Ce tome contient les 4 épisodes de la minisérie du même nom, initialement parus en 2015, écrits par
Jason Aaron, dessinés par
Chris Sprouse et encrés par
Karl Story pour les épisodes 1 & 4, dessinés par Goran Sudžuka et encrés par Dexter Vines pour les épisodes 2 & 3, avec une mise en couleurs de
Marte Gracia pour les épisodes 1 & 4, et
Israel Silva pour les épisodes 3 & 4. Il s'agit d'une série satellite de l'événement du moment : elle se déroule concomitamment à
Secret Wars (2015) de
Jonathan Hickman &
Esad Ribic (elle peut en être lue indépendamment).
L'histoire se déroule sur Battleworld, un monde assemblé à partir de morceaux de Terre issues de mondes parallèles et accolés par la force du dieu vivant Victor von Doom. Sur cette planète artificielle, une brigade de Thors d'horizon divers assure les fonctions de police. Alors que le récit commence, Thor Ultimate et Beta Ray Bill ont découvert le cadavre d'une femme dans une zone éloignée de la cité. Ils convoquent les autres Thor sur place, leur font savoir qu'à eux deux ils sont les responsables de l'enquête et qu'il s'agit d'un Allthing. Avant de commencer sérieusement l'enquête, ils se passent les nerfs sur un groupe de Ghost Rider.
De retour à Doomgard, Thor Ultimate se fait passer un savon par Thor-Odin qui lui explique qu'il a intérêt à obtenir des résultats rapidement. Puis il passe voir Throg (le Thor grenouille) qui lui explique que l'examen légiste n'a pas permis d'identifier le cadavre. Il finit par aller écluser des bières à la taverne Valhalla, où il est rejoint par Thor Beta Ray Bill. Ce dernier lui explique qu'il va aller consulter un de ses informateurs les plus fiables, bien qu'il n'aime pas les Thor. Il apprend un nom :
Jane Foster.
Pendant
Secret Wars, toutes les séries mensuelles font une pause, laissant place à des miniséries satellites se déroulant dans l'environnement de Battleworld. Contrairement aux craintes des lecteurs, les responsables éditoriaux ont fait en sorte de conserver les mêmes équipes créatives que sur les titres mensuels. C'est ainsi que le lecteur a le plaisir de voir que c'est
Jason Aaron qui s'occupe de Thor, même si ce n'est pas une suite directe du tome précédent de sa série mensuelle. Il apprécie de retrouver les dessins de
Chris Sprouse. le dispositif retenu par le scénariste (une enquête policière menée par des dieux) lui fait immédiatement penser à l'une des enquêtes de Top 10 d'
Alan Moore, ce qui place la barre un peu haut.
Dans les faits, le lecteur ressent que
Jason Aaron s'amuse à mêler les conventions d'une enquête policière, avec la mythologie du personnage Thor à la sauce Marvel, dans l'environnement de
Secret Wars. Thor Ultimate assure donc les fonctions d'enquêteur de la police, un peu cynique et désabusé, expérimenté. Aaron utilise le principe de responsable d'enquête pouvant demander l'aide de ses collègues, de supérieur hiérarchique exigeant des résultats du fait de la pression du dirigeant du royaume. le crime est mystérieux car la victime n'est pas de la région, l'examen de son cadavre montre qu'il a été transporté et que cela faisait déjà quelque temps qu'elle était morte. Il joue également sur les relations pas forcément cordiales qui existent au sein de la brigade des Thor, avec des progressistes, et des plus radicaux.
L'enquête progresse difficilement et fait remonter des personnages attendus comme Loki mais dans une configuration surprenante.
Jason Aaron se lance dans une séance d'interrogatoire en salle close, à la manière de
Brian Michael Bendis &
Michael Avon Oeming dans la série Powers, mais sans réussir à en atteindre l'intensité ou la vivacité. La rivalité entre les Thor repose sur les différences de caractère et ressort de manière naturelle. Bien sûr tous ne disposent pas d'une séquence devant les feux de la rampe, et le lecteur pourra ressentir un goût de trop du fait que Thor Groot ou Thor Storm (Ororo Munroe) n'ait pas eu la possibilité de s'exprimer.
Chris Sprouse, puis Goran Sudžuka effectuent un travail impeccable pour que chaque Thor se distingue et se reconnaisse aisément.
Le lecteur un tant soit peu familier avec l'historique du personnage reconnaît facilement Thor Ultimate à son visage un peu plus dur, à son bouc, à ses cheveux filasses, et bien sûr à la forme caractéristique de son marteau. Thor Beta Ray Bill se reconnaît grâce à la forme de son crâne évoquant celui d'un cheval. de même Thor Odin se reconnaît à son âge et à son bandeau sur l'oeil, Storm grâce à son costume hérité de Agardian Wars, Throgg grâce à sa forme de grenouille, Thor Groot du fait de son écorce, Thor Destroyer du fait de son armure, etc. C'est à la fois la preuve de l'investissement des créateurs initiaux de ces variations du personnage, de la force de la conception visuelle de leur variation, mais aussi la preuve de l'attention portée par les artistes à leur travail préparatoire de référence.
Le premier épisode débute dans un endroit dépourvu de caractéristiques, si ce n'est le sol en terre naturel. Passé cette scène de découverte du cadavre, Sprouse prend le temps de représenter les décors de chaque scène, de manière à ce que le lecteur sache où se déroule l'action, et que les Thor se déplacent dans des lieux concrets, dans des bâtiments avec un agencement de pièce stable, avec des meubles et des accessoires tangibles. La densité d'information visuelle est assez élevée, tout en conservant une grande lisibilité pour les dessins, grâce à des traits maîtrisés. La direction d'acteur et les prises de vue sont professionnelles et ne donnent pas l'impression de clichés déjà vus. Avec le deuxième épisode, Goran Sudžuka et Dexter Vines prennent la suite de
Chris Sprouse et
Karl Story. Si le lecteur n'a pas eu la curiosité de regarder qui a fait quoi, avant d'entamer sa lecture, il est possible qu'il ne le remarque pas.
En surface, Sudžuka et Vines ont repris la même approche graphique que leurs prédécesseurs, avec des traits de contours élégants dans leur variation d'épaisseur et leur tracé. Il faut quelques pages pour repérer que les expressions de visage sont un peu moins nuancées, et que les arrière-plans se simplifient de page en page. Arrivé au troisième épisode, le lecteur regrette que Sudžuka & Vines maîtrisent aussi bien l'art du cadrage pour éviter de dessiner l'environnement autour des personnages. La narration visuelle perd en consistance et le lecteur a du mal à se projeter dans les lieux où agissent les personnages. Il apprécie de voir revenir Sprouse & Story. En effet les visages des personnages et leurs tenues regagnent en consistance et en détails. Par contre ils devaient également être soumis à un délai serré car les décors restent les parents pauvres, les artistes se concentrant à plus de 80% sur les personnages, leurs mouvements et les coups échangés.
Jason Aaron termine proprement son intrigue, en dévoilant le coupable des meurtres et ses motivations, et en se raccrochant au dénouement de
Secret Wars. le lecteur a apprécié une enquête policière menée par une brigade peu commune, ainsi que l'utilisation à bon escient de l'historique des Thor. Les dessins racontaient clairement l'histoire, avec un vrai investissement pour que chaque Thor dispose d'une réelle identité visuelle, par contre le budget alloué aux décors semble avoir été consommé aux trois quarts pour le premier épisode, n'en laissant plus assez pour les 3 autres épisodes. 4 étoiles pour un récit sympathique et bien mené, mais pas indispensable.