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"Néonoir" _ J'avoue devoir faire quelques efforts pour apprécier un roman de cette nouvelle collection de chez Gallmeister.
Et, je m'acharne ,toujours dans l'espoir d'y trouver non pas une pépite, mais un bon auteur peut-être ?

Et, cette fois , Victoire !
J'ai...... terminé ma lecture !

En effet, il me fut possible de m'immerger au fond du Kentucky ,au coeur du terroir,et de goûter de temps à autre à la poésie des bords de la Gasping River ou celle de quelques no man's lands ...
Mais bien sûr, thriller oblige , ce roman ne va certes pas nous retracer la vie de braves paysans du coin !

Peu à peu, on va entrer dans un monde baroque, irréel.
Le récit prend corps autour de deux pseudo-parrains, Loat et Daryl qui ont des comptes à régler bien sûr et qui manipulent comme ils peuvent un entourage fait de personnages déjantés, sociopathes, décérébrés, qui, tout au long du récit vont entretenir une atmosphère aussi lourde que glauque, où règnent en maîtres la violence et la bêtise.
Une caricature de l'Amérique profonde ?
Par moments, il semble difficile de distinguer la fiction de la réalité.

Et, on va se retrouver spectateur d'un road movie tragique dont l'atmosphère cauchemardesque reste malgré tout relative : provoquer le frisson et l'angoisse en manipulant invraisemblances et exagérations n'est pas une évidence, c'est un art .

Difficile de classer ce roman: rural noir ? western ?, thriller ?
Au départ, l'intrigue était intéressante.
Mais, comme trop souvent à présent, dans ce genre de romans, le style de la narration passe au second plan et malheureusement cet ouvrage n'échappe pas aux phrases de remplissage ou à la lourdeur de la syntaxe . Pourtant, à d'autres moments, on sentait poindre des touches de poésie,timides cependant.
Dommage donc.

Mais, pour apprécier ce roman , mieux vaut éviter les comparaisons et ne pas s'attendre à de l'originalité.

Malgré tout, j'ai envie de terminer sur une note positive: certains personnages étaient si caricaturaux qu'ils m'ont ,ici ou là, arraché un sourire !
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Pendant la lecture de ce roman , j'avais deux couleurs en tête : Noir , très noir et Vert .
Noir parce que l'histoire est très sombre et qu'il n'y a vraisemblablement aucune porte de sortie pour des personnages coincés dans ce Kentucky comme dans une prison naturelle . On est dans un trou paumé , dans la cambrousse la plus définitive .
Et au milieu coule la Gasping River.
Et un soir, Beam remplace son père afin de conduire le ferry d'une rive à l'autre. Ce soir-là, un seul passager qu'il va devoir tuer car cet homme veut piquer la caisse . Son père, Clem lui donne un peu d'argent et lui dit de fuir car le cadavre n'est autre que le fils du caïd local, Loat . Et Beam va avoir Loat, ses hommes et le shérif à ses trousses , ainsi qu'un certain nombre de secrets prêts à éclater .
C'est sombre, les personnes qu'il va croiser sont, au mieux pauvres et fracassées par la vie et au pire,comme je ne pouvais l'imaginer .
C'est sombre , les femmes de ce roman sont souvent putes et soumises .
Mais j'ai survécu à cette descente aux enfers parce que ce livre est plein de chlorophylle . Alex Taylor habite la région du Kentucky et visiblement, il en est amoureux fou ; et il l'arpente, il randonne , il se promène . Maîtrisant la faune et la flore sur le bout de ses doigts tachés d'encre , il nous enchante par la poésie de quelques noms d'espèces d'oiseaux, d'arbres et de plantes qui illuminent le coté sombre de ce roman . Il y en a que je ne connaissais pas , et ça m'a plu !
Alors voilà ! Juste pour le plaisir, laissez-vous bercer par la poésie des noms : tiarelle, érables, mimosas , sumacs, asiminiers , robiniers , salsepareille, amarante, pacaniers ,ginseng, sanguinaires, ormes, raisin d'Amérique , mousses , moustiques, guêpes, vautours et autres réjouissances ....
Un roman immensément sombre et vert , porté par une écriture brillante .
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La quatrième de couverture nous promet une inoubliable descente au coeur des ténèbres, du coup c'est équipée de ma lampe frontale que je me suis risquée entre les dalles de ce verger de marbre. Petite précaution pas inutile car en effet du noir il y en a et Alex Taylor ne s'embarrasse avec des préliminaires, avec lui c'est “Alea jacta est” dès les premières pages et débrouille toi avec ça. Juste un p'tit coup sur la tête et PoOouf! le monde tel que le connaissait le jeune Beam s'évanouit. En même temps, avec un nom pareil que vouliez-vous qu'il fasse ? Franchement ! Parce que beam ça veut dire quoi ? Quand c'est en bois, wooden beam, c'est une poutre, sinon ça peut aussi être un rayon laser (laser beam), bref ça sonne drôlement comme une arme contondante non ? Et même le son, genre “bim bam boum” ça sent le choc, ou la chute, ou les deux… Bref, donc ce livre est une pure tragédie, le mec est obligé de part son nom de taper sur quelqu'un. Ensuite, comme c'est une tragédie, c'est obligé que ce mec (celui sur qui il a tapé, faut suivre) soit autre chose qu'un illustre inconnu, puis c'est obligé que s'enchaînent toute une série d'emmerdes de plus en plus corsés qui ne peuvent conduire qu'à une fin super moche. Et vlan, ça rate pas ! Oedipe / Beam, même combat, on n'échappe pas à son destin et puis c'est tout...
En plus, c'te manie de fréquenter les cimetières, ça ne conduit pas bien loin, c'est pourtant connu ; jamais deux sans trois dit-on mais il s'avère parfois que la troisième fois est déjà celle de trop et qu'on peut finir sur une table de marbre sans avoir eu le temps de réciter un dernier Pater noster. Épitaphe précoce. Et bien sûr, au cours de l'histoire cet étourdi de Beam semble oublier ce sage avertissement et c'est à trois reprises que nous le retrouvons dans un cimetière. Si c'est pas chercher les emmerdes ça ! Ceci-dit, je n'ai même pas envie de le plaindre car en fait, il ne m'est pas très sympathique, pas attachant pour un sous, charisme zéro. Je reconnais que je ne suis pas gentille de dire ça car est-ce de sa faute après tout s'il est né dans une famille dégénérée et s'il vit dans un coin paumé où seuls les méchants ont davantage qu'un petit pois dans la tête ? Non ce n'est pas de sa faute, mais bon, ça ne change rien, le monde est ainsi fait et il y en aura toujours qui devront payer pour quelque chose qu'ils n'ont pas fait. La vie, ça ne marche pas au mérite.
Pour conclure, le verger de marbre est un bon roman noir mais je ne le qualifierai pas d'inoubliable, il m'a manqué une petite attache avec les personnages.
Lien : http://tracesdelire.blogspot..
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Drame dans un ploucland quelconque du Kentucky. Dans la distribution, il y a le cador local, son ex (une pute à la retraite en ménage avec un pauvre type à sa solde), un flic tenace qui n'arrive pas à grand-chose et un drôle de charlatan de passage qui cumule de la manière la plus improbable des compétences de routier, VRP en costards et chirurgien. le livre s'ouvre sur l'affrontement meurtrier de deux jeunes, tous deux fils de la dame citée plus haut (mais aucun des deux n'en savait rien).

L'intrigue se suit sans déplaisir, attention. le personnage du camionneur est source de surprises assez réjouissantes, au sens tarantinesque de l'adjectif. Malheureusement, un détail tout bête m'empêche de recommander ce livre avec enthousiasme : le dernier chapitre manque. Taylor laisse ses personnages principaux en plan à la dernière phrase du dernier chapitre. Puis on bascule sur un épilogue qui n'éclaire en rien les événements (le brave flic se tripote les méninges, toujours dans le brouillard). Bref, les fins ouvertes, pourquoi pas ? Sauf qu'ici, on peut imaginer des dénouements bien différents, au point que je me sente floué comme rarement dans ces circonstances.

Traduction honnête mais sans brio. Je fais remarquer au passage à l'homme de l'art, M. Anatole Pons, que le verbe bâfrer n'est PAS un verbe pronominal (« … la rangée de Sheetmire en train de se bâfrer à table » – milieu de page 10). Je sais, c'est un détail – mais, en ce qui me concerne, un détail qui tue.
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J'ai beaucoup aimé ce livre, l'intrigue, l'écriture.
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une très belle écriture,sans doute une des plus belle que j'ai pu lire, tant pour dépeindre les personnages que ce Kentucky peu reluisant.
Il fallait certainement au moins ça pour faire l'équilibre avec cette noirceur et cette crasse.
Sans ressentir énormément d'empathie pour Beam ou les autres toute la 1ère partie m'a plutôt bien embarqué jusqu'à ce qu'une touche fantastico-lyrique ambigüe, et quelques ellipses que je trouve maladroites, prennent plus de place dans le récit et me perdent en chemin,me laissant totalement sur le bord de la route en étant pas certain d'avoir tout saisi jusque la fin.
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Je me suis régalé ! Mais vraiment régalé !

Déjà c'est très très bien écrit, et j'ai accroché direct au style et à l'histoire.

Une chasse à l'homme aux confins d'une campagne hostile et d'une Amérique profonde...Je n'en dit pas plus, ce n'est pas bien important finalement. L'intrigue est déjà vu mais très bien revisitée, avec une originalité qui m'a convaincu.

Les personnages sont de gros bouseux qui n'y vont pas quatre chemin quand il s'agit de passer à l'action et de cogner. Ils sont incroyablement humains et inhumains, avec leurs faiblesses, bassesses, contradictions, fatalisme et j'en passe....Ajoutez de bons gros secrets de famille et Alex Taylor fait le bonheur des amateurs du genre.

Mais attention, au-delà du côté bourrin de certaines scènes, la plume d'Alex Taylor est tout en subtilité, poésie même et c'est ce qui ne gâche rien évidemment dans la description des paysages ou des ressentis des personnages.

Un premier roman revigorant, aux allures de tragédie et d'une grande intensité.
Lien : http://fromtheavenue.blogspo..
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Jusqu'à présent, même si j'ai passé un bon moment avec les deux bouquins lus dans cette collection, j'ai pas été emballé complètement.
J'ai bien fait de persévérer.
Je viens de fermer un des meilleurs bouquins que j'ai lu depuis quelque temps.
Souvent, tu lis un livre et tu aimes l'histoire. C'est bien raconté. le style te laissera pas de souvenir pendant les trente prochaines années, mais bon, aujourd'hui, c'est difficile d'avoir le beurre, son argent et la vendeuse en même temps.
Alex Taylor, il a pas que l'histoire, il a un style de dingue. Tu l'imagines presque comme le descendant de ces auteurs qui sont au firmament de la littérature américaine. Tu vois lesquels ?
Ceux qui donnaient la vie à leurs personnages au point que t'étais sûr qu'ils existaient quand tu refermais le bouquin.
Alex Taylor, il fait pareil.
Tu vois tout ce qu'il te raconte.
Je te fais le pitch, vite fait.
Beam tue un type, un soir, parce que le type en question veut lui piquer son blé. Comme ce type c'est le fils du boss du coin, Beam se barre, sur les conseils de son père.
Il se tire dans la forêt, et rencontre un type super sympa. Un papy dont tu sens qu'il a rien à prouver à personne. Juste il aide Beam, et c'est bien. D'ailleurs, ce papy, il a une fille aussi.
Elle est sympa.
Le boss que Beam s'est mis à dos, c'est Loat Duncan. Il a des chiens genre doberman, un peu féroces et super pas sympa.
En plus, y a un secret que je peux pas te dire, bien sûr.
Parce que si je te le dis, je vais me faire engueuler. Alors je te dis pas.
Voilà.
C'est un premier roman et là, t'hallucine.
La suite sur le blog...

Lien : http://leslivresdelie.org/203/
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« Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai par une forêt obscure, car la voie droite était perdue » ( L'enfer de Dante )

Car perdue, je l'ai été. J'ai cherché mon chemin à travers les mots de ce roman, n'en comprenant pas la construction. Je me suis égarée dans des transitions brutales, ne saisissant pas les failles temporelles que j'ai trouvées par trop importantes. Je me suis même écartée de la route pendant un long moment, oubliant malgré moi la poésie du texte car trop tourmentée par des chapitres qui se suivaient sans me montrer la voie.

Ainsi, je n'ai su en apprécier la valeur dans la première partie de mon voyage. le paysage ne me séduisait pas, le point de vue me laissait presque de marbre.

Les personnages que je croisais me semblaient caricaturaux. Ils se fondaient dans un paysage rugueux mais ces hommes, pour la plupart, n'étaient que des contrefaçons dénués de toute matérialité. Des êtres qui traversaient leurs vies dans les vapeurs de l'alcool : tuant et prostituant. Les femmes, quant à elles et malgré leur force, ne faisaient que subir les agressions d'une vie et d'un sexe qu'elles n'avaient pas choisis. Un fossé infranchissable entre deux rives éloignées l'une de l'autre et un pont, de temps à autre, qui leur permettait de se rejoindre sans jamais se comprendre.

J'errais donc dans ce monde étranger sans m'attacher d'aucune manière à ce conte que je lisais sans passion, lors-qu'apparut à mi parcours, un panorama qui me fit dévier de ce sentier sans balise et enfin je compris. Enfin, je voyais la beauté de cet étrange fable et en comprenais les allégories.

L'homme en noir était là, dans ce virage que j'avais pris. Il portait un costume et m'attendait. Les quelques cailloux blancs qu'il avait jeté pour me guider à travers ces pages formaient à présent une montagne et je ne voyais qu'elle.

Une rivière coulait à ses pieds et Charon m'attendait sur sa barque. L'homme en noir me pris par la main et je pus poser un pied sur ce fragile esquif qu'était ce roman. Un bouc noir me regardait , l'oeil rempli de tous les vices de l'humanité et la réponse était là.

Elle était dans ces vies errantes que j'avais croisées sur mon parcours. Elle était dans ces métaphores que je comprenais à présent. Elle était sur les rives de cette rivière sans fond qui symbolisait le frontière entre la vie et la mort.

Enfin, elle m'apparaissait sur ce chemin pavé de bonnes intentions qui nous mène tous, inéluctablement, vers la même destination.

Je m'en approchais et là, une voix désincarnée, juste une ombre, me soufflât :

« Toi qui ouvre ces pages, abandonne toute espérance »
Lien : https://sous-les-paves-la-pa..
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J'ai lu le verger de marbre comme on lirait une tragédie : c'est le récit d'une fuite, celle d'un homme qui en tue un autre.
Beam Sheetmire est décrit dès les premières pages comme différent des membres de sa famille : il ne ressemble pas vraiment à son père Clem dont le métier consiste à faire traverser à quelques clients, à bord d'un ferry, la Gasping River dans le Kentucky.
Clem en Charon, faisant franchir le Styx aux morts s'ils veulent trouver la paix de l'âme ? le rapprochement est bien tentant…
Cinq dollars le passage, à peine de quoi se payer une bière et un paquet de cigarettes : « Beaucoup de peine pour pas grand-chose »…
Parfois, c'est Beam, son fils, qui s'en occupe. Encore ado, « un sang fiévreux dans les veines » et souffrant de narcolepsie, il ne sait pas trop quoi faire de lui.
Or, une nuit, il est abordé par un inconnu qui refuse de payer, finit par accepter et tente finalement de lui voler sa caisse. Beam le tue. Son père lui dit de fuir. Il obéit.
Cette fuite sera, pour le jeune garçon un peu paumé, un espace de rencontres, d'apprentissages et de révélations. La lumière se fera progressivement. Il me fait penser à Oedipe fuyant les prédictions des prêtres de Delphes afin d'échapper à son destin et qui découvre, mais trop tard, qu'il a assassiné son père et épousé sa mère. « Plus on s'éloigne de la vérité, plus c'est dur d'y revenir » dira un des personnages… Il y a de l'Oedipe dans Beam et de la mythologie dans le verger de marbre.
Beam rencontrera des hommes et des femmes qui lui voudront du bien parfois, du mal souvent. Il ne comprendra pas pourquoi on veut l'aider et finira progressivement par saisir, mais trop tard, pourquoi on veut le tuer.
Et puis, il y a ce personnage étrange et fascinant qui porte un costume trois-pièces, un chauffeur de camion, dont personne ne comprend les propos métaphoriques, énigmatiques et lourds de sous-entendus, un homme toujours présent là où on ne l'attend pas, dans un lieu où il n'a rien à faire, où il ne connaît personne. Est-il le Mal, est-il la Mort, celui qui dira au shérif : « Vous pouvez trouver ça difficile à croire, mais il y a un ordre qui vous dépasse. Vous en faites pas partie. », celui qui apparaît et disparaît « comme s'il n'avait jamais été » ?
Beam rencontre aussi Pete Daugherty, le ramasseur de ginseng, celui qui raconte des histoires et semble vouloir le prévenir : les terres sont devenues maudites, il faut partir, s'éloigner… le vieil homme soigne, apaise, rassure : il est l'incarnation du Bien.
Autre figure du Bien : celle du shérif Elvis Dunne, un pauvre Créon fatigué, chargé de faire régner un ordre auquel il ne croit plus vraiment, lui qui, comme l'oncle d'Antigone, se plaît à collectionner les antiquités et à les admirer, unique moment de paix …
Qui va gagner dans ce combat de forces antagonistes ?
Les tragédies antiques données lors des fêtes de Dionysos commençaient par le sacrifice du bouc, le mot « tragédie » signifiant d'ailleurs en grec « chant du bouc ». Or ici, l'animal est bien présent, attaché au poteau du bar de Daryl où règnent les caïds du coin, les prostituées et les paumés. Il ne sera pas mis à mort mais, dans une scène quasi surréaliste, on lui enlèvera un rein qu'on lui donnera à manger.
Ultime perversion.
Est-ce à dire que le monde moderne ne cherche même plus à apaiser la colère des dieux par des offrandes, que le destin -le fatum- nommé ici misère, alcoolisme, banditisme, prostitution, meurtre est devenu inéluctable ?
Le verger de marbre est un roman fort, puissant qui met en scène des déshérités, des gens usés par la vie, piégés par une existence glauque dans laquelle ils s'enfoncent irrémédiablement chaque jour.
C'est une tragédie : la règle des trois unités n'est pas loin d'être respectée.
Unité de temps : en quelques jours, l'affaire est bouclée.
Unité de lieu : les personnages semblent incapables de quitter les terres maudites où ils vivent. Ils semblent tourner en boucle et revenir sans cesse au point de départ comme piégés dans un monde hors du monde, un monde dont on ne sort pas.
Unité d'action : fuir, fuir, fuir.
C'est fort parce que c'est serré, étouffant, mystérieux, tendu, comme habité par un mal dans lequel les personnages semblent empêtrés.
Beam l'innocent ne fait finalement que payer les fautes de ses géniteurs. En cela, il est un homme tragique. Il subit. « - J'ai bien essayé de vivre comme il fallait, dira sa mère, mais il y a ce monde. Il te piège, il t'attrape des fois, tellement qu'on dirait que les choses qu'on fait sont pas vraiment nous. Elles sont ce que quelqu'un d'autre aurait fait. »
Façon naïve de sentir qu'on est pris dans les filets, qu'un oiseau de mauvais augure plane au-dessus de notre tête comme pour signifier qu'on est le prochain sur la liste.
Les personnages de l'oeuvre sont présentés comme des êtres complexes, difficiles à cerner : on les découvre progressivement, au détour du chemin, d'une phrase, d'une histoire qu'ils racontent. On ne comprend pas toujours leurs motivations, on cherche des raisons, on émet des hypothèses… Ils ont une épaisseur et une force incroyables.
Les dialogues acquièrent parfois une dimension philosophique. Les acteurs de cette tragédie peinent souvent à se comprendre, à comprendre les autres, à saisir le sens de leur propre existence.
Leur malheur est à l'image de la Gasping River, sans fond. « Les choses peuvent pas couler sans s'arrêter » fait remarquer Beam. La vie lui apprendra que si, que l'on peut tomber longtemps, très longtemps, sans jamais s'arrêter…
Et puis enfin, seul refuge finalement dans ce monde terrible, la nature. Elle est là, omniprésente, dans sa beauté irréelle, sa sensualité infinie, sa force et sa violence sauvages et la langue d'Alex Taylor ainsi que la superbe traduction d'Anatole Pons l'enchantent, la poétisent, la transforment en personnage quasi central de l'histoire dans une langue lyrique envoûtante…

Je finirai en citant les paroles du Choeur dans Antigone d'Anouilh qui dit ceci : « Dans la tragédie on est tranquille. D'abord on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution. Et puis, surtout, c'est reposant la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu'on n'a plus qu'à crier,-pas à gémir, non, pas à se plaindre,- à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. »

Pas de doute, on y est… et c'est sublime !

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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