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Citations sur Le pavillon des cancéreux (139)

Et l'amnistie est reportée de l'anniversaire de la Victoire à celui de la Révolution, de l'anniversaire de la Révolution à la session du Soviet Suprême ; l'amnistie éclate comme une bulle de savon, à moins qu'on ne l'accorde aux voleurs, aux escrocs, aux déserteurs, à tous plutôt qu'à ceux qui ont souffert et combattu. Et les cellules de notre coeur que la nature a créées pour la joie, inutiles, dégénèrent. Et les petites alvéoles où dans le sein des hommes reste tapie la foi, se vident au cours des ans et se dessèchent.
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Ce n’est pas le niveau de vie qui fait le bonheur des hommes mais bien la liaison des cœurs et notre point de vue sur notre vie. Or l’un et l’autre sont toujours en notre pouvoir, et l’homme est toujours heureux s’il le veut, et personne ne peut l’en empêcher.
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[...] ... Du noir nuage de soupçons accumulé au-dessus des blouses blanches, il ne restait plus ici et là que des lambeaux qui s'en allaient. Tout récemment, un chauffeur du Guépéou avait été hospitalisé ici pour une tumeur à l'estomac. C'était un "chirurgical" et Vera Kornilievna n'avait rien à voir avec lui ; mais, une nuit, elle avait été de garde, et c'était elle qui avait fait la visite du soir. Cet homme s'était plaint de mal dormir. Elle lui avait prescrit du bromural ; là-dessus, l'infirmière lui avait dit que les comprimés étaient minuscules, et elle avait répondu : "Donnez-lui-en deux !" Le malade les avait pris et Vera Kornilievna n'avait même pas remarqué le regard qu'il lui avait lancé. L'affaire en serait restée là si l'une des laborantines de service, voisine du chauffeur dans l'appartement communal où ils habitaient, n'était venue lui rendre visite dans sa chambre d'hôpital. Elle avait ensuite couru chez Vera Kornilievna, toute retournée : le chauffeur n'avait pas pris les comprimés (pourquoi deux d'un coup ?), il n'avait pas dormi de la nuit et il venait de la questionner : "Pourquoi s'appelle-t-elle Gangart [= nom allemand] ? - lui avait-il dit - parle-moi un peu d'elle en détail. Elle a voulu m'empoisonner. Il faut que nous nous occupions d'elle."

Et, pendant plusieurs semaines, Vera Kornilievna avait attendu qu'on vînt s'occuper d'elle. Et pourtant, toutes ces semaines, elle avait dû, sans la moindre défaillance, sans la moindre erreur, et même avec enthousiasme, établir des diagnostics, évaluer, de manière irréprochable les doses de rayons nécessaires à chaque traitement, encourager du regard et réconforter par son sourire les malades tombés dans le cercle infernal du cancer, et surprendre dans chaque regard la même question : "Tu n'est pas une empoisonneuse, au moins ?"

Et puis il y avait eu autre chose encore de pénible pendant la visite d'aujourd'hui : Kostoglotov, l'un de ceux, parmi les malades, dont l'état était le plus satisfaisant et pour lequel Vera Kornilievna, sans bien savoir pourquoi, éprouvait une réelle sympathie, ce même Kostoglotov avait ouvertement pris à partie "maman" [= le Dr Dontsova, chef du service] et la soupçonnait visiblement de se servir de lui pour quelque obscure expérimentation. ... [...]
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[...] ... La peur ? En ce moment, couché sur le dos, dans l'obscurité de la salle qui soufflotait et ronflotait (il ne passait au travers de la vitre dépolie de la porte qu'un léger reflet de la lampe posée sur la table de l'infirmière, dans le vestibule), Roussanov essayait, de son esprit clair d'insomniaque, de débrouiller pourquoi les ombres de Roditchev [= voisin qu'il avait dénoncé dans les années 30] et de Gouzoun [= compromis dans l'interrogatoire de Roditchev] l'avaient à ce point bouleversé et s'il se serait pareillement effrayé du retour des autres personnes dont il avait également contribué à établir la culpabilité : cet Edouard Khristoforovitch, mentionné en passant par Roditchev, un ingénieur d'éducation bourgeoise qui avait devant des ouvriers traité Paul Nikolaïevitch [= Roussanov] d'imbécile et d'arriviste (il avait par la suite avoué qu'il rêvait de restaurer le capitalisme) ; cette sténographe coupable d'avoir déformé le discours d'un chef important, protecteur de Paul Nikolaïevitch (or, il n'avait pas du tout dit les choses de cette façon) ; ce comptable, difficile à manier (un fils de prêtre, qui plus est - on l'avait entortillé en une minute) ; les Eltchanski, mari et femme ... et tant d'autres ! ...

Aucun d'eux n'avait fait peur à Paul Nikolaïevitch, il avait de plus en plus hardiment et ouvertement aidé à étayer les accusations, il était même allé deux fois à des confrontations, il y avait élevé la voix, il les avait démasqués. C'est qu'on n'estimait pas du tout à l'époque qu'il y avait quelque chose dont on dut avoir honte. En cette belle et honnête époque, en 37, en 38, on sentait se purifier l'atmosphère publique, on commençait à respirer si bien ! Tous les menteurs, tous les calomniateurs, les amateurs trop hardis d'auto-critique, les intellectuaillons trop retors, tous avaient disparu, cachés, blottis, et les personnes de principes, fermes, dévouées, les amis de Roussanov et Roussanov lui-même, marchaient la tête haute et digne.

Et voici que maintenant commençait une nouvelle époque, trouble et malsaine, où il fallait rougir au souvenir de ses plus beaux actes de civisme ! Ou même craindre pour soi ? ... [...]
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Nizamoutdine Bakhramovitch avait aussi insisté pour que l'on ne gardât pas les malades condamnés. Leur mort devait survenir, autant que possible, hors de l'hôpital; cela libérerait de nouveaux lits, épargnerait un spectacle pénible aux malades qui restaient et améliorerait les statistiques, ces malades étant rayé non pour raison de décès, mais avec mention : «Etat aggravé.»
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L’orage brise les arbres et fait ployer l’herbe, mais faut-il dire pour cela que l’herbe a trahi les arbres
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Nous avons beau nous moquer des miracles tant que nous sommes en bonne santé, en pleine force et en pleine prospérité, en fait, dès que la vie se grippe, dès que quelque chose l'écrase et qu'il ne reste plus que le miracle pour nous sauver – eh bien, ce miracle unique, exceptionnel, nous y croyons !
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- Pourvu que je ne finisse pas sous le bistouri. J'ai peur... Si longtemps qu'on ait vécu, si mal qu'on ait vécu, on en a tout de même encore envie...

p.606
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Il m'était déjà arrivé de me demander, et je me le demande de plus en plus à présent, quel est tout de même le prix maximum de la vie ? Que peut-on donner pour la conserver, et où est la limite ? Comme on vous l'enseigne maintenant à l'école : "Ce que l'homme a de plus cher, c'est la vie, elle ne lui est donnée qu'une fois". Par conséquent : s'accrocher à la vie à n'importe quel prix... Nous sommes beaucoup à qui les camps on fait comprendre que la trahison, le sacrifice d'être bons et démunis était un prix trop élevé, et que notre vie ne le valait pas. Quant à la servilité, la flatterie, le mensonge, les avis, au camp, étaient partagés : certains disaient que ce prix-là était acceptable, et c'est peut-être vrai.
Oui, mais avoir la vie sauve au prix de tout ce qui en fait la couleur, le parfum, l'émotion ? Obtenir la vie avec la digestion, la respiration, l'activité musculaire et cérébrale et rien de plus. Devenir un schéma ambulant. Ce prix-là, n'est-ce pas un peu trop demander ? N'est-ce pas une dérision ? Faut-il le payer ?
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L'orage brise les arbres et fait ployer l'herbe, mais faut-il dire pour cela que l'herbe a trahi les arbres ? Chacun sa vie. Vous l'avez dit vous-même : survivre, voilà la loi d'un peuple.
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