AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,77

sur 165 notes
5
2 avis
4
2 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 1 étoiles  
En voilà un titre appétissant ! Signé Stendhal (qui, je le regrette, n'est pourtant pas l'un de mes auteurs favoris), je me léchais les babines dès la première page tournée.
Je déchante bien vite. Et une fois de plus, je constate que la fiction est bien supérieure à la vie réelle, ici représentée par un essai un peu particulier.
D'abord, il ne s'agit pas d'une étude rigoureuse sur l'Amour, plutôt quelques maximes présentées sous la forme d'un témoignage – Stendhal prenant du reste plaisir à se faire passer pour d'autres.
Les références du début du XIXème siècle nous échappent forcément, la prose peut sembler parfois lourde et le propos entaché de son époque.
Car, si l'Amour est universel et intemporel, force est de reconnaitre que la condition de la femme (et par ricochet, de l'homme) a fortement changé depuis – c'est heureux. Ce traité sur l'Amour pâtit donc d'un fond d'archaïsme suranné (délicieuse tautologie). du coup, les réflexions sur l'éducation des femmes (que viennent-elles faire dans un tel essai ?) semblent largement dépassées.
Le livre est construit en deux parties : d'abord une sorte d'essai qui enchaine les notes de bas de page et celles de fin d'ouvrage – les premières étant le fruit de l'auteur lui-même, les secondes censées éclairer les ignares que nous sommes en matière de références vers 1820. Parfois, une note de bas de page est elle-même assortie d'une note supplémentaire. Plus rarement, une note d'une note renvoie à une troisième. Vous suivez toujours ? Puisque je ne peux m'empêcher d'aller fouiner dans ces labyrinthes, cela ralentit d'autant une lecture déjà rendue laborieuse. Bref, si vos connexions neuronales ne sont pas au top, passez votre chemin et oubliez ces petits caractères qui ajoutent précision et compréhension mais nous entraine à nous perdre dans des chemins de traverse.
La seconde partie nous est présentée sous la forme de maximes, plus digestes. De La Bruyère (les caractères, j'avais bien aimé) à la Rochefoucault, ce genre était apparemment très prisé à l'époque. Ici, on renvoie souvent à Chamfort ; « de l'amour » fait donc partie de ces livres qui donnent envie d'en lire un autre – tout comme Amélie Nothomb m'avait donné le goût de la « princesse de Clèves »…
Tout ça pour aboutir à la conclusion que l'amour-passion, symbolisé par le personnage de Werther (Goethe) est plus appréciable que l'amour-goût ou l'amour physique d'un Don Juan. Et je ne peux me résoudre à être étranger à telles vues. Cela rapproche de la religion : comment pouvoir dissocier l'esprit du corps ? Pour moi, un être humain (ou tout autre animal – ces derniers ont une pensée, même si on ne la cerne pas toujours très bien) est un tout. Pourquoi vouloir mettre en avant une partie plus qu'une autre ? Pourquoi s'entêter à faire la part des choses ? Pourquoi vouloir à tout prix séparer l'inséparable ? le Yin et le Yang, le recto et le verso, pile et face. L'amour, le vrai, l'ultime, est l'union parfaite de la fièvre du corps et de l'enivrement de l'esprit.
Pourquoi vouloir toujours opposer le corps à l'esprit ?
Du reste, le véritable essai sur l'amour reste à écrire – du moins à ma connaissance.
Victime de son époque (Laclos venait de publier les Liaisons Dangereuses), Stendhal ne parle pas d'amour, mais de preuves d'amour (Pierre Reverdy). Ce n'est pas de l'amour, mais de l'influence, de l'égoïsme, de la jalousie, de la fierté, de l'orgueil et de tous les sentiments humains mis en oeuvre quand on aime dont traite cet essai. Tout ce que nous mettons en place ou nous subissons au nom de l'Amour. Là où je rejoins Stendhal, c'est dans cette conviction que l'amour n'est possible que lorsqu'on n'a pas d'autres préoccupations. Enfin, ce genre d'amour, intellectualisé à l'extrême – cette « cristallisation », mot réinventé par l'auteur lui-même pour indiquer l'amour-passion (on est amoureux quand on commence à agir contre ses propres intérêts). Voilà donc la subtilité : ne pas confondre être amoureux (subir la dictature de ses sens en quelque sorte) et aimer. Comme offrir et recevoir. Je ne peux pas imaginer qu'une peuplade primitive, luttant quotidiennement pour sa survie comme le fond les animaux (il y a deux sortes d'êtres vivants sur terre : ceux qui passent leur temps à trouver leur nourriture et ceux qui vont simplement la chercher au supermarché) n'éprouve pas l'Amour.
L'amour, le vrai, le pur, l'indéfinissable est un don sans contrepartie. Il dépasse largement le cadre des relations hommes/femmes. le dévouement d'une mère, l'extase de religieuses, ce lien mystérieux qui unit des personnes qui ne se ressemblent pas.
La passion n'est que l'Amour subi. le romantisme n'est que l'intellectualisation de sentiments. Cela peut engendrer le paradoxe de l'amant rendu impuissant parce qu'il aime « trop ». du reste, le verbe aimer est le seul qui soit plus fort sans qualificatif (je t'aime – je t'aime bien).
Cet « essai » parle donc du jeu de l'amour, pas de l'amour.
Finalement, c'est encore la préface qui nous apprend davantage de choses – pourquoi Stendhal a écrit ce livre qui n'est pas un roman, mais pas davantage une étude clinique sur l'Amour. Enfin, on s'étonne que l'Amour soit universel et intemporel alors qu'il est à chaque fois et selon les individus, différent. Pourtant, c'est tout simple : nous sommes tous constitués de la même manière, nos organes sont les mêmes et obéissent aux mêmes lois. Pourtant, il n'existe pas une personne rigoureusement pareille à une autre.

Comment l'amour vient-il aux jeunes filles ?

Enfin, présenté en appendice, ce petit texte digne d'une nouvelle qui résume bien des propos pompeux : Ernestine ou la naissance de l'amour. Force est de reconnaitre la puissance d'un texte de fiction pour infuser les idées. Ce petit bijou Stendhalien est à savourer comme la récompense, le dessert, après s'être enlisé dans un repas de mariage trop copieux et trop lourd. Y sont dévoilés, les unes après les autres, toutes les étapes du cheminement qui nous rend amoureux, c'est-à-dire « agir contre ses propres intérêts ».


Commenter  J’apprécie          53


Lecteurs (749) Voir plus



Quiz Voir plus

La chartreuse de Parme

De quel pays est originaire le héros du roman ?

France
Italie
Espagne
Allemagne

10 questions
209 lecteurs ont répondu
Thème : La Chartreuse de Parme de StendhalCréer un quiz sur ce livre

{* *}