Dévot de Blankets
Il arrive que la BD élève, par ses maîtres.
Le "Blankets" de
Craig Thompson a parfois été comparé au "Maus" d'
Art Spiegelman, ce qui n'est pas un mince compliment, même si je reste circonspect quant à la pertinence de ce rapprochement entre une description du système concentrationnaire et les premiers émois de 2 jeunes gens élevés au fin fond des Etats du Wisconsin et du Michigan, au sein de familles plongées dans la dévotion la plus inhibante.
"Blankets" évoque la jeunesse de
Craig Thompson (l'histoire est autobiographique). Il est un gamin, rêveur et délicat, mal intégré parmi les jeunes de son âge, qui s'évade par le dessin.
Dans les années 90, il tombe amoureux de la charmante Raina et doit alors se débattre avec toutes les contradictions de sa foi et les difficultés inhérentes au passage à l'âge adulte. Il est "comme un fantôme pas entièrement matérialisé et incapable de composer avec ce qui [l'] entoure".
Le récit de ces tourments est servi par un graphisme époustouflant avec un N&B magnifié par une inventivité constante, une poésie et une délicatesse rares et une émotion toujours présente. Certaines cases sont parmi les plus expressivement belles de la BD, comme celle de la page 484 où Craig retourne chez lui après 15 jours passés chez Raina. La voiture de sa mère qui le ramène, sort du parking...et tombe, dans le néant. Simple, mais fort.
Le récit approche les 590 pages et pourtant, aucun dessin n'est superflu. Les relations entre Craig et son frère, son attirance douloureuse (le plaisir et la souffrance) pour Laura, son débat intérieur...rien n'est passé sous silence.
Même les épisodes tragiques (et notamment l'évocation d'actes pédophiles) sont traités "à plat", comme faisant partie de l'ensemble : une brique de plus dans le mur aurait dit
Roger Waters.
Un pavé, vendu au poids, mais un ouvrage exceptionnel.
PS. Mon prosélytisme me pousse à mentionner que les murs de la chambre de Raina sont tapissés de photos de Nirvana, Dinosaur Jr, Pixies, Bjork, Sonic Youth,
PJ Harvey, Radiohead...