LE CORYPHEE. – Tu es née d’un père mortel, Electre, songes-y. Oreste aussi était mortel. Ne gémis pas sans mesure. Nous devons tous en passer par là.
Etrange chose que d’être mère ! Ils ont beau nous faire du mal, nous n’avons pas de haine pour nos enfants.
Prends garde, quand tu ériges le talion en loi universelle, de n’avoir pas à le regretter la première. Car enfin, si un mort rachète un mort, ton tour est venu d’expier.
CHANT DU CHŒUR
Parmi les oiseaux de ciel,
quand nous voyons les plus intelligents
prendre soin de nourrir ceux dont ils ont reçu
la vie et les bienfaits qui soutiennent la vie,
pourquoi nous, les humains, pourquoi d’ingratitude
payons-nous nos parents ?
En faisant courir le bruit de ma mort, j’assure ma vie et me couvre de gloire. Parole qui profite ne saurait porter malheur.
Les années ne t’enseigneront-elles pas la vanité des rancunes où tu te complais ? Je souffre autant que toi de la vie qu’on nous fait ici. Je ne dis pas qu’un jour, si j’en avais le pouvoir, je ne leur jetterais pas ma pensée au visage. Mais dans la mauvaise passe où nous sommes, je trouve plus sage de filer doux, car cela n’avance à rien de piquer les gens sans leur causer la moindre peine.
L’occasion nous favorise, qui est l’arbitre par excellence de toute entreprise humaine.
Chose étrange que d'être mère ! Quelque mal qu'ils vous fassent, on ne peut haïr ses enfants. (remarque de Clytemnestre)
Encore plus horrible n’est-il pas de mourir ; c’est, quand on appelle la mort, de se la voir refuser.
LE CHŒUR. – […] Eh ! ne comprends-tu pas comment
tu ne dois qu’à toi-même les misères
où, sans respect de toi, tu t’es jetée ?