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Citations sur Les mal-aimés (70)

Les mots que cet abruti a jetés à sa Jeanne sur le seuil de la maison du Daniel qui venait juste de rendre l’âme, et qu’elle lui a rapportés, ont foutu le feu à sa pensée, jusqu’à porter son sang à ébullition. Depuis il sent des bulles épaisses claquer dans ses veines, libérer un gaz acide qui, après avoir rongé sa patience, s’attaque par moments à sa raison.
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Il n'est pas mécontent qu'on l'arrache à ce trou perdu. Ses potagers. Ses poulaillers. Ses troupeaux efflanqués. Cette terre qui n'a que le malheur pour se satisfaire. La misère. Et aussi les cadavres. Ceux des bêtes. Ceux de tous ces gosses du bagne qui ne comptaient pour personne. Ceux des hommes que les lames des machines déchirent. Ceux des criminels, des refoulés, des coupables que la raison a fini par quitter. Et tous ceux qu'on s'est empressé d'oublier. Et d'autres qui tomberont, car la terre est ainsi. Elle a faim.
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Malgré le chahut enjoué, il ne trouve pas la force de mettre un pied devant l'autre. Comme si tout cela n'était pas réel, comme si une fois de plus ses rêves avaient pris le dessus, avec la menace de s'évanouir et de le rendre aux montres dès qu'il ouvrira les yeux. En refusant d'avancer, il pense que le retour à la réalité sera moins étouffant.
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Qui a bien pu décider de son sort ? Oh, bien sûr, le curé lui a parlé de Dieu. De sa toute-puissance. Que les derniers seront les premiers. Qu’Il saura pardonner à ses brebis et punira ceux qui se sont éloignés du chemin. Par moments, il lui semble que tout cela n’est que foutaises. Que cette idée de justice divine arrange bien les hommes et ceux qu’elle sert. S’Il veut qu’elle soit la première au paradis, c’est qu’Il doit l’aimer un peu. Alors pourquoi lui infligerait-Il tout ça ? Et s’Il souhaite en punir d’autres, pourquoi les laisserait-Il vivre en paix ?
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Il a sondé le regard du bougre, y a lu de la terreur. S’il l’avait questionné, le paysan lui aurait parlé du diable, qu’il aurait mêlé dans la même phrase au malin et au démon. Leur nouvelle trinité.
Des sottises que le curé balaie d’un simple revers de manche. Mais il ne peut s’empêcher de faire un lien avec l’ouvrage qu’il est en train de lire. La Grève générale et la Révolution, d’un certain Aristide Briand. Il jette un œil au livre posé devant lui. Le curé sait parfaitement que tous ces slogans, ces formules virulentes, ces discours enflammés trouvent un écho parmi la population peu éduquée et ouvrent la voie à la déchristianisation. Les nouvelles alarmistes s’accumulent depuis des semaines. On ne compte plus les agressions contre les prêtres. À ce rythme, il y aura bientôt des morts. Le monde vacille. Le chaos gagne. L’Église recule. La République s’émancipe. On dit même que les radicaux ont sous le coude un texte de séparation de l’Église et de l’État. Qu’ils remportent les élections, et l’humanité tout entière plongera dans l’abîme. Abismus, répète-t-il mentalement. Alors oui, il fait un parallèle avec ce chaos qui menace tous ces bougres. Quel peut bien être le devenir d’un monde où les humains se mettent à craindre le diable plus fort que Dieu ? Un monde où les autorités prétendent pouvoir avancer en se passant du soutien de l’Église ?
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« La chaleur accablante a vidé l’endroit de tous ses bruits, laisse régner le silence, un silence encore plus profond que celui provoqué par la clochette du bedeau lorsque le curé élève le saint sacrement en direction du ciel.
Blanche se redresse sur les genoux, relève sa robe pour ne pas l’abîmer, puis avance d’un bon mètre, repose ses fesses sur ses talons. D’un geste de la main, elle retire les brins de paille collés à ses genoux. Elle fixe la nuée de grains de poussière virevoltant dans le rayon de lumière qui force la porte entrouverte. Dans cette myriade de minuscules étoiles éphémères, elle veut voir une image de la vie qu’elle ne connaît pas. L’espace d’un court instant, elle se dit que si le bonheur existe, il doit ressembler à ça. Une sorte de rêve inaccessible. Un rêve de gamine qu’elle a bien vite étouffé.
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Elle a d’abord tenté de s’endormir, de se laisser happer par une torpeur bienfaisante, comme elle aime à le faire quand tout ce qui l’entoure lui paraît trop sombre ou trop triste. Pour cela elle imagine simplement que son esprit est un lièvre qui s’élance derrière un magnifique paillon bleu, sans jamais parvenir à le rattraper. Alors, épuisé mais heureux il se glisse dans son terrier et se roule en boule, encore tout essoufflé par sa course un peu folle. C’est à ce moment-là qu’elle s’endort.
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Alors le gamin sourit, lève son visage vers le ciel, accroche ses pensées aux rares oiseaux qui le fendent.
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Ces chèvres sont toute sa vie. Ces chèvres sont les siennes. Au-delà du fait qu’il partage avec elles la même couche, foule les mêmes terres caillouteuses qu’elles piétinent et martèlent de leurs sabots, tout comme cette herbe sèche et pauvre qui les nourrissent à peine, il connait chacune d’elles comme aucun autre ne les connaitra jamais.
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Toutes les filles de la campagne, sans exception, sont ainsi. Soumises à la vie, soumises aux hommes. Elles ne soupçonnent pas le pouvoir incroyable qu’elles exercent sur eux, et sont incapables d’imaginer qu’ailleurs, d’autres filles parfois moins belles, mais surtout moins mièvres, prennent leur existence en main pour briser le carcan patiemment imposé par la gent masculine au cours des siècles, voire des millénaires passés.
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