Il était trop tard, voyez-vous. J'étais trop vieille quand la liberté m'a été donnée. Si cela était arrivé vingt ans plus tôt, j'aurais peut-être pu me construire une vie à l'extérieur aussi.
Sentarô déposa une louche de pâte à pancakes sur la plaque chauffante brûlante.
C'était ce qu'on appelle une pâte trois-tiers, un mélange classique, l'unique préparation que, de son vivant, l'ancien patron lui avait correctement apprise. Des œufs, du sucre semoule et de la farine. Ces trois ingrédients mélangés à parts égales, au gramme près. Il y ajoutait une pincée de bicarbonate de sodium, un trait de saké doux et un peu d'eau pour obtenir la consistance voulue, mais cette pâte trois-tiers restait la même tout au long de l'année. C'était simple et efficace, sans prise de tête et, avec de l'habitude, à la portée de n'importe qui.
De la pâte de haricots confits encore tiède entre deux petits pancakes joufflus fraîchement cuits. Pour les amateurs, c'est un instant divin.
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Après avoir mélangé la vieille pâte de haricots à la nouvelle, Sentarô s'attelait à la confection de la pâte à pancakes. Certains fournisseurs en livraient aussi, mais comme cela revenait cher, il la préparait lui-même.
Il versait les ingrédients dans un saladier, les mélangeait et mettait la plaque à chauffer. Avec une louche, il y versait des ronds de pâte qu'il alignait ensuite, une fois cuits, dans la vitrine chauffante, où ils attendaient de devenir des DORAYAKI : deux ronds de pâte, comme des petits pancakes, fourrés de AN aux haricots rouges.
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Alors, il sentit des pétales entrer dans son cœur.
Alors, n’ayons pas peur d’avancer, Sentarô. Dans la vie aussi, il y a des changements de saison.
Les émotions silencieusement endormies dans les arbres en jaillissaient une fois par an, telle une explosion de joie, et c'était maintenant, il le sentit. Les fleurs étaient précisément cette allégresse pure. (page 201 lignes 2 & 11)
Sans moi, cette pleine lune n'existait pas. Les arbres non plus. Ni le vent. Sans le regard que j'étais, toutes les choses que je voyais disparaissaient.
Dans le commerce, on disait que quelle que soit la raison, les clients perdus ne revenaient pas.
Voilà peut être pourquoi j'ai essayé d'être à l'écoute. Je crois que l'homme est un être vivant doué de cette force . Et de temps en temps, j'ai entendu.
Les oiseaux qui viennent au Tenshoen, les insectes, les arbres, les plantes, les fleurs. Le vent, la pluie et la lumière. La lune. Tous possèdent leurs propres mots, j'en suis convaincue. Les écouter suffit à nous combler. Être dans la forêt du Tenshoen est suffisant, car le monde s'y trouve. La nuit, il suffit de tendre l'oreille au murmure des étoiles pour sentir le cours de l'éternité. (Chapitre 25)