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Citations sur La Guerre et la Paix, tome 1 (422)

C’est cependant ainsi que toute une classe de la société, celle des militaires, vit dans une oisiveté relative, qui leur est d’autant plus permise qu’elle leur est imposée, et qui a toujours été pour eux le grand attrait du service.
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Il blessait cruellement et à tout propos la pauvre princesse Marie, qui ne songeait même pas à lui en vouloir. Comment aurait-il pu avoir des torts envers elle ? Comment aurait-il été injuste, lui qui, malgré tout, avait certainement de l’affection pour elle ?… Et puis qu’était-ce d’ailleurs que l’injustice ? Jamais la princesse n’avait eu le moindre sentiment d’orgueil. Tout le code des lois humaines se résumait pour elle en une seule loi simple et précise : celle de la charité et du dévouement, telle que nous l’a enseignée Celui qui, étant Dieu, a souffert par amour pour les hommes. Que lui importait après cela la justice ou l’injustice d’autrui, lorsqu’elle ne connaissait d’autre devoir que d’aimer et de souffrir ?… et ce devoir, elle le remplissait sans se plaindre !
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Seulement, Pierre ignorait que le village qui lui avait offert le pain et le sel, et qui désirait construire une chapelle, était un bourg très commerçant et que la chapelle était commencée depuis longtemps par les richards de l’endroit, ceux-là mêmes qui s’étaient présentés à lui, tandis que les neuf dixièmes des paysans étaient ruinés. Il ignorait aussi qu’à la suite de son ordre de ne pas envoyer les nourrices au travail de la corvée, ces mêmes nourrices étaient assujetties à un travail bien autrement pénible dans leurs propres champs. Il ignorait encore que le prêtre qui l’avait reçu la croix à la main pesait lourdement sur les paysans, prélevant de trop fortes dîmes en nature, et que les élèves qui l’entouraient lui étaient confiés à contre-cœur, et rachetés le plus souvent par les parents, au prix d’une forte rançon. Il ignorait que ces nouveaux bâtiments en pierre, élevés d’après ses plans, étaient construits par ses paysans, dont ils augmentaient par le fait la corvée, diminuée seulement sur le papier. Il ignorait enfin que là où l’intendant portait dans le livre les redevances comme moindres d’un tiers, ce tiers était compensé par une augmentation de corvées. Aussi Pierre, enchanté des résultats de son inspection, se sentait réchauffé d’une nouvelle ardeur philanthropique, et écrivait des lettres pleines d’exaltation au frère instructeur, ainsi qu’il appelait le Vénérable.

« Comme c’est facile d’être bon ! comme ça demande peu d’efforts, pensait Pierre, et combien peu nous y songeons ! »
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« Partira-t-il vraiment sans m’avoir initié à sa pensée et sans m’avoir mis dans la bonne voie ? se disait Pierre, qui s’était levé, et marchait dans la chambre, la tête baissée. Oui, j’ai mené une vie méprisable, mais je ne l’aimais pas, je n’en voulais pas !… Et cet homme connaît la vérité et il peut me l’enseigner ! »
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Comment l’avez-vous passée cette existence ? En orgies, en débauches, en dépravations, recevant tout de la société et ne lui donnant rien. Comment avez-vous employé la fortune que vous avez reçue ? Qu’avez-vous fait pour votre prochain ? Avez-vous pensé à vos dizaines de milliers de serfs ? Leur êtes-vous venu en aide moralement ou physiquement ? Non, n’est-ce pas ? Vous avez profité de leur labeur pour mener une existence corrompue ! Voilà ce que vous avez fait. Avez-vous cherché à vous employer utilement pour votre prochain ? Non. Vous avez passé votre vie dans l’oisiveté. Puis, vous vous êtes marié : vous avez accepté la responsabilité de servir de guide à une jeune femme. Qu’avez-vous fait alors ? Au lieu de l’aider à trouver le chemin de la vérité, vous l’avez jetée dans l’abîme du mensonge et du malheur. Un homme vous a offensé, vous l’avez tué, et vous dites que vous ne connaissez pas Dieu, et que vous avez votre existence en horreur ! Comment en serait-il autrement ? »
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C’était comme si le principal engrenage de son existence s’était tordu et tournait toujours sans accrocher le cran et sans pouvoir s’arrêter.
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Le prince Andréï s'était mis à danser parce qu'il avait envie de la choisir et que, parmi toutes les débutantes à qui il aimait mettre le pied à l'étrier, elle avait été la première à se présenter à lui ; mais à peine eut-il enlacé cette taille fine, mobile et frémissante que cette gamine dévêtue se mit à bouger si près de lui, elle sourit si près de lui qu'il fut soudain abasourdi par l'ivresse de son charme. Durant la valse, il lui dit à quel point elle dansait bien. Elle sourit. Puis il lui dit qu'il l'avait vue quelque part. Elle ne sourit pas et rougit. Et soudain, Pierre sur le bac de la rivière, le chêne, la poésie, le printemps, le
bonheur, tout ressuscita brusquement dans l'âme du prince Andréï.
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Oui, dit le prince Andréï en souriant, ce que toi et moi nous pensions et nous sentions il y a quatre ans, ils I'ont compris maintenant. Mais pour eux, l'Égypte, la campagne d'Italie, la libération de lItalie, le premier consul, tout cela était incompréhensible ; pour faire une brèche dans leur entendement, il leur fallait toute la pompe ridicule et répugnante de Tilsit et d'Erfurt. Comme le dit Goethe, ils sont comme un écho, mais ils n'ont pas de voix. Jamais ils ne chantent en mesure. Quand la nouveauté survient, ils croient toujours en ce qui est ancien ; quand la nouveauté devient une vieillerie, une trivialité rétrograde, et que les esprits d'avant-garde voient déjà la nouveauté, ils commencent seulement à digérer le passé, ce qu'ils ont contesté. C'est ce qui se produit à l'heure actuelle avec Napoléon.
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Alors que cinq minutes plus tôt le prince Andréï avait réussi, bien que cela fût au-dessus de ses forces, à prononcer quelques mots, maintenant il se taisait, le regard fixé sur Napoléon. Il pensait à nouveau à ce ciel haut qu'il avait vu lorsqu'il était tombé. Tout ce qui était présent lui semblait si dérisoire à cet instant. Toutes ces conversations ampoulées, artificielles de Repnine et de Soukhtélène lui semblaient si stupides, son héros lui-même lui semblait si petit et si insignifiant maintenant qu'il le voyait de près et qu'il avait perdu cette auréole de mystère et d'inconnu, il lui semblait si vain avec cette vanité futile en comparaison de ce ciel là-haut. Oui, et tout semblait inutile et dérisoire comparé à cette façon de penser, sévère et grandiose, que provoquaient en lui l'affaiblissement de ses forces, la souffrance qu'il endurait et l'attente de la mort toute proche. II pensait à la futilité de la grandeur, à la futilité de la vie dont personne ne pouvait comprendre la signification, et à la plus grande futilité encore de la mort qu'aucun être vivant ne saurait expliquer et dont personne ne pouvait comprendre le sens. C'est ce à quoi pensait le prince Andréï en regardant Napoléon dans les yeux tout en se taisant.
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Comme toujours dans les soirées, elle était vêtue d'une robe au profond décolleté tant devant que dans le dos selon la mode de l'époque. Son buste, qui avait toujours semblé de marbre à Pierre, se trouvait si près de lui que ses yeux myopes découvraient, bon gré mal gré, le charme vivant de ses épaules et de son cou, à une distance si courte de sa bouche qu'il lui eût suffi de se pencher à peine pour l'effleurer. Pierre se pencha sans en avoir conscience, et il s'écarta comme effarouché ; il se sentit soudain dans l'atmosphère tiède et parfumée du corps de cette belle femme. Il ressentait la chaleur de son corps, il humait les effluves de son parfum et percevait les frottements de son corset quand elle respirait. Ce n'était pas elle qu'il découvrait, cette beauté marmoréenne qui constituait un tout avec sa robe, telle qu'il la voyait et la ressentait auparavant, mais il vit et ressentit soudain son corps qui n'était recouvert que de ses vêtements. Et dès l'instant qu'il le perçut, il ne put le voir autrement, comme nous ne pouvons revenir à une précédente illusion d'optique.
Elle se retourna, le regarda en face, faisant briller ses yeux noirs, et elle sourit. « Vous n'aviez donc pas remarqué jusque-là comme je suis belle ? semblait-elle dire. Vous n'aviez pas remarqué que je suis une femme ? Oui, je suis une femme. Et même une femme qui peut appartenir à qui voudra, même à vous. »
Pierre rougit soudain, baissa les yeux et s'efforça de la revoir comme une beauté si lointaine, une beauté inaccessible pour lui, telle qu'il se la représentait jusqu'à présent. Mais ce n'était plus possible. Il ne le pouvait pas, tel un homme qui regarde dans le brouillard la tige d'une mauvaise herbe et croit y distinguer un arbre; quand il a vu l'herbe, il ne peut plus y voir de nouveau un arbre. Il regardait et avait devant ses yeux une femme frémissante dans la robe qui la recouvrait.
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