce dernier avait été une magnifique découverte à l'époque (novembre 2018) et, depuis, peu de livres (voire aucun) ont réussi à l'égaler. Alors, la lecture de Zothique (et d'Hyperborée, à venir) était toute naturelle, et, sans entrer dans les polémiques éditoriales, je suis simplement reconnaissant aux traducteurs / éditeurs d'avoir mis l'oeuvre de Clark Ashton Smith à notre portée.

Là où Averoigne désigne une petite région qui rappelait étrangement la France médiévale en mode fantastique/fantasy (allez voir ma "courte" critique), Zothique, à l'inverse, est le nom d'un continent, d'une Pangée au crépuscule de son Monde. L'humanité est à son grand âge, et la déchéance est déjà là. Dans les déserts arides et sur les mers traitresses de cette terre vieillissante, démons et nécromanciens, incubes et tyrans, assassins et goules pullulent. Tout espoir est perdu si ce n'est celui de quelques derniers excès avant le rideau final.

Vous l'aurez compris, Zothique présente une Fantasy que l'on pourrait qualifier de "sombre" ou "dark", même si elle présente également un certain niveau de comique ou de dérision. On reconnait parfois (après la lecture de la courte préface) les traits de l'auteur dans ceux de certains personnages, de ceux qui veulent croire aux rêves et à l'imagination et ne se satisfont pas du manque de saveur d'une routine quotidienne, et du terre à terre d'un monde sans magie ou sans imaginaire.

Mais finalement, qu'est-ce que j'en retiens ? Car je vois des critiques dithyrambiques, des analystes qui crient à la merveille, et d'autres encore.

Hors de tout contexte, Zothique est un recueil très intéressant, divertissant, certes un peu redondant, mais également trop peu approfondi. Intéressant car le nombre de nouvelles le composant est tel qu'il offre au lecteur de vivre de multiples vies, diverses aventures, qu'il s'agisse d'entrer à la cour d'un Roi sorcier, de suivre le périple de mercenaires, ou d'assister aux offices d'un dieu nécrophage. Divertissant car l'écriture est plaisante, riche, parfois un peu compliquée tant le vocabulaire est spécifique (j'ai appris l'existence du mot Athamé ^^), que les scénarios sont bien ficelés, et que leurs fins font souvent réfléchir et transposer les événements à notre monde. Redondant car à part des sorciers, des rois, des nécromanciens et des goules ou démons, on a rapidement fait le tour de ces mêmes palais jaunis par les sables du désert, de ces mêmes nécropoles enfouies sous les sables du désert, et de ces être maléfiques tapis dans les recoins des sables du désert... et c'est bien là que le bât blesse, car autant les récits sont nombreux, autant la variété n'est pas des plus présente et l'on a l'impression que n'importe quel badaud habitant de Zothique connait facilement quatre ou cinq nécromanciens, côtoie fréquemment son Roi ou a pour ascendant un sorcier ou quelque lamie.
Mais en recontextualisant, ce petit écueil fond comme neige au soleil. Je ne suis pas spécialiste, et j'aurais beaucoup apprécié un travail éditorial plus poussé, mais Smith écrivait dans les pulp des années 20, des courts récits qui devaient se suffire à eux-mêmes et emmener leurs lecteurs en dehors de leur quotidien morose et grisâtre. Et là, la mission est complètement réussie. Car si en format intégrale les récits s'enchainent et viennent à s'emmêler ou se ressembler, à rythme mensuel ou plus ou moins étalé, ils mettent en place tout un univers et ne sont que des petits morceaux de vies et d'aventures dans un monde plus vaste et plein de mystères que le lecteur pourra combler à l'envi.

Zothique et son soleil rouge sang n'ont pas fini de hanter mon imaginaire, si bien qu'en écrivant ces lignes je vois l'infinité du désert que seuls brisent les vestiges d'un tombeau oublié d'où proviennent les ricanements de quelques créatures maléfiques recherchant l'obscurité...
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Zothique est un très bon recueil de nouvelle. L'auteur était un grand ami de Lovecraft (c'est d'ailleurs lui qui l'a incité à ce lancer dans l'écriture de nouvelle d'imaginaire car il écrivait surtout des poèmes avant ça).
C'est de la très bonne fantasy. Sombre. Très sombre. Beaucoup de nécromancie (pour être honnête il n'y a presque que ça). Ont est pas dans du David Gemmell avec des combat dans tout les sens mais c'est franchement très bon.
Je vais certainement me prendre les deux autres intégrales pour continuer a découvrir cet auteur trop méconnu.
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Rois et reines vivent dans la débauche, et les mages ne peuvent se retenir de devenir nécromants, avec tout le dévoiement qui s'en suit.

Les nouvelles qui se trouvent dans ce livre ont été écrites dans les années 30 et 40, c'est une autre manière de conter, et pour chacune d'entre-elles, la fin n'est ni garantie heureuse, ni malheureuse. C'est ce qui fait chaque histoire intéressante. Et elles sont bien trouvées. Certaines ont pu devenir des classiques, ensuite.
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Je suis bien embêtée pour parler de Zothique, parce que j'ai besoin de faire la part entre le travail de l'écrivain, et le travail éditorial, le second n'étant à mon avis pas vraiment à la mesure du premier. Or, il aurait été préférable que j'aie lu la totalité de l'intégrale Clark Ashton Smith pour avoir une vision d'ensemble ; seulement voilà, ça va prendre du temps pour que j'aie accès aux deux autres volumes. Je rectifierai donc au besoin dans les deux autres critiques mes propos d'aujourd'hui. En tout cas, l'idée de publier Smith en français aujourd'hui dans son intégralité était une bonne idée de départ.


Zothique, comme il est mentionné dans la quatrième de couverture, est un univers de fin du monde, hanté par les revenants, pourri par par les sciences occultes, un univers d'horreur, de décadence, de dégénérescence. Dernier des continents, il abrite une humanité à son déclin, et Clark Ashton Smith s'y entend très bien pour le décrire : on y sent véritablement le désert, les couleurs chaudes, où dominent les teintes innombrables de rouge, la désolation des paysages avec ses multiples ruines ou ses cités opulentes mais moribondes ; et en parallèle la cruauté, la soif de pouvoir pourtant inutile, l'ennui insondable, le désarroi et, souvent - très souvent - le désespoir des personnages font systématiquement écho à cet environnement fait de pourriture. Donc si Clark Aston Smith sait faire quelque chose, c'est bien de créer un univers dont le lecteur peut totalement s'imprégner.


Néanmoins, je trouve les histoires moins enivrantes que leur contexte. J'ai rapidement ressenti l'impression de relire un chouïa la même chose, disons des toutes petites variations sur un même thème, du moins surtout dans la première partie du volume. du coup, j'ai pris mon temps, j'ai lu une ou deux nouvelles un jour, puis une autre trois ou quatre jours plus tard, pour éviter le sentiment de saturation. Je pense que les conditions dans lesquelles écrivait Clark Ashton Smith y sont pour une bonne part : il vendait ses nouvelles une à une à des pulps tels que Weird Tales, les éditeurs et les lecteurs voulaient toujours un peu la même chose, et il fallait bien vivre. Il est beaucoup, beaucoup, mais vraiment beaucoup question de nécromancie dans ces nouvelles, au point que lorsque je m'éclipsais pour aller en lire une ou deux, je disais à mon copain : "Je vais lire des histoires de nécromancie" ; il savait tout de suite de quoi je parlais. de même, pas mal de nouvelles sont construites selon une même trame, avec une intrigue basé sur des ignominies commises par des personnages cruels, souvent aux dépens des quelques humains qui restent encore sains d'esprit à Zothique (on se demande pourquoi ceux-ci ne se suicident pas direct, vu le monde dans lequel ils vivent), puis avec une fin pour le moins ironique.


Pourtant, le style de Clark Aston Smith n'est pas déplaisant, basé sur un vocabulaire recherché (il est vraisemblable que son goût pour le symbolisme l'y ait poussé), parfois tombé en désuétude, renvoyant ainsi à des périodes révolues - ainsi des mots faisant référence à la Grèce antique, entre autres -, mais ne sombrant pas pour autant dans une manière ampoulée. Et ce qu'on remarque finalement, sous des dehors uniformes, c'est la capacité de cet auteur à à manier, non seulement l'ironie - j'ai dit qu'elle était toujours, ou quasiment, présente -, mais l'humour tout court, comme dans le Voyage du roi Euvoran (nouvelle qui, il est vrai, diffère du reste du corpus de Zothique), et surtout sa capacité à user de ses influences pour leur donner une nouvelle vie. Morthylla est un très bel exemple, qui fait débuter l'histoire à la façon décadente de Huysmans dans À rebours (le personnage principal est une espèce de Des Esseintes exotique), pour la transformer en une parodie très réussie de la nouvelle Arria Marcella de Théophile Gauthier. Autre exemple : dans le Jardin d'Adompha, on croirait que les fantasmagories d'Odilon Redon prennent vie sous la plume de Smith.


Cela dit, j'aurais nettement préféré que, pour une édition intégrale, les textes de Clark Ashton Smith soient publiés dans l'ordre chronologique d'écriture, et non selon des thématiques, quand bien même ces thématiques semblent logiques puisque d'ordre géographique. Je pense que j'aurais évité l'effet saturation, dont d'autres lecteurs ont bien plus souffert que moi, si les textes des trois volumes avaient été publiés dans l'ordre de composition, mélangeant les univers mais reflétant davantage le travail de l'auteur ; d'autant qu'on aurait pu croire qu'on a aujourd'hui assez pointé du doigt le côté néfaste des regroupements de textes par "univers" concernant l'oeuvre de Lovecraft pour ne pas refaire les mêmes erreurs avec Clark Ashton Smith. Eh ben non. S'ajoute à cela un manque complet d'informations sur les textes : les titres originaux des nouvelles ne sont même pas mentionnés, on ne connaît ni les dates d'écriture, ni les dates des différentes publications. Ce qui serait un minium pour une intégrale, et ce qu'avait très bien fait le Bélial' pour La Ménagerie de papier. Ajoutons enfin que dans l'édition de poche, la carte de Zothique est parfaitement illisible ; or la carte de Terremer dans l'intégrale d'Ursula le Guin récemment publiée dans le Livre de poche se lit très bien : comme quoi il est possible aussi de faire du bon travail de ce côté-là. Je suggère à la maison d'édition Mnémos, dont je n'apprécie déjà pas le recours au financement participatif (détourné de son but, puiqu'au départ destiné à des petits projets pour des associations et des particuliers qui en ont bien davantage besoin qu'une maison d'édition installée, fut-elle de petite taille), de s'attarder davantage sur son travail purement éditorial, avant de se préoccuper de goodies en tous genres qui, de toute façon, ne profitent qu'à une toute petite portion de lecteurs, c'est-à-dire ceux qui ont financé le projet.


Malheureusement, Mnémos est loin d'être la seule maison d'édition à bâcler une partie de son travail éditorial...
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J'ai essayé, lutté, persévéré jusqu'à la moitié... mais je rends les armes. Même en espaçant la lecture des diverses histoires qui composent Zothique, celle-ci se révèle à chaque nouveau récit plus fastidieuse.

Zothique est l'univers créé par l'auteur, un monde après la fin de notre monde. de l'ensemble des continents n'en reste plus qu'un, Zothique, ainsi que des îles et îlots épars tout autour. le territoire est divisé en plusieurs régions et royaumes. Pour être franche, hormis les changements topographiques, il n'y a guère de différences entre les contrées. Partout règnent la corruption, les orgies, les turpitudes et la violence. Au nom d'un roi ou d'un dieu-goule, c'est du pareil au même. Sorciers et nécromanciens parcourent les pays, répandant généralement désastres et méfaits sur leur passage. Quelque soit l'endroit où se déroule l'histoire, on note une grande imagination dans l'art de faire souffrir son prochain. Quitte à le ramener à la vie une fois mort pour en faire un serviteur obéissant.

Clark Ashton Smith recourt à un style très grandiloquent, prolixe en adjectifs ampoulés. Et à force, ça devient lassant, lourd et mon intérêt a baissé à chaque nouvelle. Développer à tour de plume des scènes glauques n'enrichit pas les intrigues à mon goût. Les nécromanciens nécrophiles ou les tortionnaires cruels et inventifs finissent par irriter plus qu'autre chose. Et pourtant, j'aime bien les récits horrifiques... quand l'aspersion d'hémoglobine et les débris de viscères ne me donnent pas l'impression de ne faire que du remplissage.
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Zothique est un recueil de nouvelles écrit par Clark Ashton Smith, ami de H.P Lovecraft (Cthulhu) et de Robert Howard (Conan).

Entre Fantasy et horreur, les histoires de ce recueil sont très sombres, je dirais assez glauque même parfois, il ne faut pas avoir froid aux yeux pour aller jusqu'au bout. Personnellement j'ai bien aimé me plonger dans une grande partie des nouvelles proposées, même si certaines sont plus captivantes que d'autres, cela n'est qu'une question de feeling et un ressenti personnel, l'ensemble est tout de même très cohérent et tient bien la route pour relier les diverses histoires en un tout, comme pour un "Conan" par exemple.

D'ailleurs on ressent bien l'influence d'Howard et de Lovecraft dans le style que pose Ashton Smith ici.

Je conseille fortement ce recueil à tous les amateurs de fantasy, d'horreur et de fantastique voulant découvrir autre chose que les grands classiques du genre, ici c'est aussi bon mais moins connu.

Sur le blog :
Lien : https://unbouquinsinonrien.b..
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L'oeuvre de Clark Ashton Smith, moins connue que celle de Lovecraft, était destinée à des pulp magazines, donc de la lecture populaire. Et malgré la contrainte de rendre ses écrits accessibles, chacune des nouvelles de ce Zothique sont de petits bijoux à l'écriture fluide et poétique, au vocabulaire soutenu et diversifié, à l'immersion dans une horreur fatidique palpable.

Zothique est le dernier continent. Son soleil mourant irradie encore les déserts et les villes côtières mais son déclin semble avoir imprégné les générations d'une folie crépusculaire. Ainsi vivent sur Zothique, des nécromants, des rois et reines aux pratiques macabres, des sorciers aux aspirations maléfiques et une pelleté d'abominations en tout genre.
Parfois ce sont des hommes et des femmes simples, qui vont être confrontés à des horreurs sorties du fond des âges. Dans "Xeethra", le protagoniste possédé par un esprit millénaire va revivre la lente agonie d'un roi et de son royaume. Et parfois, ce sont les souverains qui vont morflés comme dans "Le sombre Eidolon" où un roi va être harcelé par un nécromant qui a un petit contentieux à régler (final cataclysmique !)
L'amour est néanmoins présent sur cette terre apocalyptique, que ce soit un prince prêt à tout pour retrouver sa bien-aimée dans "Les Nécromants de Naat" ou un hédoniste blasé des orgies dans la très gothique "Morthylla".

Je regrette que la plupart des nouvelles soient trop courtes. Celle qui ouvre le bal par exemple, "L'empire des Nécromants", aurait gagné à être plus développée.
L'homme noir est dépeint comme un monstre et même comparé à un animal de compagnie. A part dans la dernière oeuvre, qui est un drame en six scènes, où Kalguth y est l'assistant, voire l'égal de son mentor.

Cependant, le talent de Clark Ashton Smith est indéniable, chaque paragraphe est un poème, chaque description se déguste. Son style, bien moins lourd que Lovecraft, le démarque aisément de ce dernier. C'est pourtant avec le même plaisir funeste que l'on sombre dans des histoires d'outre-tombe captivantes !
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Une magnifique découverte. J'étais en librairie, dans mon coin préféré, celui des elfes, des nains, des chevaliers, des gens qui maîtrisent la magie pour détruire le monde, tout ça. Et puis paf, je tombe sur ce livre dont l'auteur m'est vaguement connu. La couverture est intriguante. Donc je le prends sous le bras et une fois rentrée je l'entame à la lueur d'une bougie.
Parce que oui, voyez-vous, je lis à la lumière vacillante des bougies. Je m'étonne après de porter des lunettes .. bon donc je disais, je commence et ce n'était pas le bon moment parce que .. je n'accroche pas. Mais alors pas du tout. Je me dis que c'est bien dommage d'acheter un bouquin et de ne pas aimer. Alors je le fourre dans un coin libre de ma bibliothèque, remisé dans l'oubli à côté d'un polar et d'un bouquin de SF.

Puis des mois plus tard, quand lire des classiques m'agace et après avoir terminé «le roi des Cendres», je regarde ma bibliothèque, les poings sur les hanches, la bouche formant un rictus assez atroce, et je balance tout haut "bon, je vais lire quoi maintenant ?". Puis je vois ce fameux Zothique, dans la catégorie «livre remisé parce que ce n'était pas le bon moment» alors je le prends. Je hausse les épaules, bwarf, je ne sais pas pourquoi je l'ai acheté celui-ci.

J'y redécouvre ce fameux marque-page que je cherchais partout ! Il était là le bougre ! Non mais Hedwige, tu prends la poussière dans ce bouquin alors qu'Harry Potter te cherche partout !

Je me pose confortablement, je recommence depuis le début en me concentrant car je me rappelle qu'en plus de ne pas avoir accroché, je ne comprenais pas. Et là ... Là ... Je comprends mon erreur ! Erreur d'avoir pensé que ce n'était pas bien. Parce que ce livre est une PÉPITE ! C'est incroyable ! Mais quelle plume ! Mais quelle imagination !! Comment ai-je pu me fourvoyer ?! Et comment ai-je pu ne pas comprendre alors que l'écriture est tellement parfaite et fluide !

Je suis subjuguée par les phrases, par l'imagination, par la structure des nouvelles, par tout. La langue accroche les yeux, qui ne se décollent pas. Je suis prise de frénésie. Si je pouvais le garder dans les mains, vous me verriez me promener avec, en criant partout "mais lisez-le !! Lisez-le !".

La première nouvelle parle de nécromanciens. J'adore ces personnages glauques et terrifiants. Une autre parle de peuple cannibale. Entre autre.
De gentilles personnes en somme.


Bon voilà, vous avez une petite idée de ce que j'en pense. Reste à savoir si ça vous tente, maintenant. A mon avis vous ne regretterez pas, mais pour ça, courrez l'acheter.
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