Mais c'est sur notre estomac qu'ils économisent. Une estomac de zek, bien sûr, ça supporte de tout : aujourd'hui, on lui serre la ceinture, demain vous le remplissez. De sorte que, les jours de ration minimum, on se couche avec l'espoir. (P.104)
Sur la steppe nue siffle vent : de sécheresse l'été, de glace l'hiver. Rien n'a jamais poussé dans cette steppe et, dans le carré de barbelés, encore bien moins. Le pain ne pousse que dans la baraque à pain, l'avoine ne mûrit qu'au dépôt. On aurait beau se briser les reins au travail, se mettre complétement à plat, on ne ferait pas rendre à la terre plus à manger que ce que vous inscrivent les gradés.
Un roman pouvait avoir pour sujet la vie de toute l'Europe pendant un siècle entier, mais aussi celle d'un seul moujik pendant une seule journée.
Tolstoï (remonté par Soljénitsyne)
- Une prière, Aliocha, c'est pareil que les réclamations. Ca n'arrive jamais jusqu'au grand patron. Ou bien il t'écrit dessus: Refusé. (p.183)
- Des simagrées! qu'il fait. L'art à trop haute dose cesse d'être de l'art: il ne faut pas substituer les épices au pain quotidien. (p.102)
A chien battu, montrer le fouet suffit. Le froid était mauvais. Mais le brigadier encore plus. Les gars étaient partis chacun à son travail. (p.80)
Pourquoi pas ? Les gens, il en naît bien tous les jours. Pourquoi alors il naîtrait pas une lune toutes les quatre semaines ?
...Choukhov soupire et, tout bas, à cause que c’est un secret :
- Chez nous on dit que le bon Dieu les casse pour en fabriquer des étoiles.
...
- Mais pourquoi ferait-t-il cela, le bon Dieu ?
- Il ferait quoi ?
- Pourquoi casserait-il la lune pour en faire des étoiles ?
Choukhov hausse les épaules.
- C’est pourtant pas sorcier. Les étoiles, il en tombe; faut bien les remplacer.
Faut dire que c’est des gens qui n’ont pas eu de chance. Ils priaient leur bon Dieu : ça faisait du mal à qui ? Or, on leur a flanqué vingt-cinq ans par tête, à cause que vingt-cinq ans c’est à présent le tarif.
Cette “Cité de la vie socialiste”, c’est un espace nu où on enfonce dans la neige et, avant d’y faire quoi que ce soit, il faut creuser des trous, planter des poteaux et tendre des barbelés contre soi-même, pour qu’on ne puisse pas s’enfuir. Et après, on construira.
Le mécanicien farfouille dans sa mécanique et le chef regarde.
C'est réglo : il y en a un qui travaille et un qui regarde.