L’occasion de me venger de lui se présenterait tôt ou tard. Pour le moment, il fallait me résigner à la patience en faisant profil bas.
Patience… L’un des mots que j’exècre le plus dans le vocabulaire courant.
La partie la plus sombre de moi était taraudée par une inavouable frustration : celle de ne pas pouvoir détruire d’un simple claquement de doigts les êtres qui me déplaisaient.
Les gens dangereux ne cherchent pas à épater la galerie, ils se contentent de passer à l’acte. Les scorpions sont des animaux sournois.
Assouvir mes désirs avec un parfait inconnu s’avéra néanmoins plus compliqué que prévu. Ni torrides ni voluptueuses, les minutes que nous passâmes à jouer la bête à deux dos me laissèrent insatisfaite. La fusion de nos corps était austère, sans chaleur ni frisson… Peut-être parce que les halètements masculins que je sentais dans mon cou et les caresses avides qui exploraient ma peau me ramenaient fatalement à Marco.
J’avais besoin de sexe et de chaleur humaine pour évacuer toute l’aigreur, toute la frustration qui me rongeaient comme un acide.
J’étais partagée entre une inavouable jalousie et la satisfaction de voir mon plan fonctionner comme sur des roulettes… Ce n’était pourtant pas mon genre de m’embarrasser de telles émotions contradictoires. Seul le résultat final comptait, non ? Éprouver des sentiments et se laisser chahuter par leur caprice constituait déjà une faiblesse exploitable par mes ennemis.
Le baiser rapide ne lui avait pas suffi. Ses lèvres conquérantes en exigeaient davantage. Elles vinrent à la rencontre de celles de sa protégée pour l’embrasser à nouveau avec, cette fois-ci, une ardeur affranchie de toute pudeur. Une passion qui n’avait rien de brutale, mais, au contraire, d’une douceur insoupçonnable venant d’un mec aussi taciturne et mystérieux que Marco.
Il lui faisait une cour subtile et patiente sans tomber dans le cliché du dragueur de base. Le charme qu’il déployait s’accompagnait d’une galanterie prévenante. Et puis, il y avait aussi ses sourires fugaces qui parvenaient si bien à éclairer son visage aux traits modelés dans ce que la masculinité faisait de plus beau. La fondatrice de Modern Dreams semblait aussi fragile qu’une poupée, à ses côtés. Mais elle renvoyait une image épanouie, enivrée par des prémices de bonheur. Elle alimenta la conversation comme un moulin à paroles pendant le repas, tandis que Marco s’évertuait à boire ses anecdotes de boulot et sur son fils avec un intérêt bluffant. Il y avait quelque chose en lui qui inspirait le réconfort et la confiance. Qui aurait pu deviner la noirceur cupide qu’il cachait au fond de son cœur ?
De nos jours, il est possible d’acheter pratiquement n’importe qui. Je dis bien « n’importe qui ». La loyauté est une chose versatile et sujette à la corruption, telle est la loi impitoyable qui charpente notre société. Bien sûr, quelques réfractaires à l’appât du gain font encore exception, mais ces frondeurs sont une espèce en voie de disparition.
Le monde serait meilleur s’il y avait plus de gens comme elle. Son charisme, son charme et sa douceur laissent difficilement les hommes indifférents. Et je suis un homme.