Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2013/2014, écrits par
Joe Michael Straczynski (en abrégé JMS), dessinés et encrés par
Gordon Purcell avec l'aide d'
Andrew Pepoy pour l'encrage, avec une mise en couleurs de Michael Atiyeh.
Tout a commencé le 11 juin 1944, quand une force mystérieuse a conféré des superpouvoirs à un soldat américain après le débarquement. Il a pris le nom de Patriot et a combattu contre l'armée nazie. Depuis plusieurs individus ont acquis des superpouvoirs. Tous sans exception ont été choisis dans la couche aisée de la population et sur le sol américain. de nos jours, John Riley est inspecteur dans un commissariat de Chicago. Il a une bonne connaissance de l'histoire des superhéros. Ces derniers ont formé une entreprise appelée "Protectors inc." qui gère leurs intérêts financiers, leur image de marque et les produits dérivés associés. Il n'y a pas de supercriminels.
Par un concours de circonstances, John Riley finit par être affecté à l'enquête de la mort d'Huntsman, un des 10 superhéros majeurs de Chigaco (Mr. America, Pulse, Black Mask, Huntsman, Angel, Blade, Predator, Shrike, Lady Justice et Angel, et Patriot). Ailleurs un de ses collègues enquête sur le meurtre d'une femme non identifiée, retrouvée dans le lac Michigan à proximité de Chicago. Un autre collègue enquête sur la disparition de Leonard Adison (un agent de la CIA) qui escortait Josef Mueller, un transfuge allemand.
En 2013,
Straczynski réactive sa marque de comics "Joe's comics" et entame plusieurs séries continues et récits complets : The adventures of Apocalypse Al, Ten Grand, Sidekick, Dream Police, "Protectors, Inc.", tous publiés par Image Comics.
Ça commence comme un thriller d'espionnage, avec une disparition étrange impliquant un phénomène inexpliqué. Ça continue avec une scène dans une salle d'audience, comme une enquête procédurale. Puis le récit passe à l'historique de l'apparition des superhéros. Il faut donc un peu de temps pour que JMS mette toutes les pièces en place afin d'attaquer le sujet principal du récit : il y a quelque chose de pourri au royaume des superhéros.
La structure narrative est séduisante, avec cet inspecteur qui connaît toute l'historique (et donc qui peut faire des rappels opportuns pour le lecteur) et qui découvre le monde des superhéros en enquêtant sur eux. Il prend d'abord contact avec le porte-parole de leur entreprise, avant de pouvoir s'entretenir brièvement avec eux pour les besoins de l'enquête. le lecteur découvre donc progressivement le contexte du récit, avec les services d'un guide serviable et compétent.
Gordon Purcell dessine de manière réaliste un peu simplifié. Au départ, le niveau de détail est appréciable avec une belle vue extérieure, puis intérieure de l'aéroport de Chicago. Arrivé au passage dans les bois en Belgique, le lecteur note des arbres génériques (impossible d'en reconnaître l'essence), mais des uniformes réalistes. Lorsque vient la présentation des 10 superhéros de Chicago, le lecteur se frotte les yeux. Les costumes semblent sortis de comics des années 1960, les postures sont ridicules et figées, et les expressions des visages sont moches et idiotes.
Ainsi en fonction des pages,
Gordon Purcell va réaliser des dessins oscillant entre une description satisfaisante, avec des décors concrets et des personnages reconnaissables (bien qu'un peu rigides), et des images assez naïves semblant sorties d'une autre décennie. Cet aspect visuel donne une impression étrange d'une histoire avec un pied dans un environnement adulte, et l'autre dans un monde enfantin.
Côté intrigue,
Straczynski s'en titre mieux. Il commence par une disparition mystérieuse qui ne trouvera pas sa résolution dans ce tome. Il continue en introduisant le personnage principal, un peu désabusé, sans être cynique. Enfin il installe les superhéros de ce monde. Des superhéros qui créent une entreprise pour gérer leur image et les produits dérivés : JMS est très loin du cynisme de la série "The Boys" de
Garth Ennis (à commencer par The name of the game), il s'agit juste d'une entreprise capitaliste normale. Il surprend plus le lecteur avec l'idée que les superhéros sont choisis parmi les membres de la société qui sont déjà riches et qui ont su créer leur propre entreprise et s'enrichir. Tout d'un coup, le lecteur a l'impression de passer au niveau du métacommentaire sur l'historique des superhéros, avec une élévation sensible du débat.
Il ne s'agit toutefois que d'un moment passager, l'intrigue reprenant ses droits dans l'épisode 5. Ce n'est pas pour autant que le récit devient insipide. John Riley a l'occasion de se retrouver face aux superhéros restant de Chicago. JMS leur donne immédiatement une personnalité différente, en indiquant la réussite de leur carrière professionnelle qui leur a valu d'être choisis. L'enquête de John Riley se révèle dépendante des superhéros qu'il a en face lui et elle réserve plusieurs surprises.
Au final ces 6 épisodes forment un récit intéressant, malgré des dessins à la qualité fluctuante. L'histoire propose une enquête policière solide et intrigante qui forme le coeur du récit. Elle intègre un ou deux commentaires sur le genre superhéros, bien vus et intelligents, mais auxquels JMS ne donne pas suite.