Une oeuvre un peu ardue car ce n'est pas un écrivain contemporain et que Tanizaki écrit « très japonais » dans un style non pas archaïque mais très classique et donc dru.
D'entrée on a droit à une avalanche de noms japonais de famille (normal me direz vous car il est japonais mais pour un occidental mis à part les noms de marques de motos et de téléviseurs cela fait beaucoup à assimiler) et noms d'artiste japonais de théâtre, de personnages de théâtre dans des pièces aux subtilités complexes. Des hommes jouent des rôles féminins et le personnage aristocrate de Tanizaki est un fin connaisseur de ce théâtre.
Ensuite on fait connaissance avec certaines coutumes typiquement japonaises qui semblent assez curieuses, dont l'ère Meiji à laquelle fait référence le vieux fou, des noms pour l'au-delà, des sépultures particulières ainsi que tout un rituel qui accompagne la mort et le lieu de l' ensevelissement, des plats raffinés... mais on s'y fait.
Oeuvre difficile car on entre dans un univers asiatique typique qui date un peu: coutumes ancestrales donc XIX voire XVIII siècle malgré un rythme et mode de vie moderne pour les plus jeunes qui nous oblige a faire intellectuellement le grand écart
Difficile ensuite du fait des sujets de la narration.
D'une part les coquineries d'un vieillard opulent, encore bien vert moralement, de soixante seize ans avec sa belle-fille. Il prend goût à un certain fétichisme pour elle: souffrir de la méchanceté plus ou moins jouée et affichée de Satsuko ainsi qu'un fétichisme pour ses pieds qui n'ont pas le standard des pieds féminins japonais.
Fétichisme perfidement encouragé et repoussé par la jeunette car si le patriarche y trouve un tout petit plaisir du à une acceptation au compte-goutte de micros faveurs, Satsuko, elle, se fait offrir un bijou très onéreux le vieillard à la libido pathologique s'en contente mais sa santé en souffre.
D'autre part tout au long de la narration on est tenu au courant par le journal du vieillard de tous ses problèmes de santé, des soins et médicaments qui lui sont donnés.
Un véritable bilan clinique d'Ehpad très fouillé et visiblement très documenté et qui constitue une part non négligeable du roman. Là on apprend, je note, qu'il prend entre autres des comprimés de nitroglycérine ce qui à mon sens explique sérieusement le caractère explosif du pépé.
En fait le coté «
pervers pépère» (que
Gotlib qualifiait d'« honorable vieillard doté d'une verdeur et d'une sexualité très imaginative ») du livre est assez léger surtout si on considère que ce milieu est un milieu aristocratique et donc très aisé et les petites toquades du patriarche n'est qu'un pis aller pour passer la vieillesse Surtout cela ne semble pas gêner l'entourage familial
Une lecture intéressante et très instructive sur le Japon mais le style très dense de l'écriture du livre et l'aspect sanitaire du vieillard peut pour un lecteur pas très assidu être une vraie gêne. Par contre pour un senior on est en terrain connu!