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Citations sur La tristesse des anges (343)

Pourquoi faut-il qu'il neige autant, que cela signifie-t-il donc?
Ils continuent.
Contre la tempête, les bourrasques, la neige, il suffit d'avancer, c’est la seule chose qui compte. Avancer ou renoncer. Avancer, certes, mais pas trop longtemps, il faut tourner à un certain moment, avant que la terre ne cesse d'exister et que le vide ne prenne le relais. Une falaise haute de sept cents mètres. Ce n'est pas franchement drôle de progresser ainsi à l'aveuglette à travers la tempête, de ne distinguer qu'à peine vos propres bras, sachant que quelque part devant vous vous attend un précipice. De savoir également que le vent a une fâcheuse tendance à pousser les flocons en congères vers le bord de cet à-pic, ce qui, avec le temps, crée un épais promontoire neigeux qui ne disparaît qu'au printemps, à moins que quelqu’un n'ait l'imprudence de s'aventurer à la surface, aveuglé par la tempête. Il n'est en ce monde que peu de choses qui soient dignes de confiance, les dieux ont l'habitude de nous trahir parfois, quant aux hommes, ils en font profession, mais la terre, elle, ne vous trahit pas, vous pouvez sans hésiter fermer les yeux et avancer d'un pas, elle vous reçoit, vous accueille, je vais vous protéger, dit-elle, et c'est d'ailleurs pour cela que nous l'appelons mère.
(P192)
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Je vais bientôt partir pour Copenhague, annonce-t-elle les yeux baissés, l'espace d'un instant. Ses longs sourcils sont deux ailes légères qui reposent sur ses yeux. [...]

Et voilà.
Elle va s'en aller.
Très bien.
Et loin.
Au-delà de la mer.
Incroyablement loin d'ici.
Ce qui est une bonne chose, alors bon voyage! En quoi cela le concerne-t-il? Il ne s'intéresse pas à elle, il ne la connaît pas, pas du tout même, elle est d'un autre monde, à mille lieues du sien, il y a tout un océan entre elle et lui qu'elle soit à Copenhague ou bien ici.
Mais tout de même. Elle part. Avec ses yeux! Et ses épaules! Elle part.
En laissant derrière elle les montagnes.
Et moi au-dessous.
Et voilà pourquoi la tristesse s'avance vers moi, quelque part dans le soir, avec son fusil chargé, pour m'abattre comme un chien, se dit-il, persuadé que le cynisme de l'existence aura le dernier mot. Pourquoi ne dis-tu rien? lui demande-t-elle sèchement, à nouveau sur le point de piaffer d'impatience. Et arrête de regarder mes épaules! Ce que tu peux avoir l'air benêt!
Celui qui se retrouve abandonné sous les montagnes aux pentes vertigineuses peut en réalité dire n'importe quoi, tout bonnement parce qu'il n'a rien à perdre ni, évidemment, à gagner.

Je ne dis rien car la tristesse est tapie quelque part dans le soir et qu'elle est en route avec un fusil chargé, et si je regarde ainsi tes épaules, c'est parce qu'elles sont plus belles que le clair de lune et que je serais incapables de les décrire, même si je vivais dix siècles, et je...le gamin s'interrompt, les mots viennent brusquement de l'abandonner, une langue entière a été engloutie, ne laissant derrière elle que le silence. Il n'y a maintenant presque plus d'espace entre eux. Il y en a si peu qu'ils respirent le même oxygène, qu'ils se l'échangent et elle a ces épaules, elle le regarde et respire, c'est lui qu'elle respire et tous les mots du monde ont disparu, alors le gamin fait la seule chose qu'il ait à faire: il obéit à ce que lui commande le cœur.

Ses lèvres tourbillonnent un long moment dans les airs. Elles tournoient dans l'atmosphère dont elles traversent les couches et mettent très longtemps à parcourir l'univers avant d'atterrir finalement en douceur sur des épaules aussi blanches que le clair de lune. Ensuite, il les fait remonter lentement sur la peau et jusqu'au lobe de ses oreilles qui est blanc, rigide et doux, il l'entend qui respire, il sent qu'elle pose sa paume sur son ventre, elle prend sa tête entre ses mains, l'incline un peu vers elle et l'embrasse: ses lèvres sont chaudes et elles sont humides et elles sont, elles sont, elles sont.

Ensuite, elle retire ses mains de son visage, fait volte-face, retourne d'un pas pressé vers la salle de restaurant, ouvre, quelques bribes s'échappent par la porte; elle entre, referme derrière elle et les mots viennent mourir par terre aux pieds du gamin.
(P120-122)
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Je croyais que tu n'allais jamais me répondre, chuchote-t-elle en l'attrapant par la manche pour l'emmener dans un coin où personne ne les voit. Elle porte une robe bleue, d'un bleu céleste, l'un des dieux a arraché un morceau d'azur pour l'envelopper, le ciel se blottit tout contre le haut de son corps et s'évase vers le bas. Elle l'attire dans le coin et s'approche si près qu'il sent sa poitrine se presser contre lui, peut-être est-ce un hasard, peut-être pas, mais ses seins sont durs, et assez gros, enfin il n'est pas sûr, il n'en sait que peu sur les seins, mais il lui plairait rudement de les sentir à nouveau contre lui. Ses cheveux sont relevés en chignon, il regarde ce cou si doux, ces épaules nues, on doit éprouver un certain bonheur à posséder de telles épaules. Nous n'avons pas beaucoup de temps, lui dit-elle à voix basse, une fois qu'elle l'a acculé dans le renfoncement d'où il ne peut s'échapper, d'ailleurs, il ne veut aller nulle part [...] Que peut-il dire pour la calmer, quels mots faut-il pour apaiser cette femme, cette jeune fille dont les yeux ont été taillés dans les montagnes? Qu'est-ce que tu as à regarder mes épaules comme cela? Ses yeux d'un gris rocheux transpercent le gamin, pourtant ils n'ont pas l'air bien méchants en ce moment, et elle ne ferme pas les lèvres, elle a les lèvres rouges, charnues et elles brillent, tout humides, et ces yeux sont venus des montagnes.
(P118/119)
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A quoi bon la poésie s'il n'est pas en son pouvoir d'influer sur le destin? Il existe des livres qui vous distraient, mais ne remuent en rien les destinées profondes. Ensuite, il y a ceux qui vous amènent à douter, ils vous apportent l'espoir, élargissent le monde et vous font peut-être connaître le vertige. Certains livres sont essentiels, d'autres simplement distrayants.
(P33/34)
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Où est la lumière, où est le printemps, n'existait-il pas autrefois de l'herbe bien verte?
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Ils marchent et réfléchissent. Mais il n'est pas aisé pour l'homme de maîtriser le cours de ses pensée, elles peuvent être plus incontrôlables que n'importe quelle brebis et s'enfuir dès qu'on se relâche, s'enfuir et disparaître au loin ou encore se disloquer comme un nuage de fumée.
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L'être humain est capable d'oublier la plupart des choses ou de les nier en fermant les yeux plutôt qu'en les ouvrant et il est presque toujours plus facile de détourner les yeux que de regarder, car celui qui regarde est forcé de reconnaître ce qu'il voit, ensuite, il n'a d'autre choix que de l'affronter.
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C'est ainsi : parfois, on ne voit la vie que lorsqu'on a le nez dessus, voilà pourquoi nous devrions nous garder de jamais juger les choses de trop loin.
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[...] le pouvoir est de genre masculin et tu es un homme, quoi qu'il en soit, même s'il y a sans doute en toi bien plus de ciel que de virilité.
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Il existe des livres qui vous distraient, mais ne remuent en rien les destinées profondes. Ensuite, il y a ceux qui vous amènent à douter, ils vous apportent l'espoir, élargissent le monde et vous font peut-être connaître le vertige. Certains livres sont essentiels, d'autres simplement distrayants.
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