L'auteur nous retrace dans ce livre 3 récits de navigation :
En janvier 1971 à l'âge de 23 ans il embarque comme matelot sur l'Endéavour II, un 3 mats de 30m de long, avec 14 hommes d'équipages. L'Endeavour II a appareillé de Brisbane (Australie), l'auteur nous fait partager avec un style dépouillé, en termes précis, souvent très techniques, (mais il faut bien appeler les choses par leur nom ) la vie à bord sur l'Endevaour II, les manoeuvres longues et éprouvantes pour envoyer les voiles, (il peut y en avoir jusqu'à 17) sur ce bateau qui n'a pas de winch, le travail quotidien d'entretien et de réparation qu'il faut sans cesse recommencer. Après une escale à l'île Lord Howe, l'Endeavour II fait route vers la Nouvelle Zélande, ou là, il est pris dans une terrible tempête tropicale.
L'auteur évoque remarquablement sa peur devant le danger quand le moteur s'arrête et qu'il n'y a plus de bruits l'espace d'un instant : «Ce silence de quelques secondes était impressionnant et aussi éloquent que les bruits qui vous retournent les tripes – le chuintement de la lame de la guillotine quand elle entame sa chute implacable ; le cliquetis des crans de sûreté du peloton d'exécution...» ou bien « mes muscles étaient tétanisés. J'ai ressenti pour la première fois de ma vie le sens du mot pétrifiés » ( en italique dans le texte).
Les 2 autres récits font état de navigation en solitaire, mais pas tout à fait car l'auteur, une fois sur l'eau, emploie toujours le 'nous'. Il n'est pas seul, il est avec son bateau !
2ème récit, 3ans plus tard, l'auteur participe à une course en solitaire entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie sur un petit voilier en ferrociment qu'il à lui même construit. Il arrive en dehors des délais après 35 jours de mer. Il a essuyé de terribles tempêtes. 30 cm d'eau dans la cabine où tout s'est renversé, la peur de chavirer devant des vagues énormes, l'obligation de barrer suite à la casse du régulateur d'allures, le fait de manger froid, tout cela est à mon sens bien évoqué en phrases simples, on est avec lui, on participe, on souffre avec lui.
3ème récit : Nous sommes en juin 2006, l'auteur participe à une course transatlantique réservée aux voiliers de moins de 9m entre Plymouth et NewPort. Dans cette course sans assistance, le skipper est seul, sans sponsor, sans matraquage publicitaire, et pleinement responsable de ses actes, c'est ce qui plaît à
Roger Taylor qui est un adepte de la navigation minimaliste. Il prend le départ sur Minging, un voilier biquille de 6,30 m, gréé en jonque, qu'il a rendu insubmersible. 14 jours après le départ devant une météo plus qu'alarmante, après de longues hésitations, qui sont parfaitement analysées, il fait demi-tour, mais se lance le défi de rejoindre son port d'attache Burnham-on-Crouch, sans mettre pieds à terre.
L'auteur relate sa navigation comme une longue suite de vents forts, changeants, oscillants, de grosse mer, de calmes, de mer plates. Les journées de calme s'étirent, rythmées par un rituel immuable, dans un environnement plus que spartiate : se brosser les dents sans eau, ranger le bateau, manger, noter les bulletins météo, régler le bateau, observer, observer. Si il y a gros temps, il faut sortir dans la tourmente pour repositionner le régulateur d'allure. L'auteur nous fait part de ses doutes, de sa tristesse parfois, de son moral, de ses observations de la faune océanique, de ses galères, de l'écriture de poèmes, de comptages inutiles pour passer le temps :(combien de téléviseurs ou de slips kangourous, un porte conteneur (qu'il vient de croiser)peut-il transporter ?
Il arrive à son port d'attache après 38 jours de mer dans une navigation difficile et éprouvante surtout le long des côtes sud de l'Angleterre.
Une seule petite remarque sur la construction des récits : Plusieurs fois l'auteur annonce la suite au lieu de laisser le lecteur dans l'expectative, par exemple ::«.... la dérive supplémentaire empêchait de progresser face au vent. Nous allions bientôt l'apprendre à nos dépens » ou bien : « notre calvaire n'était certainement pas terminé. En fait, il venait à peine de commencer »
Ces phrases enlèvent, à mon sens, un peu de suspense.
Alors
Roger Taylor un simple marin ? Je ne crois pas, il a une très grande de connaissance de la mer, de la navigation, des phénomènes météo, de la faune océanique, il nous en a fait part dans cet ouvrage, et je dirais plutôt un marin et un homme d'exception.
Etant propriétaire d'un petit voilier, j'ai bien aimé, j'avoue avoir pris un atlas pour suivre ses navigations, j'ai apprécié les photos et les petits croquis, mais la voile est un domaine particulier, et de ce fait l'ouvrage n'est-il pas destiné à un public averti ? Personnellement, je vais certainement lire son autre récit, « Mingming, l'art de la navigation minimaliste »