Le routier se pencha en avant, posant ses mains sur le fauteuil, ses doigts blafards évoquant une flore anémique prenant racine dans le grain sombre du bois.
J'ai toujours pensé que les gens s'en sortiraient un poil mieux s'ils se comportaient plus souvent comme le ginseng. Mais non. Ils prennent racine quelque part un moment et ils se tirent sans laisser de trace s'ils pensent que la terre est plus fertile ailleurs.
Il regarda Daryl sur son perchoir devant le bar, assis comme un roi négligent dans une chambre des comptes avec le sang pour devise, un homme qui ne traitait qu'avec la mort en personne.
(...) un vent sec caressait les cheveux sur son front, tel un croque-mort arrangeant les dernières boucles grisonnantes d'un cadavre.
Elle inclina une dernière fois son mug, le fond de whisky lui brûlant la gorge, puis elle le posa sous le fauteuil et leva les yeux vers lui dans la semi-obscurité, son ombre se déployant sur elle telle la bure d'un moine dérangé, de sorte qu'elle se trouvait enveloppée dans la noirceur qu'il traînait dans le monde.
Puis il jeta l'arme par terre et s'éloigna clopin-clopant dans les arbres, les épaules enveloppées dans le châle du clair de lune.
Des spasmes de clair de lune traversaient la cime des arbres. La lune elle-même se reflétait dans la rivière, son double tremblant dans les eaux noires, et partout flottait une sérénité qui semblait permanente, un calme qui donnait forme à l'immensité de la nuit.
Bon Dieu, (..), je vois pas comment un type comme toi arrive à s'en sortir tout seul. T'es comme une vieille chèvre, hein ? Tu t'en fous d'avoir le cul au soleil tant que t'as la tête à l'ombre. C'est pas vrai ?
Avec l'âge, le temps règle la plupart de tes dettes.
Une fois qu'un homme commençait à collectionner les obligations, tout se déréglait, et il se retrouvait face aux murs d'une prison construite de ses propres mains.