Sur le pont des Arts, il regarda les milliers de cadenas couvrant les grilles, et s’amusa de ce que les gens étaient prêts à faire pour perpétuer leur amour.
_Et si je te disais que j’en avais apporté un ? Tu serais d’accord pour qu’on y inscrive nos initiales et qu’on l’accroche à notre tour ?
Maxime se montra un peu réticent.
_Crois-tu vraiment qu’on ait besoin de ça ?
Quelle question ! me disais-je. S’il fallait retirer tous les cadenas pour n’en laisser qu’un seul, ce serait le nôtre. Avec cette manie qu’il avait de me laisser, et de partir, je n’avais que deux choix pour espérer le garder près de moi : le menotter à mon radiateur, ou attacher ce foutu cadenas comme ultime recours.
Des Arabes comme moi semaient la terreur aux quatre coins du monde. Certains s’enlisaient dans la lutte pour une terre perdue, d’autres peinaient à trouver leur place dans le pays où ils étaient nés. Comment en étions-nous arrivés là ? Comme beaucoup le laissaient à penser, y avait-il dans ma culture d’origine les germes de cette violence, et de ces échecs, comme une fatalité ?
La touche finale : ma dernière trouvaille chez Lancôme, le So Frivolous 118, un rouge à lèvres d’un grenat vif et abondamment pailleté, une véritable arme de destruction massive dont Powell n’avait pas les clichés, mais dont je n’allais pas tarder à faire bon usage.
L’amour aussi est un art. De tous, et de loin, le plus beau. Que ne me suis-je égarée dans celui, que je croyais moins périlleux, de la guerre !