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Une enquête policière en apparence. Un questionnement intime et politique en réalité.

A la brigade des fraudes, Laure Vertu est reconnue pour être une capitaine efficace et professionnelle. Elle ne lâche jamais rien. Mais ses équipes ne savent pas grand-chose d'elle. Distante, silencieuse, elle cloisonne parfaitement sa vie privée et son boulot. Alors qu'est-ce qui pousse Capitaine Vertu après 10 ans de bons et loyaux services à démissionner soudainement, du jour au lendemain, sans explication ?

Il y a un truc magnétique dans ce court roman à la densité folle. Difficile de trouver les mots pour en parler. La forme et la prose en font la richesse tout autant que le propos. Lucie Taïeb fait le portrait d'une femme qui tente d'échapper au rôle qui lui est assigné, qui tente de s'arracher à l'aliénation sociale et à une forme d'enfermement. Elle joue avec les questions d'identité et avec des questions très actuelles comme les violences policières en nous faisant suivre, avec beaucoup de tendresse, le cheminement de ce personnage.
Un roman très contemporain et un univers fort qui ne séduira peut-être pas tout le monde mais ne laissera personne indifférent.
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Lorsque la justice est devenue à son corps défendant l'auxiliaire d'un ordre idéologique qui ne dit même plus son nom, que peut devenir la vertu incarnée par ses serviteurs les plus dévoués ? Un roman poétique somptueux qui porte dans la douceur le fer de la question là où il peut faire le plus mal.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/09/01/note-de-lecture-capitaine-vertu-lucie-taieb/

La nuit, Laure Vertu rêve, ou cauchemarde. Inlassablement elle revit les prémisses d'un affrontement décisif entre une foule meurtrie, écrasée, broyée et encore concassée, mais plus que jamais déterminée, et des forces de l'ordre, chargées de faire plier cette revendication terminale. Laure Vertu est policière. le jour, elle traque, également sans relâche, les fraudeurs, arnaqueurs, escrocs et autres profiteurs des faiblesses et des aveuglements humains. Avec un certain succès.

Enquêtrice exceptionnellement douée, et d'une opiniâtreté confondante, elle ne peut pourtant se défaire, secrètement – car elle ne le confie à personne, et peut-être même pas à ses échappées oniriques – d'une nasse complexe de culpabilité et de rédemption probablement impossible. Son fardeau ? C'est au roman de nous permettre de l'identifier réellement, car sa nature se dérobe, et n'hésite pas à déployer un touffu réseau de leurres, d'impasses et de faux-semblants, ou d'explications trop simples, familiales ou psychanalytiques. Dérisoires in fine. Il y a là en jeu quelque chose de très profond, mais quoi, exactement ? Démission surprise, puis disparition de facto : jusqu'où ira le capitaine Vertu ?

Depuis « Safe » (2016), son premier roman, et de façon nettement plus affirmée avec son deuxième, le bouleversant « Les échappées » (2019, prix Wepler), Lucie Taïeb travaille au corps, en inventant les angles nécessaires, les grandes peurs contemporaines, avec leurs écrasements et leurs espoirs ténus d'émancipation. Si de rusées allusions, directes ou indirectes (celle, onirique et bitumineuse, de la page 127 étant peut-être la plus spectaculaire), aux « Échappées » irriguent l'ouvrage, les incursions discrètement poétiques (comme en écho par exemple au recueil « peuplié » de l'autrice) et les investigations proprement dites (on songera naturellement à son « Freshkills » de 2020) apparaissent ici largement aussi essentielles, dans le travail de résolution – éventuellement sans issue – de ce doute existentiel chevillé au coeur de la capitaine Laure Vertu. Publié aux éditions de L'Ogre en août 2022, « Capitaine Vertu » offre d'emblée une synthèse provisoire, poétique et éclatante, d'un travail d'élucidation toujours en cours.

Il est rare qu'un roman noir (il y a peut-être une autre belle piste à suivre du côté du « Cordelia la Guerre » et du « Épopée » de Marie Cosnay, ou du « Bal des ardents » de Fabien Clouette, tous trois chez le même éditeur que Lucie Taïeb, d'ailleurs) s'attache en profondeur au malaise (le mot est faible, bien sûr) – non pas social ou professionnel, mais bien politique et presque métaphysique – des serviteurs de la justice lorsque celle-ci est constatée, mois après mois, comme toujours davantage (malgré les efforts de ses acteurs les plus vertueux, précisément) dévoyée vers l'assouvissement d'un programme non écrit, politique et idéologique, par ceux-là même qui, comme toujours, se défendent de toute idéologie.

Lorsque l'expression « forces de l'ordre » s'est colorée peut-être définitivement du sang des mutilations et des éborgnements, du résultat d'une tactique du choc ouvertement revendiquée, la policière – qui n'est pas, elle, une arriviste prête à épouser n'importe quel sens du vent et qui évolue donc à l'opposé du terrain des jeunes cadres assoiffés du « Croire et détruire » de Christian Ingrao – est bien contrainte de se revivre aussi en tant que femme, en tant qu'enfant d'immigrés et en tant que membre d'une famille liée de bien trop près à la pègre, parmi d'autres possibilités identitaires jusqu'alors soigneusement enfouies en elle, ne surgissant que par l'usage du rêve – comme une application concrète d'un moderne traité d'oniromancie. L'échec de l'idéal du capitaine Laure Vertu est celui de tous les mercenaires intègres – qui sont nombreux – du capitalisme tardif, et constitue bien l'un des chocs sourds qui ébranle discrètement nos sociétés repues et menacées par l'avidité et l'impavidité de trop de puissants. La décomposition – qui en découle en pente douce et comme, paradoxalement, naturelle – amène toutefois dans ce désarroi terminal une dose surprenante de poésie et de lenteur choisie, qui peut évoquer à son tour un autre Bartleby, celui du « Un peu tard dans la saison » de Jérôme Leroy, poésie qui doit tout ici à l'écriture magique – ensorceleuse, même – de Lucie Taïeb.

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Les identités et les failles de la vérité, les nausées, rêves et fantômes où apparaît, un instant, notre désir de réel. Derrière le masque du récit policier, l'enquête sur des arnaques financières qui dépossèdent de ce que l'on croyait être, qui sont commises par des menteurs ayant fini par perdre leur identité, qui sont résolus par une enquêtrice qui, un peu trop, leur ressemble, Capitaine Vertu offre une spéculation hantée sur l'identité. Dans une prose diaboliquement apte à restituer les errances, effacements et rêves de son héroïne, Lucie Taïeb plonge le lecteur dans un univers où la répression, comme la continuité de la révolte collective, appartient au passé, illustre une autre faille où le réel advient. Capitaine Vertu ou l'écoute de nos disparitions, les pertes et les noms qu'on leur prête, comme forme de tenace, fragile, morale.
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« Dans sa tête loge une armée ».
« Capitaine Vertu » entre l'ombre et la lumière. Bien avant le récit sombre, émouvant et apprenant, écoutez le chant de la langue. Cette douceur de ton dont on ressent d'emblée le génie et le pouvoir intrinsèque de Lucie Taïeb qui a publié deux essais dont « Fresbkills:Recycler la terre (La Contre-Allée, 2020), plusieurs recueils de poésie et des traductions de l'allemand. Aux éditions de l'Ogre, deux romans : « Safe , (2016) et « Les Échappées » (Prix Wepler, 2019).
Ce livre-somme est un chef-d'oeuvre résolument d'épreuves et de cheminements. « Capitaine Vertu » c'est une rencontre d'orfèvre et souveraine.
« Capitaine Vertu » alias Laure Vertu, est une jeune femme en quête d'elle-même, impassible et secrète, les contradictions à fleur de peau. Capitaine de police côté ville. Effacée, triste, déterminée, d'élégance et d'austérité elle travaille dans la brigade anti-fraude.
« Lorsqu'elle voyait la haine, elle n'essayait pas de la détourner ».Intranquille et poignante, « Vertu rêvait d'embrasement… Car ceux à qui Vertu adressait la parole étaient généralement flics eux-mêmes, ou truands . »
Vertu est manichéenne. Sous ses faux-airs, se cachent les troubles pernicieux, craintifs et implacables. Laure Vertu, mais est-ce bien son nom ? Solitaire et fascinante, fille d'immigré, cour poussiéreuse, faux-semblants, un père en fuite parentale. La vertu aux abois, les spéculatives endurances abolies. Capitaine Vertu, « comme le fruit tombe de l'arbre elle se détachait d'eux… décida qu'elle ne serait pas avocate, mais juge ou policière . »
Son père, manipulé, embrigadé dans les chimères et les petites et grandes combines, bandit côté jour, le déni pour allié, un voyou qui aimait l'enfant mais mal, jusqu'au jour où.
L'étau se resserre. le récit pénètre dans la voie de l'exutoire. Capitaine Vertu est son propre bouclier. Nage dans un lac glacé, de la pluie fine et insistante sur les regards, les gerçures sur le coeur. L'effacement existentiel, Laure Vertu est de batailles et de craintes, gouffre ou plein sud. Qu'importe le spartiate glacé, le sac bleu trop bien rangé, les prises de risques, elle est son propre maître. Cheveux en bataille, la conscience étincelle et les armures salvatrices. Ce livre-monde, « femme et fille d'immigré » est un parchemin initiatique.
« Aujourd'hui, je paie. La conscience du devoir accompli. le confort de la capitainerie. Je sais exactement ce qui a eu lieu. J'étais à l'intérieur et vous dehors. »
La vertu fenêtre sur sa vie, gémellaire de la trame belle à pleurer. On ressent le vent sur les pages. Cette capacité hors norme de faire un roman avec le plausible. Laure Vertu, sur le banc des écueils, des gerçures sur la mains, sauvage de beauté, honnête et cristalline. Vertigineuse d'émancipation, la dignité-clairière, le désastre du manque, l'obsession cardinale de sa renaissance en advenir.
Ce livre magistral, de rectitude, somme sociale et féminine, l'immensité du premier pas.
D'une contemporanéité fresque allégorique, ce grand livre tremblant de pluie est un viatique. Un hymne à la liberté, à la quête de soi. Accueillir l'honneur des clés cachées entre les lignes . Revivre ! Un livre qui accroche ses bras autour de votre cou. Publié par les majeures Éditions de l'Ogre.
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