Citations sur Il était deux fois (207)
Au XIXe siècle, on traitait les défunts comme des vivants, on les habillait, on leur donnait des postures, afin de les mettre dans l'album de famille. N'existe-t-il pas de nombreux portraits d'enfants en bas âge, décédés, dans les bras de leur mère ? Et ces hommes célèbres, comme Hugo ou Proust, qu'on a photographiés sur leur lit de mort et exposés?
Il se mit à genoux, presque religieusement, avec l'impression d'être un randonneur épuisé arrivé au bout du chemin, conscient que le retour serait encore plus difficile et douloureux que l'aller. Il fut happé par une forte odeur de produit d'hôpital, du type alcool à 70, mais ce n'était pas exactement ça. Cette odeur-là, plus âpre, prenait aux poumons. Sa main droite tremblait tellement qu'il dut cercler son poignet avec sa main gauche, pour la guider jusqu'au fermoir du premier sac. Le bruit, provoqué par les dents métalliques qui s'écartaient lui fut insupportable.
La normalité, songea Paul. Peut-être pire encore que la folie. au moins la folie, elle se voit.
Le moment de la disparition - celui entre le juste avant et le juste après - faisait partie de ceux définitivement gravés dans l'esprit des proches. Le dernier sourire, le dernier geste, le dernier mot devenaient les ultimes souvenirs.
A la boutique de téléphonie, il acheta le modèle le plus simple, déjà trop complexe pour lui. Le vendeur vérifia son identité et, après quelques manipulations informatiques, lui fournit un portable avec son ancien numéro, en vingt minutes à peine. Il lui expliquait le fonctionnement de l'appareil photo, du GPS...Gabriel débarquait dans une autre dimension : ces téléphones n'étaient pas loin de faire le café.
Je ne sais pas ce qui est pire : rester prisonnier du passé ou avoir oublié
Une bourrasque fit gémir la tôle, la pluie fracassa comme si une coupe de cristal géante avait explosé au dessus de sa tête. Gabriel grelottait dans ses vêtements humides, la météo était à l'image de ses sentiments. Un mélange de colère, de larmes, de chaos.
L'éblouissant paysage de la journée s'était effacé derrière les ombres des sapins. Les silhouettes des montagnes se resserraient en dents de scie autour de lui, comme la mâchoire d'un habitant des abysses. En contrebas, le lac suggérait l'oeil froid d'un reptile aux aguets.
Un roman est un jeu d’illusions, tout est aussi vrai que faux, et l’histoire ne commence à exister qu’au moment où vous la lisez
Il sentit les effluves de sexe et d'argent liquide qu'on se passe de main en main. Des voitures roulaient au ralenti, éclaboussaient les piétons de leurs phares allumés, s'arrêtaient devant des silhouettes perchées sur des hauts talons. Un minimum de mots, un claquement de portière, un ronflement de moteur qui se perdait dans la nuit, avec la promesse de caresser le diable.