La quatrième de couverture est de celles qui ne donnent pas franchement envie d'ouvrir le livre. Ne vous y arrêtez pas, ce serait tout de même dommage.
C'est là mon troisième Somoza, et je dois dire que je ne peux pas m'empêcher d'éprouver une pointe de déception. L'Appât m'avait enthousiasmée,
Clara et la pénombre avait été une révélation, se hissant dans le top 5 de mes livres favoris. Autant dire que j'en attendais beaucoup.
L'histoire est contemporaine, et notre héroïne Elisa est une physicienne théoricienne incroyablement douée, et également physiquement très avantagée : intelligente et belle, elle a – heureusement – des défauts malgré tout, qui font qu'on peut s'identifier à elle plus facilement.
Tout commence en mars 2015, Elisa donne un cours et voit dans un journal une nouvelle qui la terrifie. Elle appelle son ami Victor à l'aide, et décide de lui raconter ce qui pèse sur elle depuis 10 longues années.
Nous voilà donc en 1995, et Elisa vient d'être diplômée, major de sa promo. Elle va assister au cours du grand Banes, physicien ayant inventé
la théorie des cordes, que Somoza a sans doute un peu arrangée pour les besoins du livre : il s'agit, en somme, de révéler une dimension temporelle à chaque chose et donc de pouvoir voir le passé (à condition que la théorie trouve un moyen de se mettre en pratique). N'ayez pas peur, rien n'est bien complexe et la lectrice lambda sans grandes connaissances en physique que je suis a tout compris. L'auteur évite les formules mathématiques, de façon assez peu habile il faut le remarquer. Bref, les scientifiques se font Pandore, et ça va forcément leur retomber sur le coin du nez, dans une dimension religieuse amenée de manière assez peu subtile également : j'aurais finalement préféré qu'il n'en parle pas, j'aurais compris toute seule l'histoire du péché mortel et le sacrifice christique.
Le suspense est bien mené, j'ai d'ailleurs tout lu d'une traite en une nuit, mais les ficelles sont un peu grosses (l'auteur semble mettre des lettres en néons clignotants pour nous dire : « hé regardez il va se passer un truc ! » et c'est un peu lassant). Elisa est terrifiée mais tarde à nous dire pourquoi, alors on continue, on continue jusqu'à savoir. Et, quand on sait, on a envie de l'explication finale : et cela suffit à tenir tout le livre ; chapeau bas tout de même.
Il y a quelques petits soucis syntaxiques que je ne peux pas forcément imputer à Somoza, n'ayant lu qu'une traduction de lui : mais des répétitions, des lourdeurs, et je n'ai pas pourquoi, systématiquement, était utilisé le mot « fantaisie » et jamais « fantasme ».
Ceci dit, Somoza reste un excellent écrivain, le livre n'est pas mauvais, et, franchement, j'ai plutôt passé un bon moment à le lire. Je suis plutôt heureuse qu'il soit si peu entré dans les détails finalement inutiles de l'horreur, la tension augmentant d'autant plus que, longtemps, on ne comprend pas ce qu'il se passe. Mais tout de même, il a trop de faiblesses, et il est trop racoleur sans réussir à apporter le dénouement nécessaire pour me faire oublier tous ces défauts. Comme masquer le texte efface ce qu'il y a après, je mets mes principales critiques - portant sur l'intrigue - juste en-dessous.
L'explication finale est ce qui m'a le plus déçue. Il manque, à mon avis, des éléments pour la rendre crédible, même dans un contexte fantastico-scientifique. La question du pourquoi du dédoublement est assez vite oubliée, et surtout, celle du comment le double peut-il ainsi se déplacer dans le temps est évacuée. Idem, rien sur le pourquoi cette supraconscience influe sur leurs comportements, ni sur la mise en place du sadisme fantasmatique chez tous les personnages ayant transgressé l'interdit tacite de voyager dans le temps.
De plus, Victor a beau être présent en filigrane dans tout le roman, il a cette caractéristique affreuse du personnage-mouchoir de n'être qu'un faire-valoir des évènements. Et c'est pour cette raison que je n'ai pas été surprise que ce soit lui : sans ce rôle, il n'aurait eu aucun intérêt, pas même narratif car Elisa ne lui raconte pas directement son histoire, elle est racontée par un narrateur extérieur et à aucun moment Victor n'intervient – ce que je comprends, car cela aurait sans doute brisé le suspense. Rien n'est jamais gratuit dans un bon roman policier, mais, tout de même, là, tout menait à lui simplement parce que, sinon, il ne servait à rien.