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Critique de Floyd2408


Voilà une belle histoire de Babelio, et des masse critique sauvage, comme je peux les nommer ainsi, un e-mail, une demande de lire un roman en échange d'une critique, j'accepte en m'inscrivant puis la réponse quelque jours plus tard, le premier roman du suédois Patrick Svensson est déposé dans ma boite à lettre par le facteur, L'évangile des anguilles. En caractère rouge, tout en haut de la première de couverture est écrit Best-seller international, et ces quelque mots en bas , une petite mise en bouche , Histoire d'un père, d'un fils, et de la créature la plus mystérieuse du monde animal, l'ensemble sous un fond bleu océanique, un bateau à rame au coin gauche au-dessus du nom de l'auteur, et dans un flux marin , une nuance de bleu, comme des courbes, serpentent la couverture, c'est la ballet des anguilles, ce tableau me donne beaucoup d'envie, au-delà des mots, une envie de plonger dans cette mer prosaïque m'inonde, je suis heureux d'avoir cette chance de cette masse critique, et de cette découverte littéraire.
Patrick Svensson est de l'année 1972, ce cru millésimé, grandissant dans le sud de la Suède en Scanie, amateur de la nature, il fait des études de littérature, pour devenir journaliste, L'évangile des anguilles est son premier roman, primé par le prix August dans son pays natal, l'équivalent au Goncourt en France, (si peu qu'il a une valeur particulière en France, c'est une autre histoire) .Traduit dans plus de trente pays, le roman en devient comme le dit sa première de couverture, un best-seller mondiale, vais-je m'y noyer ou nager dans un émerveillement comme l'avait été ma lecture du roman de Jim Lynch, Les grandes marées !
Ce qui est fabuleux dans une lecture, lorsque votre regard absorbe les mots, les phrases s'envolent dans une danse musicale, c'est la façon dont votre humeur se rythme à la prosaïque de l'auteur, une forme de jeu s'agence incidemment entre le lecteur et l'écrivain, c'est au-delà de l'inconscience, ce fil vous liant , une voix vous accompagne, L'évangile des anguilles porte en moi, une sérénité évaporante, je suis presque porté par un air d'allégresse, l'anguille par son mystère et ses phases de vies, invite tout mon être à une humilité entière, Patrik Svensson à travers son roman au titre vraiment significatif vient de me porter dans sa nouvelle religion, celle de l'anguille, L'évangile des anguilles. Tout peut se concentrer avec cette phrase déclarée sur son lit mort d'un inconnu scientifique, collègue du zoologue allemand Carl H. Eigenmann, par l'énigme que fût l'anguille à travers les siècles ; « Toutes les questions importantes sont à présent résolues, sauf celle de l'anguille. »
Je ne connaissais pas l'importance de l'anguille à travers les âges, d'Aristote à Onfray, comme les fameuses histoires de l'iléale, l'anguille a bercé toutes sortes de réflexions, elles font revivre en nous le mystère de la vie, et de l'homme, comme le souligne notre auteur : « C'est que la question de l'anguille vous saisit. Son caractère énigmatique devient un écho des questions que tous êtres humains portent en eux. Qui suis-je ? D'où viens-je ? Ou vais-je ? ». Même dans la littérature l'anguille aura un rôle plutôt inquiétant, comme dans, L'écume des jours de Boris Vian, le tambour de Günter Grass, annonçant la mort, au contraire dans Pays des eaux de Graham Swift 1983 comprendre l'origine et le sens de toute chose, la religion bannira l'anguille, l'histoire du Mayflower et des colons , survivant grâce à un autochtone et des anguilles , l'anguille ne sera jamais un symbole de cette Amérique. L'anguille semble donner un malaise, nommé en allemand par le terme unheimlich, que Freud tenta d'expliquer, toujours avec l'anguille sous-jacente. Plus tard l'anguille sera l'héroïne d'un beau livre celui de Parle Rachel Carson et de l'humanisation de l'anguille pour tenter de la comprendre, lui donnant une conscience , dans son roman La vie de l'océan publié en 1941, Patrik Svensson laisse une place importante à cette femme, et son oeuvre si riche ce monde que l'on détruit chaque jour , un peu plus, l'anguille se meurt, le printemps silencieux, livre de Rachel Carson , sur son combat de la défense de la planète , elle savait que l'anguille disparaissait ! L'anguille deviendra surement comme l'oiseau le Dodo, ou les vaches de mer que narre brièvement Patrik Svensson, dans ces légendes froides de l'histoire de l'homme et de ses ravages, l'extermination de la race animale, sans Machiavélisme, juste la fatalité de toute chose, comme les différentes extinctions connues de tout temps sur notre terre, cette philosophie de la fatalité de la vie.
L'anguille traverse les âges, les légendes comme celle de Brantevik, puis celle de Netzler, leurs âges , leurs longévités sans pouvoir se transformer en anguilles argentées, dernier stade avant de rejoindre les océans et la mer des Sargasses pour se reproduire, une force d'adaptation fabuleuse, où le temps se fige , d'où la question de ce temps, celui de l'homme sur la terre et ce temps presque invisible en mer et dans les profondeurs, d'êtres millénaires, comme ces éponges de verre. Patrik Svensson, nous invite à la question de la différence entre l'homme et les animaux, de Descartes à car von Linné, Charles Darwin et Nagel, de cet aveux que l'humain a le pouvoir de l'imagination.
Même Freud dans sa quête de l'anguille aura de cette frustration, inventé la psychanalyse antiféministe, ce terme m'est propre, l'auteur ne le dit pas crument, mais plus subtilement, Freud sera mentionné dans deux chapitres différents, l'un sur sa visite à Trieste, pour trouver le sexe masculin chez une anguille, cet échec, comme un refoulement et sur le malaise provoquée par l'anguille sous le terme allemand, intraduisible, unheimlich, Freud consacra un livre sur cette notion, l'anguille devient une métaphore de l'abominable, j'ai aimé ce tacle sur Freud et je le savoure avec acidité.
Ces questions philosophiques liées à l'anguille sont aussi pour Patrik Svensson des questions relationnelles qu'il se posera sur l'intimité avec son père, l'anguille est ce lien indéfectible, ces longues séances de pêche entre eux, seront à jamais leur conversation unique, ce roman est un hommage véritable à son père et à l'anguille. Ce texte biographique est touchant par l'approche et la relation entre l'anguille et celle de son défunt père. Ces moments que relate Patrik Svensson et de leurs pêches dans sa Suède natale sur la côte est de la Scanie, la braconnage comme une aventure , la pêche à la vermée, celle à la nasse, puis le lac proche du chalet, et ce secret sous la surface, qui devient le son secret.
Lançant son père dans ce secret et immortel avec ce roman, cet homme dévoreur d'anguilles, jamais rassasié, laissera une place indélébile dans le coeur de son fils Patrik Svensson.
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