J’aime ne pas parler. Ne pas parler, c’est comme écrire : c’est rejoindre les mots dans le silence. Les déterrer, ça me rend vivante. Comme lorsque je me promène seule dans ce parc, et que je sens tout si vivant en moi, si violemment vivant, si violemment vivant que j’ai envie de pleurer, si violemment vivant que c’en est une jouissance.
Qui de nous trois avait compris ce jour-là que quelque chose avait pris fin à jamais ?
Que je les quittais.
Qu’en partant écrire, je m’en allais vivre.
Je m’en allais vivre ailleurs. Dans un autre monde que le leur.
Pour toujours je me souviens de nous trois, mon père, ma mère et moi, ombres flottantes, éternelles, rassemblées en ce jour d’été dans le grand salon jaune, après que pour la première fois de ma vie j’ai osé avouer que je voulais écrire.
L’image se détache de la brume, nette et coupante comme la lame des ciseaux de la coiffeuse. Elle me pénètre, elle m’entaille : je suis assise dans un grand fauteuil beige et je regarde longuement, sidérée, mes cheveux noirs à terre
Et soudain, Diane Arbus, morte il y a plus de quarante ans, était violemment présente en moi, violemment vivante. Ça ressemblait à une étreinte. Je m’accrochais à elle, de toutes mes forces.
Le temps se contorsionnait, sortait de son sillon. Le temps devenait fou. Ou bien peut-être était-ce moi qui perdais le sillon du temps.
Elle ne sait pas que dans mon coeur, c'est la nuit. Je ne lui ai rien dit. Les nuits, parfois, ne peuvent se dire. On est trop loin. Loin des autres, loin de soi, loin des mots. Il n'y a plus de sens. Le sens a coulé. Le sens a implosé.
On n'est pas toujours debout. On est parfois à terre. On est parfois hurlant. En mille morceaux. Oui, la vie est immense, ouverte sur des abîmes. Ouverte sur des espaces. La vie est bien vivante.
On n'est pas toujours debout. On est parfois à terre. On est parfois hurlant. En mille morceaux. Oui, la vie est immense, ouverte sur des abîmes. Ouverte sur des espaces. La vie est bien vivante.
Un cfef d'oeuvre d'autobiographie, un genre difficile.