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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avant que de donner un quelconque misérable avis sur du théâtre antique, peut-être vaut-il d'y glisser un petit avertissement pour les lecteurs profanes, que nous sommes en majorité (je m'inclus dedans, bien évidemment). Qu'était-ce donc que le théâtre au temps de Sophocle ?

Un divertissement parmi d'autres ? sûrement pas. Un spectacle raffiné pour élite bourgeoise ou gratin mondain ? encore moins. Plus vraisemblablement un outil d'édification des foules, un peu comme aujourd'hui on regarde un spot publicitaire du gouvernement pour nous enjoindre à trier nos déchets ou à éviter les accidents domestiques, ou bien, il n'y a pas si longtemps, les programmes éducatifs de la défunte O.R.T.F. Ou bien encore, comme on s'accorde à reconnaître les bienfaits des programmes de sensibilisation aux dangers des drogues ou à la bonne hygiène sexuelle pour former les jeunes lycéens. C'était un peu ça le théâtre, une sorte d'outil de propagande doublé d'une visée moralisante et normative pour assurer autant que possible le bon fonctionnement et l'harmonie sociales.

Pour atteindre cet objectif, afin de marquer durablement le spectateur, le théâtre va choisir d'agir directement sur le centre des émotions, et si possible les deux émotions extrêmes que peut ressentir un spectateur : soit les larmes, soit le rire. Voici de fait les deux genres majeurs, caricaturaux par nature mais parfaitement efficaces et compréhensibles en regard de l'objectif poursuivi, qu'a produit l'art théâtral grec : la tragédie et la comédie.

Ainsi donc, si l'on replace Sophocle dans ce contexte, notre lecture et nos attentes sont quelque peu différentes. On y lira par exemple l'éloge du patriotisme, de la fidélité et de quelques autres vertus (ou considérées comme telles) à l'époque. Mais pour nous autres, lecteurs du XXIième siècle, qu'attendre du théâtre antique ? « Telle est la question » a répondu un autre dramaturge, et c'est celle-ci qu'il nous faut nous poser.

Si c'est pour le message brut véhiculé à l'origine par ces pièces, manifestement il y a péremption et l'on se trompe de chemin. Par contre, si c'est pour la forme ou pour tout autre apanage, alors pourquoi bouder notre plaisir ? J'en connais qui admirent des affiches Art Nouveau, non pas pour ce qu'elles évoquent et qui a disparu, mais parce qu'elles sont belles, tout simplement.

Peu sont ceux qui peuvent encore jouir de la musique de la langue que procurait le grec ancien : il nous faut nous rabattre sur des traductions, où, après le fond, l'on perd encore un peu de ce quelque chose qu'y avait mis l'auteur pour forger une oeuvre complète, complexe, équilibrée et marquante. Avec ses trente pour cent, peut-être, de ce qui nous arrive aujourd'hui à nous, les lecteurs profanes, par rapport à l'oeuvre initiale, il faut chercher à y trouver tout de même son bonheur.

Ce bonheur vient par éclairs, par flash, lorsque l'auteur touche du doigt un paramètre de l'humain qui n'a pas changé depuis vingt-cinq, quatre ou trois cents siècles, qui est du registre de l'Humain en tant qu'espèce, indépendamment de toute appartenance à une société donnée à un moment donné, message qui ne se flétrira pas davantage dans mille ans ou dans cinq cents siècles, pour peu que l'humain sache se trainer jusque là.

Ceci est possible également à une autre échelle que l'auteur ignorait et qui n'était pas l'objectif poursuivi à l'époque mais qui a grandi avec le décalage temporel : celle de témoignage quasi ethnographique sur un mode de pensée aujourd'hui révolu et qui pourtant est le fondement, la base, l'origine, le foyer du système occidental.

Aussi, lisez-le pour ça, ce théâtre, pour ce témoignage, pour ce qu'il peut vous apprendre d'universel et qui n'a pas tremblé d'un iota depuis lors, un peu comme vous lisez Anne Frank ou Primo Levi, et alors, vous ne serez probablement pas déçus.

Si vous attendez la puissance de certains écrits plus modernes, peut-être n'y trouverez-vous pas tout votre content (quoique, ce n'est pas sûr), mais ce n'est là que mon avis, tragique par essence, c'est-à-dire, pas grand chose.
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Oedipe à Colone
La dernière tragédie de Sophocle, probablement écrite l'année de sa mort à 90 ans, est le terme du cycle d'Oedipe. Guidé par Antigone jusqu'au bois de Colone consacré aux Euménides, l'aveugle vient accomplir son destin et mourir, ou plus précisément disparaître en héros avec Thésée pour seul témoin (il demande à ses filles de « quitter ces lieux sans voir ni entendre les choses ni les mots qui vous sont interdits »).

On y trouve les ingrédients de l'antique : la piété utilitaire dans l'imploration des dieux, pour la vengeance comme pour l'apaisement ; l'observance sourcilleuse des rites ; la protection exigée du fort par le faible entre gens de bien ; les vigoureux contrastes, ici l'amour paternel d'Oedipe pour ses filles et sa haine à l'endroit de son fils Polynice qui s'exprime par d'implacables malédictions. le spectateur antique et le lecteur moderne ne se soucient pas de vraisemblance : Oedipe et Antigone marchent en haillons, Ismène, d'une élégante fraicheur, apparait sur une pouliche de l'Etna, Polynice et Créon, le fils indigne et l'usurpateur bardés d'arrogance, tous se rencontrent dans le bois interdit où va et vient le roi d'Athènes ; les sept armées qui s'assemblent contre Thèbes sont défaites quelques instants plus tard. Pensons aux raccourcis spatiotemporels du Cid et de Phèdre !

Ce qui importe est l'expression des sentiments extrêmes, la guerre, les pleurs, la colère, le poids de la vieillesse : « Meurtre, dissensions, rivalités, batailles – envie surtout ! Et puis, pour dernier lot, la vieillesse exécrable, l'impuissante, l'insociable, l'inamicale vieillesse, en qui viennent se rejoindre tous les maux, les pires des maux ». La rencontre de la tendresse et de la violence, qu'on trouve aussi dans l'imploration de Priam embrassant les genoux d'Achille, sommet de l'Iliade, est ce qui fait la grandeur de ces textes antiques.
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Les tragédies de Sophocles sont des merveilles du monde antique grec. Des pièces à lire...

Extrait: OEDIPE : O mes enfants, où donc êtes-vous ?... Sur vous aussi je pleure... quand je songe combien sera amère votre vie à venir et quel sort vous feront les gens... Quand vous atteindrez l'heure du mariage, qui voudra, qui osera se charger de tous ces opprobres faits pour ruiner votre existence, comme ils ont fait pour mes propres parents ? Est-il un crime qui y manque ? Votre père a tué son père ; il a fécondé le sein d'où lui-même était sorti; il vous a eues de celle même dont il était issu... Qui, dès lors, vous épousera ? Personne, ô mes enfants, et sans doute vous faudra-t-il vous consumer alors dans la stérilité et dans la solitude... CRÉON : Tu as assez pleuré, rentre dans la maison
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Les 7 tragédies de Sophocle se dévorent. A compléter, à titre d'agrément ou de recherche, par la lecture des mêmes mythes déclinés par Eschyle et Euripide.
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Comme pour chaque livre, la seule question qui subsite une fois la lecture achevée est de savoir s'il m'a suffisamment plu, interpellé, questionné ou émerveillé pour que je souhaite me replonger un jour dedans et parcourir une nouvelle fois ses pages. La réponse est oui, ne serait-ce que pour remonter le temps et me replonger dans mes années d'étude. Un classique en tout cas et qui mérite son statut
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Sophocle est plus fluide qu'Eschyle mais moins qu'Euripide. Ses personnages ont une grandeur et une noblesse qui ne sont pas vraiment terrestres et ils nous touchent plus difficilement que ceux d'Euripide. Ceci dit son oeuvre est essentielle et incontournable pour les amateurs d'antiquité gréco-romaine. Parmi les meilleures pièces de l'ouvrage citons "Antigone", "Electre" et "Oedipe à Colone".
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