Citations sur Maître et Serviteur (40)
La pensée de mourir cette même nuit ne lui parut ni trop regrettable, ni trop effrayante. Pas trop regrettable, parce que sa vie était loin d'être une fête continuelle, mais une servitude incessante au contraire et dont il commençait à se fatiguer ; pas trop effrayante, parce qu'outre les maîtres, comme Vassili Andréitch, au service desquels il se trouvait ici-bas, il se sentait soumis au Maître des maîtres, à celui qui l'avait envoyé sur cette terre, et il savait qu'en mourant il resterait encore au pouvoir de ce maître qui ne le molesterait pas.
À l'entrée de la rue, le vent se faisait sentir encore et soulevait la neige, mais au milieu du village il faisait calme, chaud et gai. Près d'une maison aboyait un chien ; près d'une autre, une femme, se couvrant la tête d'un manteau d'homme, accourait et s'arrêtait sur le seuil de l'izba pour regarder les voyageurs. On entendait des chants de jeunes filles.
Mourait-il ou s'endormait-il ? Il ne le savait ; mais il se sentait également prêt pour l'une ou pour l'autre chose
La pensée de mourir cette même nuit ne lui parut ni trop regrettable, ni trop effrayante. Pas trop regrettable parce que sa vie était loin d’être une fête continuelle, mais une servitude incessante au contraire et dont il commençait à se fatiguer ; pas trop effrayante, parce qu’outre les maîtres, comme Vassili Andréitch, au service desquels il se trouvait ici-bas, il se sentait soumis au Maître des maîtres, à celui qui l’avait envoyé sur cette terre, et il savait qu’en mourant il resterait encore au pouvoir de ce maître qui ne le molesterait pas.
Qu'ai-je à rester ici à attendre la mort ? J'enfourche le cheval, et en avant ! se dit-il tout à coup. Avec un cavalier le cheval s'en tirera. Quant à lui, songea-t-il à propos de Nikita, ça lui est bien égal de mourir. Sa vie n'est pas gaie, il n'en a cure.
La pensée qu'il pouvait, qu'il devait même vraisemblablement périr cette nuit, lui vint à l'esprit ; mais cette pensée ne lui parut pas très désagréable, ni trop effrayante. Elle ne lui parut pas trop désagréable, parce que son existence n'avait nullement été une fête continuelle, mais avais été au contraire une servitude incessante et dont il commençait à être las.
Il eut beau ramener sa pensée sur ses affaires, sur sa notoriété, sur sa dignité, sa richesse, la peur l'envahissait de plus e plus, et toutes ses réflexions étaient dominées par le regret de n'être pas resté pour la nuit à Grischkino.
Il réfléchissait : il réfléchissait toujours à la même chose, à ce qui constituait le but, la signification, la joie et l'orgueil de son existence, à l'argent qu'il avait gagné et qu'il pouvait encore gagner, à l'argent que possédaient d'autres gens qu'il connaissait, et aux moyens par lesquels ils avaient fait fortune et aux procédés grâce auxquels il pourrait, tout comme eux, gagner encore beaucoup d'argent.
Alors, oui, que disais-je donc ? Ah ! oui ! Que Dieu
récompense celui qui travaille, et non pas les fainéants,
les dépensiers ou les imbéciles...
Quant à Nikita, il n’avait aucune envie de se remettre en route, mais il était habitué depuis longtemps à n’avoir de volonté que celle des autres.