The Amazing Spider-Man: Happy birthday

Ce tome fait suite à Unintended consequences (épisodes 51 à 56). Il contient les épisodes 57, 58, 500 à 502 (la série ayant repris sa numérotation initiale après l'épisode 58), initialement parus en 2003/2004, avec un scénario de Joe Michael Straczynski (en abrégé JMS), des dessins de John Romita junior (en abrégé JRjr), et un encrage de Scott Hanna.

Peter Parker donne l'un de ses cours de chimie et offre à chacun de ses élèves le livre qui l'a convaincu de sa vocation "Poésie et science". Mais Julie (l'employé de l'administration) lui a joué un sale tour en se trompant à dessein dans la commande. Alors qu'il confronte Julie sur le sujet, il se rend compte qu'il n'obtiendra jamais gain de cause, et encore moins le remboursement de ses frais. de retour chez lui, il s'en suit une discussion avec tante May sur la nature de la bonté et de l'héroïsme. La même nuit, Spider-Man affronte les Mindless Ones de Dormammu aux côtés des Avengers. Une intervention de Doctor Strange le projette dans une succession de scènes de son passé (épisode anniversaire 500 oblige). Épisode 501 - May Parker soliloque sur son neveu à haute voix dans un parc, pendant que Spider-Man se bat contre un supercriminel générique. Spider-Man rencontre Leo Zelinsky, le tailleur des superhéros et supercriminels, confronté à un épineux cas de conscience.

Ces épisodes sont placés sous le double signe de la commémoration de 500 épisodes de la série "Amazing Spider-Man", et du questionnement sur l'héroïsme. Avec la première histoire, le lecteur se rend compte que Straczynski a trouvé un dispositif narratif bien pratique en la personne de Stephen Strange, le maître des arts mystiques. Précédemment, il apparaissait comme un oracle omniscient mais qui ne dit pas tout, bien pratique pour ajouter une touche de destin implacable et sibyllin. Ici, il permet à JMS de projeter Spider-Man dans une compilation de souvenirs évoquant les premiers épisodes de la série : de la piqûre par une araignée radioactive au célèbre épisode 33 (février 1966) dessiné par Steve Ditko (Spider-Man prisonnier sous les décombres d'une machinerie), en passant par le premier affrontement contre l'Homme Sable (Sandman, Flint Marko ou William Baker), contre le Vautour (Adrian Toomes) ou contre Mysterio (Quentin Beck). D'une part JMS avait déjà fait le coup de l'épisode 33 dans le tome Until the stars turn cold ; d'autre part ces réminiscences tombent étrangement à plat, sans réel impact sur Peter Parker, sans réelle mise en perspective de son héroïsme, ou de son altruisme. Même l'apparition de Ben Parker le temps de quelques cases (4 pages dessinées par John Romita senior, le père de JRjr) n'a rien de cathartique ou d'éclairant.

Par contraste, les autres épisodes abordent avec plus de nuances et de sensibilité cette notion délicate de savoir en quoi Peter Parker est un héros, quelle est la nature de son courage, quelles sont les limites de son altruisme, pourquoi il fait un tel usage de ses pouvoirs, ce qu'il considère comme étant ses responsabilités. JMS élargit ainsi un thème qu'il avait déjà abordé dans le tome précédent (avec les conséquences pour les individus normaux ayant fait l'objet d'une arrestation par Spider-Man). Il y a donc tante May qui relativise le concept de Bien / Mal en faisant appel à celui de nature (un lion carnivore fait-il le mal en tuant sa proie ?). Il y a également Leo Zelinsky ramenant l'héroïsme à une proportion prosaïque, apportant un contrepoint à l'altruisme généreux de Peter Parker, faisant écho à Spider-Man acceptant d'être rémunéré pour protéger un responsable d'organisation criminelle. JMS montre que Spider-Man n'est peut-être pas un héros taillé d'une seule pièce, qu'il est possible de distinguer des nuances dans son courage, des degrés dans son altruisme, des failles et des limites dans son héroïsme.

JMS ne construit pas ses épisodes comme une thèse, aux dépends de ses intrigues, ou des personnages. Les épisodes 57, 58 et 500 sont donc construits de manière à aboutir à ce numéro anniversaire, avec l'hommage un peu pataud rendu aux origines, à Steve Ditko, et de manière plus discrète à Stan Lee. le lecteur pourra également trouver que le dispositif de May Parker parlant toute seule à haute voix est un peu suranné et franchement téléphoné quant aux circonstances (l'explication se devine dès la deuxième page). Par contre, il est impossible de résister à la puissance de séduction du vieux tailleur (vraisemblablement juif newyorkais), ou à l'intimité entre Mary Jane et Peter, aussi bien physique (Peter abandonnant MJ en plein préliminaires pour cause d'éclair rouge) qu'affective (la façon d'envisager la vie à 2, tout en disposant d'assez d'indépendance, Peter pour être Spider-Man, Mary Jane pour être actrice). Enfin JMS continue de créer des moments magiques, aussi émouvants que drôles, tels Peter dans son lit en caleçon avec son masque de Spider-Man (mais pas le reste du costume), incapable de trouver le sommeil parce qu'il a bu trop de café.

John Romita junior et Scott Hanna conserve le style qu'ils ont développé sur les épisodes précédents, à nouveau avec des séquences "en civil" (sans superhéros) très réussies. JRjr sait rendre des lycéens de manière réaliste, sans qu'il ne s'agisse d'adultes miniatures, ou d'enfants trop grands. Ses mises en scènes font ressortir toute la saveur d'une situation. Cela commence avec Julie ayant mouché Peter Parker et se retournant vers ses collègues pour s'assurer que sa victoire a bien été prise en compte. Cela continue avec les étonnants moments d'intimité physique entre Mary Jane et Peter. Ce qu'ils ont le plus d'étonnant (et d'inattendu), c'est leur naturel et leur évidence. Bien sûr, il s'agit d'un comics de superhéros où la nudité est proscrite. Toutefois le lecteur perçoit que JRjr refuse de se cantonner à des images passepartout et qu'il essaye de représenter cette intimité dans ce qu'elle a de normale, mais aussi de fragile, et de sexy. Plutôt que céder à la facilité de représenter Mary Jane comme un objet hyper-sexualisé, JRjr dessine le couple couché, le drap pudiquement tiré, en train de s'embrasser. Cette représentation d'un moment banal dans un couple stable est d'une rare puissance émotionnelle du fait de la retenue de la représentation. du coup il est surprenant de se rendre compte que les responsables éditoriaux ont fait retoucher un dessin dans lequel Mary Jane (torse nu) apporte 2 tasses (masquant sa poitrine) à Peter au lit, en faisant ajouter après coup un soutien-gorge inutile. le talent de JRjr est encore plus éclatant et remarquable dans le dernier épisode, dans la représentation pleine de respect et d'affectivité du tailleur Leo Zelinsky. Les séquences d'action restent tout aussi fluides, avec quelques pages plus complexes dans leur composition, telle ce dessin double page où apparaissent 27 ennemis de Spider-Man, ou cette autre double page envahie par les Mindless Ones. JRjr continue de prendre les libertés avec l'anatomie (les mollets de Spider-Man en particulier) parfois surprenante. Il doit également à nouveau rendre hommage à Steve Ditko, ce qu'il fait sans plagier les planches originales.

Straczynski et Romita continuent d'emmener Peter Parker dans des endroits et des situations sophistiqués et complexes. Toutefois JMS rate un peu son numéro commémoratif en rendant un (bel) hommage aux épisodes de Stve Ditko, mais en perdant le fil de sa thématique relative à l'héroïsme. Les autres épisodes mettent à nouveau en évidence le talent de JRjr pour mettre en scène le quotidien dans ce qu'il a de plus banal et crédible, et dans ce qu'il a de plus remarquable et précieux. JMS et JRjr continuent de présenter leur version de Spider-Man dans The book of Ezekiel (épisodes 503 à 508).