Avis : ENFIÉVRANT
Il y a déjà dix jours que j'ai lu le roman historique confié par
Gabriel Souleyka avant sa sortie officielle du 16 octobre. Dix jours où je n'ai pas trouvé la force de prendre la plume pour écrire la chronique qu'il attend de moi. Pourquoi ? Si je veux bien me l'avouer, c'est la peur qui me bloque, celle de ne pas être à la hauteur d'un tel livre sanctuaire.
Cette fresque faite de passions, de fureurs et de larmes m'a entraînée au plus profond de l'Histoire, pour compléter celle qui m'avait été apprise à l'école et qui était parfaitement édulcorée. Ce dernier mot n'est pas pris au hasard car lier l'esclavage au sucre n'est pas inexact, même si cela peut paraître incongru au premier abord. Entrer dans les méandres des âmes et les combats des corps a été puissamment addictif car l'action est à chaque page, qu'elle soit faite de combat ou de réflexion.
Tout le roman est construit autour de la révolte des esclaves en Guadeloupe en 1802, et de la vie de Solitude, mulâtresse née du viol de sa mère sur un navire négrier. C'est avec elle que nous remontons les temps de l'esclavage sur 646 pages avec moult détails et faits historiques. La construction en est habile entre les chapitres où l'esprit de Solitude cherche la vérité auprès des Dieux pour livrer un témoignage exhaustif, et ceux où nous sommes confrontés à la vie et aux souffrances des esclaves sur les plantations. Il est extrêmement intéressant d'avoir cette lecture de l'esclavage au travers des colons, des esclaves et des esprits.
le livre est fait de paroles incantatoires relayant la parole de millions d'esclaves, et voulu comme guide des enfants de ce monde. Il y a une magnifique histoire d'amour des formules magiques, de la philosophie, des pistes de réflexion, des informations vérifiées et vérifiables — combien de fois suis-je allée chercher à en savoir davantage encore en ouvrant un moteur de recherche —, de la mythologie, des empires, des traités, de la genèse. Il y a surtout de l'humanité et de la tolérance.
Ce roman aurait pu être un long pamphlet, mais l'intelligence de l'auteur a guidé une écriture impartiale, plus proche du documentaire que d'une fiction au parfum de revanche. Les faits sont inhumains mais les environnements sont respectés. L'auteur rend à chaque protagoniste ses responsabilités et au peuple noir une vérité que l'hypocrisie du Code noir de Colbert avait rayé pendant de longues années.
Même s'il arrive que l'on se perde un peu dans le foisonnement des mots, le style et l'écriture sont fluides, le vocabulaire est à la fois précis et imagé, les dialogues et échanges sont souvent lumineux.
Je dirai qu'il est rare que dans un roman, les mots prennent chair et humanité ; c'est le pari réussi de
Gabriel Souleyka. Je vous engage à le découvrir en vous prévenant que le sifflement des fouets sera long à s'éteindre en vous.
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