Citations sur Huit crimes parfaits (70)
Les livres sont comme un voyage dans le temps. Tous les vrais lecteurs savent cela. Mais ils ne vous ramènent pas seulement à l'époque où ils ont été écrits, ils peuvent aussi vous ramener à d'autres versions de vous-même.
Dévorer des romans policiers pendant l'adolescence ne vous prépare pas à la vie réelle. Etant plus jeune, j'imaginais vraiment que mon existence d'adulte ressemblerait beaucoup plus à un livre que ce ne fut le cas. Je pensais par exemple être à plusieurs reprises amené à monter dans un taxi pour prendre quelqu'un en filature. J'imaginais que j'assisterais à davantage de lectures de testaments. J'étais sûr qu'il me faudrait savoir crocheter une serrure et que chaque fois que je partirais en vacances (généralement dans une vieille auberge au plancher grinçant ou dans une maison au bord d'un lac), il se passerait quelque chose de mystérieux. J'étais persuadé que tout voyage en train déboucherait fatalement sur un meurtre, qu'un week-end de mariage s'accompagnerait inévitablement d'événements sinistres, et que d'anciens camarades ne cesseraient de me contacter pour me demander de l'aide en m'expliquant que leur vie était menacée. (...)
Autant je m'étais préparé à cela, autant je fus pris de court par les vétilles abrutissantes du quotidien. Payer les factures, faire la cuisine, s'éveiller à l'idée que les adultes évoluent dans des bulles inintéressantes qu'ils ont eux-mêmes fabriquées. La vie n'est pas plus un mystère qu'une aventure. Evidemment, je n'avais pas attendu d'être un meurtrier pour en arriver à ces conclusions. Non que ma carrière de criminel eût satisfait la vie que je fantasmais du haut de mes onze ans. Dans mes chimères, je n'étais pas le meurtrier. J'étais le gentil, le détective - amateur, en général - qui résolvait le crime. je n'étais jamais le méchant.
Je laissais courir mon pouce sur le bord du livre, frottant les pages, et cette odeur de moisi piquante propre aux vieux romans de poche parvint jusqu'à mes narines. J'ai toujours aimé ce parfum, même si le collectionneur en moi sait que c'est le signe d'un livre dont on n'a guère pris soin au fil des ans, un livre qui a probablement séjourné au fond d'un carton oublié dans une cave humide. Cette odeur me ramenait instinctivement à Annie's Book Swap, la librairie où j'avais acheté mes premiers livres. J'ai grandi à Middleham, à environ quarante cinq minutes à l'ouest de Boston. ( ... ) On n'y trouvait que trois commerces : une supérette qui se faisait appeler "Middleham General" afin de se donner une consonnance pittoresque ; un magasin d'antiquités ouvert dans les locaux de l'ancienne poste, et une librairie d'occasion franchisée tenue par un Anglais nommé Anthony Blake. Annie's Book Swap vendait principalement des livres de poche grand public - ces petits volumes qui tiennent précisément dans la poche arrière du pantalon - et c'est là-bas que j'ai acheté les romans de Ian Fleming, Peter Benchley et Agatha Christie, qui m'ont aidé à traverser mes jeunes années. ( ... ) En ce temps-là, il me fallait moins d'une semaine pour lire trois livres - trois jours suffisaient même parfois -, mais je prenais toujours plaisir à les relire.
Tous les poèmes, toutes les oeuvres d'art en fait, résonnent pour moi comme des cris de détresse, mais plus encore la poésie. Quand le poème est bon, et je crois sincèrement que les bons poèmes sont rares, c'est un peu comme si un étranger mort depuis longtemps murmurait à votre oreille, dans l'espoir d'être entendu.
J'ai toujours trouvé que contrairement à la solitude, la compagnie des gens exacerbe le sentiment d'être seul.
Les livres sont comme un voyage dans le temps. Tous les vrais lecteurs savent cela. Mais ils ne vous ramènent pas seulement à l'époque où ils ont été écrits, ils peuvent aussi vous ramener à d'autres versions de vous-même.
Les habits que l'on porte cachent la vérité de nos corps, mais ils nous présentent aussi au monde tel que nous voulons apparaître. Ils sont un tissu de mensonges, au propre comme au figuré.
- A.B.C. contre Poirot, dit-il. Le titre me plait. Plus ça va et plus je préfère Agatha Christie à James Ellroy. Je sais pas pourquoi. Peut-être parce que je me ramollis.
- Tu lis du Agatha Christie ?
- Ouais, c’était ton conseil, tu as oublié ? Je viens de lire Dix petits nègres.
- Ils étaient dix, corrigeai-je presque automatiquement en utilisant le titre plus consensuel sous lequel le livre était aujourd’hui commercialisé.
- Celui-là même, dit-il. En voilà un, de crime parfait. Dommage qu’il n’inspire pas plus de meurtriers.
- Tu dis ça pace que le meurtrier se suicide après avoir commis les meurtres ? demandai-je. (p. 222)
Nous avions discuté du dernier roman de Louise Penny. Enfin, surtout elle. J’avais fait semblant de l’avoir lu. Je faisais souvent semblant d’avoir lu un roman. Je me contentais en fait de consulter les critiques dans les revues spécialisées et de me rendre sur des blogs.
"Les livres sont comme un voyage dans le temps. Tous les vrais lecteurs savent cela. Mais ils ne vous ramènent pas seulement à l'époque ou ils ont été écrits, ils peuvent aussi vous ramener à d'autres versions de vous-même. " p.57