Dieu, le temps, les hommes et les anges

Elle se mettait au lit, où, malgré les coussins et les chaussettes de laine, elle ne parvenait pas à se réchauffer les pieds.

Les amanites sont les gardiennes du mycélium. Ruth se couche par terre au milieu d'elles et admire leurs jupons blancs comme neige.
Un jour, elle a entendu un bruit souterrain semblable à un soupir étouffé, suivi du crissement subtil de minuscules mottes de terre entre lesquelles les filaments de mycélium se fraient la voie. Ruth venait en fait d'entendre se dilater un coeur dont le rythme est d'un battement toutes les quatre-vingts années humaines.

Paul n'en finissait pas de s'étonner de la vitesse à laquelle la ruine et la désintégration accomplissent leur euvre. À croire que l'édifcation des maisons offense ciel et terre, à croire que l'élévation de murs, le fait de disposer des pierres les unes sur les autres contrarie le cours du temps.

Dieu descendit donc sur terre et commença à doter chaque animal rencontré de doigts, mains, visage, peau délicate, raison, capacité d'étonnement – bref II entreprit de transformer de force les animaux en hommes. Mais les animaux ne souhaitaient pas être métamorphosés de la sorte, les hommes leur semblaient monstrueux. Ils se concertèrent, attrapèrent Dieu et Le noyèrent. Et les choses en restèrent là. «Dans le troisième monde, il n'y a ni Dieu ni homme. »

Pour penser, il faut avaler le temps, intérioriser le passé, le présent, l’avenir, ainsi que leurs perpétuelles mutations. Le temps travaille à l’intérieur de l’esprit humain, pas à l’extérieur.

Le temps des animaux est toujours le présent.

Ignorer qu’on existe libère du temps et de la mort.

Tuer, c’est priver du droit au mouvement — car la vie est mouvement. Le corps qu’on tue s’immobilise. L’homme est un corps. Tout ce que l’homme éprouve à son commencement et sa fin dans son corps.

Qui suis-Je ? se demande Dieu. Dieu ou un homme ? Peut-être l’un et l’autre à la fois ? Peut-être aucun des deux ? Ai-Je crée les hommes ou les hommes M’ont-ils crée ?

— D’une manière générale, il ne faudrait rien que des filles. Si toutes les bonnes femmes se mettaient d’accord pour n’accoucher que de filles, il y aurait la paix dans le monde.
Elles éclatèrent de rire.