Dans son quatrième roman,
Sébastien Spitzer prend cette fois-ci la route du Japon en 1945 pour revenir sur les traces d'Hiroshima. A chaque roman, un nouvel univers. La catastrophe nucléaire et ses conséquences lui servent ici de toile de fond.
Claude Eatherly a réellement existé et il est le héros de ce roman. Héros malgré lui. le major était le pilote du B-29 de tête qui survolait le Japon en reconnaissance pour préparer le bombardement. Il fut l'homme qui déclara que les conditions météos étaient réunies pour mener à bien la mission, il fut l'homme qui donna le top au largage de la bombe atomique qui tuera ou blessera plus de 360 000 Japonais.
Si les Américains ont toujours été persuadés que ce bombardement (et celui de Nagasaki trois jours plus tard) étaient le seul moyen de faire plier de Japon impérial, et si les hommes de cette mission sont revenus tels des héros, Claude Eatherly lui a de suite été frappé par le remord. Son grand drame à lui est qu'il ne savait pas ce qu'ils transportaient ce jour là, ce 6 août. La bombe, c'était le « gadget », mais aucun ne savait précisément ce qu'elle était.
Très vite, Claude a entendu des voix lui rappelant ce qu'il avait fait ce jour-là. Dans le roman, cette petite voix c'est Hanaé, une jeune fille que la bombe a défiguré.
En parallèle de ce parcours du pilote, on suit celui de sa femme, rebaptisée Anna par l'auteur (la vraie s'appelait Ann). Actrice, elle a rêvé sa vie. Elle a joué dans quelques films et dans quelques pièces de théâtre avant la guerre. Son mariage avec un petit pilote provincial sans envergure mais promis à un bel avenir devait lui donner une petite gloire. Claude aurait pu être un héros, il aurait dû accepter les honneurs que ses compagnons ont accueillis à bras ouvert, il n'aurait pas dû craquer, il n'aurait pas dû se laisser aller de la sorte. Il aurait dû tenir, faire honneur à son pays, à sa femme et à ses enfants. Mais Claude a flanché, il a capitulé, il s'est laissé dépasser.
C'est un beau récit sur le remord et sur la dépression. Un portrait d'homme qui se laisse totalement submerger.
Sébastien Spitzer est l'un de ces auteurs qui sait exposer la vie de gens ordinaires pris dans la grandeur de l'Histoire. C'est un roman construit en miroir où l'on alterne entre Claude et Anna dans une sorte de balancier. Une lecture qui interroge et nous met mal à l'aise nous aussi tant l'histoire est terrible.