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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
 «  Debout sur la terre  » ou l'histoire mouvementée, en 448 pages, de l'Iran du XX° siècle, pour le moins chaotique , où l'on va suivre durant une journée , une seule—-, de neuf heures trente à dix neuf heures trente —— le réalisateur d'un feuilleton à succès, Fereydoun Sordari dont le père, grand collectionneur d'art possédait tout une série de narguilés avec le portrait de tous les rois quadjars, grâce à un rendez- vous avec un certain monsieur V politicien francophone , auteur d'une biographie de Victor Hugo, qu’il désirerait adapter à l’écran ...

Monsieur V a représenté plusieurs fois l'Iran dans des discussions bilatérales, rencontré personnellement le général de Gaulle en France, en 1960...
Mais monsieur V est introuvable: des gens rentrent et sortent, dans l'immense demeure de MR V qui servira de décor , semblable à un scénario pétri d'humour , un vrai vaudeville ....

En attendant Fereydoun Sordari écoute un électricien, une cuisinière , une joueuse de tennis , qui vivent les souffrances et les soubresauts de l'histoire de leur pays ..

Puis il se met à fixer son regard sur les photos expressives qui retracent la vie de MR V , conseiller du Shah d'Iran , en compagnie d'hommes illustres : le roi et la reine, Nehru, Tchang Kai Chek , Reza Shah, , le prince héritier et surtout Ensiyeh Ilkhan , propriétaire foncière , veuve , de vingt ans son aînée qu'il aime....

Il y mêle ses souvenir dont la rencontre avec Ensiyeh : la fille d'Issan Khan Ilkhan , chef d'une tribu de guerriers kurdes, éduquée comme un garçon, devenue une auteure reconnue par la société iranienne ...

Ces trois personnages forment la trame de cette épopée iranienne où l'on apprend beaucoup de choses , nous allons les suivre avant , pendant et après la révolution : il sera question de la condition des femmes, de la société tribale, du fanatisme aveugle et des superstitions , du passage à la modernité , la mort de la monarchie des Pahlavi , la révolution, le voile ....

Le lecteur doit persévérer, s'adapter à cette narration enchevêtrée , foisonnante , dotée de nombreuses sources , faire un effort particulier pour suivre ces personnages criants de vérité , hauts en couleurs mais nombre de mots fréquemment employés ne sont pas traduits.

Cela ressemble à un conte cruel, érudit, pétri d'humour et de dérision , ambitieux , parfois confus, très imbriqué dans des faits réels , fin , pétillant, pas du tout facile à lire ...

Historiquement un grand livre à la construction échevelée dont le lecteur ressort fatigué, vraiment .
«  Quelques sexagénaires iraniens , eux aussi exilés , se souviendront encore de mon nom. Ce sera tout. Et Ensiyeh ? Voudra - t- elle encore de cet homme dont les souvenirs se sont immobilisés en1979 ? Et moi, dans vingt ans, continuerai - je à désirer une septuagénaire coupée de ses terres , de son théâtre , de sa bibliothèque? » .....
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Merci à Masse Critique pour cet envoi.

Nahal Tajadod nous enchante en retracant 
la vie, simple,ou tortueuse de quelques uns de ses compatriotes iraniens, parfois obligés d'envisager l'émigration, après avoir vécu dans ce pays  laïc modernisé à marche forcée, puis islamisé.

Comment aborder le problème des réfugiés politiques , quel motifs de désespoir leur a fait prendre dignement ou en paria les chemins de l'exil ? (*)

Le style est agréable , enlevé et l' humour, présent , nous invite à une immersion culturelle complice.
_A signaler, les changements de temporalités  fréquents et parfois déroutants

Nous découvrons plusieurs personnages :
_ Ensiyeh, élevée comme un homme, héritière d'un territoire contrôlé par son père, chef de clan . Elle va devoir lutter pour conserver ses terres et sa place dans la société iranirenne en pleine transformation .C'est une  femme décidée,une actrice reconnue et respectée. .

_ Un jeune réalisateur Fereydoun, dynamique et séducteur , très proche de Ensiyeh, il semble échapper aux emprises sociétales.

_ Monsieur V. vieil homme cultivé, ancien conseiller du Shah, a commis une biographie de Victor Hugo. Il est parfois inaccessible,

_ L'électricien Massoud et son bruyant testeur, amoureux entre dix sept heures dix-huit et dix sept heures vingt cinq de l'actrice délaissée... sur l'écran du cinéma de quartier. .ou d'une caissiere et de sa bulle de chewing gum rose.

Tous vivent, échangent, se saluent se congratulent à l'iranienne, ratent leurs rendez-vous, font des pas de côté.
Une longue journee en huis-clos, "en attendant monsieur V.", présente les participants sous un aspect dérisoire , comique.  Rien de constuctif ne se passe. Si : une petite suédoise , fille de diplomate, interfère... un peu.

Ce chassé croisé de diverses vies nous relate  la transformation des 100 dernières années de l'Iran :
_  de sa modernisation à marche forcée : dès 1935,
ou sont promulgués, entre autres :
_ le désarmement des  clans et leur allégeance au pouvoir central royal
_ le port de vêtements civils europeens  ainsi que
_ l'interdiction autoritaire du
port du tchador dans l'espace public..
Ce qui crée quelques difficultés sociales, parfois truculentes

_ à son repli politico-religieux, imposé par les forces theocratiques et ... mieux structurées ? moins naïves que les autres mouvements démocratiques d'opposition, incapables de prendre à temps leurs distances d'avec les ayatollahs.

Enfin, c'est une très belle histoire d'amour, non ?

Donc :
j'ai été séduit par ces personnages, par le mode de narration , par cette immersion dans la culture et l'histoire perse  (voir wikip. pour plus de précisions) : 
4,5/5.

Apres cette lecture, magnifique, je vous recommande l'écoute de ces témoignages d'émigrés, réfugiés  dans notre pays : elle peut constituer une suite (*).

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-pieds-sur-terre/les-pieds-sur-terre-emission-du-mercredi-31-janvier-2024-5074153

(*) _ Mitra Adjezipour, championne de france d'echecs 2023 ,  iranienne, a  représenté son pays et refusé de porter le voile lors d'une competition internationnale.Depuis, elle s'est réfugié sous des cieux plus cléments , en Bretagne.
_ Fabid Mohammad, originaire du Bengladesh vit réfugié en France avec son pere menacé, car opposant dans son pays. Il est sous la menace permanente d'expulsion, car le permis de sejour n'a pas été renouvelé. Seule la fédération francaise d'echecs le protège ...
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C'est érudit, c'est savoureux, c'est drôle, c'est original, Nahal Tajadod a une plume de conteuse hors pair !
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On est ici dans la grande fresque historique où un pays que l'on ne connaît plus que par ses dérives se révèle puissamment et généreusement ; un pays dont on sait à présent depuis près de 40 ans que l'on ne le visitera plus que par ses auteurs, ses artistes ou ses musiciens ; un pays à la culture immense, jamais totalement étouffée par la grâce de romanciers tels Nahal Tajadod ou Atik Rahimi.
On traverse ici la grande et la petite histoire avec surtout Ensieh, une fille élevée comme un garçon, à la tête d'une tribu kurde, à la folle liberté.
J'ai beaucoup de peine pour cet immense pays et ses habitants noyés dans l'absolutisme religieux , dont beaucoup ont pu trouver refuge ici ou ailleurs.
Il faut sans doute se souvenir, et c'est ce qui me revient en force après avoir fermé ce roman, que la révolution iranienne est survenue après une alliance de la gauche et des religieux. Ne jamais sous estimer la surpuissance de la bêtise et le pouvoir des fous de Dieu.
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Le hasard a voulu que j'entame la lecture de “Debout sur le Terre” au moment où des élections législatives se tenaient en Iran (début mars 2024). Je thésaurisais ce roman depuis que mon regard avait été happé par sa couverture kaléidoscopique quelques mois plus tôt. 


Nahal Tajadod nous plonge dans deux périodes de turbulences qui ont secoué l'Iran en l'espace d'un demi-siècle, dans les années 1926-1935 et 1976-1980.

La première est marquée par la rupture brutale d'avec le monde tribal et rural pour embrasser à marche forcée la modernité. L'expérience libérale tourna court à cause de multiples facteurs dont le creusement des inégalités et de la pauvreté (cf. les difficultés de subsistance et donc existentielles de Massoud l'électricien, voir le passage ci-dessous *). Une coalition hétéroclite (voir passage ci-dessous **) de contestataires et insatisfaits du régime depuis les masses religieuses guidées par l'ayatollah Khomeiny en exil en Irak jusqu'aux communistes, laïcs et élites cultivées (Ensiyeh, Fereydoun) et englobant toutes les tranches d'âge depuis les jeunes qui étudiaient à Paris mais de retour pour des vacances à Téhéran jusqu'aux vieux nostalgiques précipita la fin du régime sans que les conséquences de celle-ci soient bien mesurées, à l'exception des religieux qui semblaient nourrir un clair dessein (voir passage ci-dessous ***).


Outre l'immersion dans ces époques, la fresque de Nahal Tajadod constitue un enseignement pour l'époque actuelle qui n'est pas moins tourmentée dans nos contrées. Nahal Tajadod montre comment un diffus mouvement populaire peut soudainement créer un tsunami politique, social, économique et culturel laissant libre court aux sentiments les plus vils comme la basse vengeance et les délations. On pourrait considérer aujourd'hui que le double ressort d'un autre “diffus mouvement populaire” tout autant disruptif tient en une combinaison de l'instrumentalisation des réseaux sociaux (les bulles cognitives) et des inquiétudes de la population face à un monde de moins en moins prévisible. J'y vois un message avant les élections qui concernent en 2024 la moitié de la population mondiale, à l'exception - et il y a quelque chose d'ironique ici - de l'Iran. Les élections législatives qualifiées de “ni libres, ni équitables” de ce début mars se sont caractérisées par une abstention record depuis 1979 (41% des Iraniens en âge de voter s'étant déplacés), par le boycott des réformateurs protestant contre la disqualification de nombre d'entre eux et par un renforcement des franges conservatrices et ultraconservatrices, malgré les protestations qui se sont ravivées depuis la mort de Mahsa Amani (Prix Sakharov 2023 à titre posthume) et l'octroi du Nobel de la Paix à Narges Mohammadi (incarcérée à la prison de Téhéran - évoquée dans le livre - pour sa lutte courageuse pour la liberté et les droits humains durant trois décennies). 



*”Mais [Massoud] ne désespérait pas, il se répétait : “si Dieu par sa sagesse ferme une porte, il en ouvrira, par sa générosité, une autre.” En attendant l'ouverture de la seconde porte, il observait, le coeur serré, le crayon d'écolière de sa soeur, qui se réduisait chaque jour, qu'il faudrait bientôt remplacer. (...) Il ne pouvait pas davantage fréquenter les hommes qui rencontraient dans le cabaret, ces moustachus corpulents qui vidaient verre après verre les bouteilles de vodka et qui glissaient, une fois la danse de Lobat achevée, un billet de cent toman dans la fente qui palpitait entre ses seins inondés de sueur. Un billet de cent toman, l'équivalent de cinq cent crayons pour sa soeur, enfoui dans les seins d'une danseuse !” (pp.146-147)


** "Enveloppées dans leurs tchadors noirs, un haut-parleur à la main, elles criaient au même rythme : « Indépendance, liberté, République islamique !" Derrière elles, des milliers de femmes répétaient machinalement ces mots, sans même avoir lu un seul des ouvrages de l'ayatollah Khomeyni, le "Guide de la révolution". Privées de parole, les laïques, les communistes et les modjahedins, brandissant qui l'effigie de Mossadegh, qui le portrait de Golsorkhi, qui les photos des frères Rezayi, constataient déjà que le mouvement de protestation leur avait définitivement échappé." (pp.382-383)


*** "Un an auparavant, ces femmes étaient encore des épouses comblées, elles  passaient leurs vendredis après-midi à exhiber leurs main ms manucurées, lors d'interminables parties de cartes. Ces mains, qui tiennent aujourd'hui les anses de paniers en matière plastique, ne sont plus ornées d'aucun vernis. Comment pourraient-elles encore curer, brosser, polir, limer et vernir les ongles de leurs mains alors que celles de leurs époux sont ligotées ?" (p.403)
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