AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,11

sur 27 notes
5
5 avis
4
2 avis
3
3 avis
2
1 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Lorsque la justice est devenue à son corps défendant l'auxiliaire d'un ordre idéologique qui ne dit même plus son nom, que peut devenir la vertu incarnée par ses serviteurs les plus dévoués ? Un roman poétique somptueux qui porte dans la douceur le fer de la question là où il peut faire le plus mal.


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/09/01/note-de-lecture-capitaine-vertu-lucie-taieb/

La nuit, Laure Vertu rêve, ou cauchemarde. Inlassablement elle revit les prémisses d'un affrontement décisif entre une foule meurtrie, écrasée, broyée et encore concassée, mais plus que jamais déterminée, et des forces de l'ordre, chargées de faire plier cette revendication terminale. Laure Vertu est policière. le jour, elle traque, également sans relâche, les fraudeurs, arnaqueurs, escrocs et autres profiteurs des faiblesses et des aveuglements humains. Avec un certain succès.

Enquêtrice exceptionnellement douée, et d'une opiniâtreté confondante, elle ne peut pourtant se défaire, secrètement – car elle ne le confie à personne, et peut-être même pas à ses échappées oniriques – d'une nasse complexe de culpabilité et de rédemption probablement impossible. Son fardeau ? C'est au roman de nous permettre de l'identifier réellement, car sa nature se dérobe, et n'hésite pas à déployer un touffu réseau de leurres, d'impasses et de faux-semblants, ou d'explications trop simples, familiales ou psychanalytiques. Dérisoires in fine. Il y a là en jeu quelque chose de très profond, mais quoi, exactement ? Démission surprise, puis disparition de facto : jusqu'où ira le capitaine Vertu ?

Depuis « Safe » (2016), son premier roman, et de façon nettement plus affirmée avec son deuxième, le bouleversant « Les échappées » (2019, prix Wepler), Lucie Taïeb travaille au corps, en inventant les angles nécessaires, les grandes peurs contemporaines, avec leurs écrasements et leurs espoirs ténus d'émancipation. Si de rusées allusions, directes ou indirectes (celle, onirique et bitumineuse, de la page 127 étant peut-être la plus spectaculaire), aux « Échappées » irriguent l'ouvrage, les incursions discrètement poétiques (comme en écho par exemple au recueil « peuplié » de l'autrice) et les investigations proprement dites (on songera naturellement à son « Freshkills » de 2020) apparaissent ici largement aussi essentielles, dans le travail de résolution – éventuellement sans issue – de ce doute existentiel chevillé au coeur de la capitaine Laure Vertu. Publié aux éditions de L'Ogre en août 2022, « Capitaine Vertu » offre d'emblée une synthèse provisoire, poétique et éclatante, d'un travail d'élucidation toujours en cours.

Il est rare qu'un roman noir (il y a peut-être une autre belle piste à suivre du côté du « Cordelia la Guerre » et du « Épopée » de Marie Cosnay, ou du « Bal des ardents » de Fabien Clouette, tous trois chez le même éditeur que Lucie Taïeb, d'ailleurs) s'attache en profondeur au malaise (le mot est faible, bien sûr) – non pas social ou professionnel, mais bien politique et presque métaphysique – des serviteurs de la justice lorsque celle-ci est constatée, mois après mois, comme toujours davantage (malgré les efforts de ses acteurs les plus vertueux, précisément) dévoyée vers l'assouvissement d'un programme non écrit, politique et idéologique, par ceux-là même qui, comme toujours, se défendent de toute idéologie.

Lorsque l'expression « forces de l'ordre » s'est colorée peut-être définitivement du sang des mutilations et des éborgnements, du résultat d'une tactique du choc ouvertement revendiquée, la policière – qui n'est pas, elle, une arriviste prête à épouser n'importe quel sens du vent et qui évolue donc à l'opposé du terrain des jeunes cadres assoiffés du « Croire et détruire » de Christian Ingrao – est bien contrainte de se revivre aussi en tant que femme, en tant qu'enfant d'immigrés et en tant que membre d'une famille liée de bien trop près à la pègre, parmi d'autres possibilités identitaires jusqu'alors soigneusement enfouies en elle, ne surgissant que par l'usage du rêve – comme une application concrète d'un moderne traité d'oniromancie. L'échec de l'idéal du capitaine Laure Vertu est celui de tous les mercenaires intègres – qui sont nombreux – du capitalisme tardif, et constitue bien l'un des chocs sourds qui ébranle discrètement nos sociétés repues et menacées par l'avidité et l'impavidité de trop de puissants. La décomposition – qui en découle en pente douce et comme, paradoxalement, naturelle – amène toutefois dans ce désarroi terminal une dose surprenante de poésie et de lenteur choisie, qui peut évoquer à son tour un autre Bartleby, celui du « Un peu tard dans la saison » de Jérôme Leroy, poésie qui doit tout ici à l'écriture magique – ensorceleuse, même – de Lucie Taïeb.

Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          60
« Dans sa tête loge une armée ».
« Capitaine Vertu » entre l'ombre et la lumière. Bien avant le récit sombre, émouvant et apprenant, écoutez le chant de la langue. Cette douceur de ton dont on ressent d'emblée le génie et le pouvoir intrinsèque de Lucie Taïeb qui a publié deux essais dont « Fresbkills:Recycler la terre (La Contre-Allée, 2020), plusieurs recueils de poésie et des traductions de l'allemand. Aux éditions de l'Ogre, deux romans : « Safe , (2016) et « Les Échappées » (Prix Wepler, 2019).
Ce livre-somme est un chef-d'oeuvre résolument d'épreuves et de cheminements. « Capitaine Vertu » c'est une rencontre d'orfèvre et souveraine.
« Capitaine Vertu » alias Laure Vertu, est une jeune femme en quête d'elle-même, impassible et secrète, les contradictions à fleur de peau. Capitaine de police côté ville. Effacée, triste, déterminée, d'élégance et d'austérité elle travaille dans la brigade anti-fraude.
« Lorsqu'elle voyait la haine, elle n'essayait pas de la détourner ».Intranquille et poignante, « Vertu rêvait d'embrasement… Car ceux à qui Vertu adressait la parole étaient généralement flics eux-mêmes, ou truands . »
Vertu est manichéenne. Sous ses faux-airs, se cachent les troubles pernicieux, craintifs et implacables. Laure Vertu, mais est-ce bien son nom ? Solitaire et fascinante, fille d'immigré, cour poussiéreuse, faux-semblants, un père en fuite parentale. La vertu aux abois, les spéculatives endurances abolies. Capitaine Vertu, « comme le fruit tombe de l'arbre elle se détachait d'eux… décida qu'elle ne serait pas avocate, mais juge ou policière . »
Son père, manipulé, embrigadé dans les chimères et les petites et grandes combines, bandit côté jour, le déni pour allié, un voyou qui aimait l'enfant mais mal, jusqu'au jour où.
L'étau se resserre. le récit pénètre dans la voie de l'exutoire. Capitaine Vertu est son propre bouclier. Nage dans un lac glacé, de la pluie fine et insistante sur les regards, les gerçures sur le coeur. L'effacement existentiel, Laure Vertu est de batailles et de craintes, gouffre ou plein sud. Qu'importe le spartiate glacé, le sac bleu trop bien rangé, les prises de risques, elle est son propre maître. Cheveux en bataille, la conscience étincelle et les armures salvatrices. Ce livre-monde, « femme et fille d'immigré » est un parchemin initiatique.
« Aujourd'hui, je paie. La conscience du devoir accompli. le confort de la capitainerie. Je sais exactement ce qui a eu lieu. J'étais à l'intérieur et vous dehors. »
La vertu fenêtre sur sa vie, gémellaire de la trame belle à pleurer. On ressent le vent sur les pages. Cette capacité hors norme de faire un roman avec le plausible. Laure Vertu, sur le banc des écueils, des gerçures sur la mains, sauvage de beauté, honnête et cristalline. Vertigineuse d'émancipation, la dignité-clairière, le désastre du manque, l'obsession cardinale de sa renaissance en advenir.
Ce livre magistral, de rectitude, somme sociale et féminine, l'immensité du premier pas.
D'une contemporanéité fresque allégorique, ce grand livre tremblant de pluie est un viatique. Un hymne à la liberté, à la quête de soi. Accueillir l'honneur des clés cachées entre les lignes . Revivre ! Un livre qui accroche ses bras autour de votre cou. Publié par les majeures Éditions de l'Ogre.
Commenter  J’apprécie          40
L'écriture est superbe. Sa poesie arrive à nous plonger à la fois dans le concret d'une allégorie policière et dans les brumes de ces moments où on ne sait plus bien si on rêve ou si on est éveillé. 

Cette impression de ligne de crête permanente est parfaite pour nous plonger au coeur de nos complexités humaines lorsqu'il s'agit de bien, de mal, de vertu et de volonté de bien faire. 

Commenter  J’apprécie          20
Déconcertant, je pense que c'est le mot qui me vient à l'esprit pendant ma lecture et surtout en refermant la dernière page. le roman de Lucie fait partie de la sélection NVDP 2024. Une nouvelle voix, dans le polar, mais également une voix à part, très différente de l'univers que je côtoie d'ordinaire au gré de mes lectures. Car de polar, en est-il vraiment question ? Oui, car notre héroïne travaille pour la police, au service des fraudes.. Mais il n'y a ni crime, ni victime ni d'enquête véritable. Alors me direz-vous ? Je vous laisse seul juge :)
Venez, je vous parle de ce roman qui vous plaira, à des degrés et pour des raisons différentes mais qui, en tout cas, ne pourra pas vous laisser indifférent.

Laure Vertu est capitaine de police. Exemplaire, enquêtrice de haut vol, elle ne se mêle pas vraiment à ses collègues, préférant la solitude et surtout cultiver son amour pour le secret, ce qui est lisse, sans bord ni faille, sans aspérité. Elle dirige une équipe au sein de la brigade anti-fraude. Palmarès incroyable qui suscite l'admiration auprès de sa hiérarchie, le respect parmi ses collègues mais aussi quelques pointes de jalousie. Laure surprend, intrigue, de par sa vie qui semble monacale mais également sur ce qu'implique de tels scores de réussite. Laure a ce "quelque chose" que nul ne sait exprimer. Cette façon de se mettre dans la peau de, de s'identifier pour mieux dénicher le pot aux roses et boucler chaque dossier en une vitesse record. Et d'abord, pourquoi ce nom ? Car, comme moi, vous découvrirez au fil de votre lecture que ce n'est pas le sien, mais celui qu'elle s'est choisi.

Au vu de son efficacité et son dossier sans accroc, personne ne comprend sa démission brutale, soudaine, sans explication après 10 années de bons et loyaux servies. Raison personnelle ? Burn out ? Ennuis de quelque sorte ? Nul ne sait.

Dans ce roman très court, l'auteure nous entraîne dans le sillage de cette flic qui semble ne plus exister une fois débarrassée de sa "parure" de flic. Qui est-elle sans son travail, véritable sacerdoce en ce qui la concerne ? Comment la définir en tant qu'individu, au sein de cette société si violente et anxiogène. Laure existe-t-elle en tant que personne sans son travail ? Et si ce n'est pas le cas que va-t-il advenir d'elle à présent ? Etre une femme, policière, issue de l'immigration n'est pas chose aisée dans le monde actuel qui part en vrille un peu plus chaque jour. Laure semble se fustiger pour quelque chose ? Son dossier est-il aussi lisse qu'il y parait ? Quelle zone d'ombre de son passé cherche-t-elle à masquer, à commencer par sa propre identité ? Quel héritage pourrait poser un voile d'opprobre sur toute son existence ?
A un moment clé, charnière de sa vie, face à ses choix, que va-t-elle décider de faire ? A-t-elle même la liberté de s'écouter, de redémarrer quelque chose ?

Un roman qui semble tisser la toile de cette ex-flic, dans sa vie "d'après". Dans les choix qu'une société comme la nôtre peut offrir à une femme comme elle. Ses interrogations, ses doutes, la vision qu'elle porte sur le monde. Et son refus d'entrer dans la norme, dans les cases que la société impose. Laure refuse d'entrer dans le moule, de faire ce que l'on attend d'elle. Elle mettra toute son énergie à s'ériger en faux contre cette société qui ne lui convient pas (ou plus ?) comme elle en a mis dans chacune de ses enquêtes.

Oui, nous avons bien là une nouvelle voix. Et surtout une nouvelle vision de nous en tant qu'individu perdu dans la masse. Laure porte un regard sur le monde qu'elle a, jour après jour, de plus en plus de mal à cerner et dans lequel elle peine à trouver sa place.

Une fin ouverte ? (ou pas ?), je vous laisse le découvrir. Un roman qui ne peut vous laisser indifférent en fin de lecture, comme je vous le disais plus haut.
Lien : https://mgbooks33.blogspot.c..
Commenter  J’apprécie          00
Capitaine Vertu est une femme. Ce capitaine porte bien son nom, Vertu est « une petite femme âpre ». Une policière de la brigade anti-fraude, une enquêtrice, « sèche et froide ». Personnage principal original, déjà, qui poursuit les escrocs de haut vol avec un succès confondant. Les malfrats ont peur d'elle. Car ils reconnaissent quelque chose en elle, qui les trouble.

Assez vite, Lucie Taïeb creuse ce personnage. Evidemment, Vertu, ce bon nom, n'est pas le sien. Mais « Vertu » a abandonné son milieu et son patronyme de naissance, d'origine corse ou italien, pour ne pas devenir des malfrats mais les pourchasser. Son père, son oncle, tous sont dans la mafia. Elle a refusé ce rôle. Elle a changé de nom, elle enquête.

Jusqu'à ce qu'un jour, elle trouve sur son canapé un sac Adidas rempli de billets de 500 euros. Cadeau posthume de son père, disparu...

La suite :
https://lesmonstres.org/2022/09/11/critique-capitaine-vertu-de-lucie-taieb/
Lien : https://lesmonstres.org/2022..
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (60) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2868 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *}