traduit de l'anglais (Etats-Unis) par
Hubert Tézénas - 477 pages
Quel magnifique livre
L'Ukraine est tristement d'actualité aujourd'hui... avant mon retour du livre, un petit point historique important pour le récit et pour notre connaissance de ce pays martyr :
L'Ukraine, à la chute de l'empire des Romanov obtient son indépendance, mais elle sera brève. Bientôt, le « grenier » de la Russie sera transformée en champ de bataille entre l'armée blanche (les russes blancs), l'armée rouge (l'armée bolchévique) et l'armée noire, armée paysanne insurrectionnelle d'inspiration communiste.
Hiver 1930 - Les bolchéviques contrôle l'Ukraine, Staline réprime le moindre réveil nationaliste de la paysannerie par la dékoulakisation. Un paysan qui possède quelque bien est appelé koulak. Les troupes bolchéviques sont envoyées piller les plus petits villages et s'emparer des moindre biens des paysans. La population est persécutée : Exécutions, déportations dans des camps de travail, hommes, femmes et enfants par wagons entiers.
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Nous sommes en Ukraine occidentale, dans un tout petit village Vyriv, bien caché derrière ses collines enneigées. Ses habitants, la peur au ventre vivent dans la terreur d'être découverts par l'armée Rouge, méfiant les uns des autres, se terrent bénéficiant de la position stratégique du village, au fond d'une vallée, bien caché derrière des collines et d'épaisses forêts.
Luka est un soldat vétéran d'origine russe, qui a passé dix ans sur les champs de bataille. Il s'était marié à une ukrainienne Natalia, a eu deux fils jumeaux qui ont maintenant 17 ans qu'il n'a pas vu grandir et une petite fille de 8 ans.
Ils découvre, lui et ses deux fils, lors d'une partie de chasse, un homme qui s'approche du village, un homme quasi inconscient, transportant sur un traîneau les corps de deux enfants atrocement mutilés. Par humanisme, il va le cacher chez lui, essayer de le réchauffer et de le faire revenir à la vie et enterrer les deux enfants au petit matin discrètement. Mais il est découvert.
Il est bientôt débordé par une fureur véhiculée par une terreur indicible des villageois qui les transforme en une foule perdant tout humanité, voyant en cet homme un espion des soviets, un membre de la Guépéou. Peut-on arrêter une foule déchaînée ? Y a t il encore une part d'humanité lorsque la peur annihile la raison ?
Bientôt une petite fille disparaît. Luka décide de partir à sa recherche, avec ses deux fils et le père de la petite fille..... la traque commence..qui est ce voleur d'enfants, celui qui mutile des enfants? un ogre? la vieille sorcière des contes russes? l'hiver, la neige, le froid, la nuit, les ombres terribles des arbres gelés, les traces de pas d'un homme et les pas d'une petite fille à côté , des corbeaux, un cri déchirant d'enfant dans la nuit, des coups de feu, un corps qui tombe, puis deux...un voleur d'enfant redoutable tireur d'élite, retors, les soldats de l'armée rouge ne sont pas loin, ils s'approchent..ont-il eux aussi encore une part d'humanité ?.
Ce livre m'a fascinée et bouleversée, un récit terriblement humain...C'est Luka qui parle. Traque et survie dans une nature hostile mais aussi d'une beauté à couper le souffle servie par de très belles pages décrivant cette steppe enneigée. Un récit intense et rude, mais authentique, dont on ne peut se détacher, on marche avec lui dans cette épaisse couche de neige, on souffre avec lui, on se cache avec lui, on se réchauffe autour du maigre feu avec lui...
La course est haletante, lui et ses fils ne renoncent pas. Luka est un homme persévérant et pétri d'humanité, on ne peut qu'avoir de l'empathie envers ce vétéran qui pourtant n'a pas hésité à tuer sur des champs de bataille et qui affronte tous les dangers pour retrouver une petite fille enlevée. L'amour filial est aussi une part importante de ce récit. Il s'en veut d'avoir accepter que ses deux fils l'accompagnent, ils sont si jeunes les jumeaux, ils n'ont que 17 ans. L'autorité du père, l'abnégation des fils qui ne veulent pas retourner au village.
« Il se peut que j'ai oublié pendant un moment qui je suis vraiment. Ou que cela fonctionne dans les deux sens : même les hommes méchants peuvent faire le bien » dit un des personnages...
C 'est ce que le livre démontre et très brillamment.,,,,,,,,,,,,,,,,,
Extrait , début du roman , tout est là :
La lointaine silhouette se réduisait presque à une tache sombre sur la steppe. le terrain était plat, blanc et froid : une mer de néant, tout juste rompue par cet accroc dans le paysage qui accrochait le regard. Pendant la guerre, la moindre imperfection sur l'horizon aurait stoppé net une compagnie entière. Les bottes auraient cessé de patauger, le cliquetis des fusils en bandoulière se serait tu. La peur l'aurait disputé à la curiosité.
Et dans ce silence, une longue attente se serait ensuivie pour voir comment allait évoluer ce petit défaut dans la splendeur immaculée de la steppe. Une tache solitaire, mais susceptible de se transformer en une armée qui n'apporterait que violence, férocité et mort.
La guerre était finie – le rouge avait écrasé toutes les autres couleurs qui se dressaient sur son passage -, et, pourtant, cette forme lointaine fit renaître en moi le même mélange de peur et de curiosité. Elle n'aurait pas dû être là ».