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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Nous sommes en 1859, à la campagne, au lendemain de l'abolition (tardive) du servage. Bazarov, jeune médecin étudiant les sciences naturelles et prônant le nihilisme, rentre chez ses parents, de petits propriétaires. Il est accompagné d'Arcade qui lui est fils de propriétaires terriens plus aisés - sans pour autant être aristocrates. Arcade Nikolaïévitch est plus jeune que son maître à penser dont il cherche à conforter l'amitié mais un bref séjour chez son père et son oncle - qui, veufs, vivent ensemble au domaine familial - suffit à lui montrer le fossé qui sépare les thèses de son ami et les pensées traditionnelles de ses parents...

Avec "Pères et fils", Tourgéniev trouve prétexte à aborder des sujets de société sensibles tel que le conflit de générations à une période charnière de l'histoire politique et économique de la Russie, ou encore l'enracinement des idées nouvelles dans un terreau aussi archaïque que celui de la ruralité russe du XIXème siècle et, comme c'est généralement le cas avec la littérature classique russe, le lecteur ne s'immerge pas seulement dans une autre dimension temporelle mais aussi dans une autre dimension sociale et identitaire.

D'un point de vue psychologique, ce roman est remarquable. En peu de pages, l'auteur brosse une galerie très complète et diversifiée de personnages masculins et féminins forts, la plupart très fouillés. Quel régal de découvrir toujours plus avant la Russie dans les différentes classes sociales qui la composaient. Je ne manque jamais de m'attendrir sur les figures les plus chétives et les plus émotives comme les parents de Bazarov, totalement inénarrables et si criants de réalisme.

D'un point de vue intellectuel, ce roman est également très intéressant. Il apporte un éclairage supplémentaire sur la pensée russe, sur ses traditions, sa spiritualité, son folklore, sa politique et son peuple. Un peuple tout en contrastes qui, à l'heure de l'abolition du servage, se révèle encore par des dictons tels que "Et tant plus le maître est exigeant, tant plus il est aimé du paysan".

A travers le parcours initiatique d'Arcade, à travers les idées nouvelles de Bazarov, à travers l'amour plus d'une fois au rendez-vous, à travers les causeries de salon et les autres rencontres qu'il ménage, ce roman apporte sa touche à une meilleure compréhension de la complexe identité russe.

Un bon témoignage de la littérature romantique russe.
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L'heure du printemps a sonné. L'hiver n'est plus. Les bourgeons, gonflés d'impatience, sont devenus ces concentrés de jeunes feuilles qui ne demandent qu'une chose: que le soleil caresse leurs extrémités afin qu'elles puissent se déployer dans le vent d'avril. Au pied de l'arbre, les moineaux, eux, piétinent les derniers petits morceaux de glace qui parsèment une flaque d'eau. Nos amis à plumes reviendront, courant de l'après-midi, prendre un bain printanier qui deviendra vite une habitude quotidienne. Ils s'en iront, ensuite, sautiller de branche en branche à la recherche de l'endroit qui les exposera le plus à la chaleur du soleil. Une fois leur duveteux plumage séché ils plisseront les yeux, satisfaits que l'hiver soit maintenant derrière eux.

Chaque année, à pareille époque, je regarde ce saisissant spectacle de la nature reprendre pleinement ses droits. Elle nous survivra quoi qu'il arrive et c'est avec une joie sans cesse renouvelée que j'admire cette grandeur qui me remet à ma juste place dans le Cosmos: celle d'un grain de sable qui ne fait que passer.

Ivan Tourgueniev aussi ne fit que passer entre 1818 et 1883. Il laissa, pourtant, une empreinte durable dans la littérature classique russe. Ces romans et nouvelles ont traversé deux siècles pour arriver jusqu'à nous et la petite analyse que je vous propose aujourd'hui est celle d'un de ses romans clés: Pères et fils.

Il faut tout d'abord situer l'écriture de ce roman dans une Russie qui est en pleine abolition du servage. Avant 1861 et la date officielle de cette réforme, les paysans russes étaient sous le joug de propriétaires qui administraient de grands domaines. Ces serfs travaillaient autant à l'agriculture de ces mêmes domaines qu'aux tâches liées à l'intérieur des bâtiments de leur maîtres et la toile de fond que l'on peut voir dans Pères et fils est celle de cette Russie-là. C'est ainsi que nous retrouvons dès l'entame du roman, un des personnages dénommé Nicolas Petrovitch Kirsanov et qui possède plus de deux cents paysans dont certains sont des dvorovi, c'est à dire des serfs employés au service intérieur. Sans avoir l'air d'y toucher Tourgueniev nous emmène dans une vie où le servage est encore bien ancré mais où l'on s'aperçoit que les lignes commencent à bouger.

Ce roman est évidemment connu pour le personnage du jeune Bazarov qui vient bousculer les certitudes des générations qui le précèdent. Sans utiliser la langue de bois, il remet en cause les faits établis, tourne ses interlocuteurs en ridicule et déconstruit ce qu'il estime être de fausses vérités. En un mot, il représente la nouvelle génération qui veut faire place neuve à coup de nihilisme:

" — Je vous ai déjà dit, mon oncle, repris Arcade, que nous ne reconnaissons aucune autorité.

— Nous agissons en vue de ce que nous reconnaissons pour utile, ajouta Bazarov: aujourd'hui il nous paraît utile de nier, et nous nions.

— Tout?

— Absolument tout.

— Comment? non seulement l'art, la poésie, mais encore … j'hésite à le dire …

— Tout, répéta Bazarov, avec une inexprimable tranquillité. "

A certains égards, le nihilisme que Arcadie et Bazarov expriment dans plusieurs passages du roman font parfois, et bizarrement, écho à une certaine société actuelle. Celle qui non seulement ne vit que par la critique et le rabaissement de l'autre mais surtout celle qui met toute son énergie à déconstruire ce qui est en place afin de repartir sur des bases “saines” mais qui, dès le terrain déblayé, s'en va un peu plus loin déconstruire autre chose tout en laissant le précédent terrain exsangue. Telles ces méthodes managériales dites LEAN mal cadrées qui se cachent derrière le poncif d'amélioration continue afin de ne pas voir que l'organisation qu'elles ont réformée est désormais une coquille vide. A ce titre “Père et fils” peut questionner notre rapport au monde.

D'ailleurs, comme l'explique le titre du roman, l'histoire est celui du face-à-face de deux générations. La plus jeune essayant de pousser l'ancienne vers la porte de sortie. Tandis que la plus ancienne table sur son expérience pour expliquer aux plus jeunes qu'ils ont encore tant à apprendre de la vie. Les deux générations se verront éclaboussées l'une par l'autre et au final personne ne sortira vainqueur de l'existence puisque c'est elle qui a toujours le dernier mot.

Enfin, il est a noté qu'une des scènes marquantes du livre est celle du duel entre Bazarov et le frère d'Arcadie. Cette épisode vient souligner avec force les différends qui séparaient ces deux générations et apporte un brin d'aventure à ce roman classique. Ce mécanisme du duel est d'ailleurs, à mon humble avis, une intelligente catharsis pour donner du relief au propos de Tourgueniev et qui n'est pas sans rappeler un autre classique de la littérature russe sorti tout droit du XIXème siècle: un héros de notre temps.
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Le choc des générations

Le mouvement nihiliste est intrinsèquement lié à la Russie et a été source d'inspiration pour nombres d'écrivains dont Tourgueniev avec ce roman.

Arcade Nicolaïevitch est de retour sur ses terres natales après des études à Saint Petersbourg. Il retrouve son père, veuf mais qui a dorénavant une concubine, et son oncle, aux manières d'aristocrate.

Il est accompagné de son mentor et ami : Barsanov. Ce dernier, nihiliste convaincu, soumet tout ce qui est considéré comme acquis à une réflexion critique.

Cette réflexion ne va pas sans se heurter aux visions plus classique du père et de l'oncle d'Arcade…

Après avoir découvert Tourgueniev à travers plusieurs de ses nouvelles, me voici plongée dans son roman le plus connu.

Celui est très intéressant dans son étude de l'opposition qui règne entre les générations. Arcade et son père s'aiment mais aucun ne peut véritablement comprendre l'autre. L'on sent le père dépassé par des pensées et des concepts alors même qu'il se targue de modernité. Cela donne des pages très touchantes.

L'amour est présenté comme un sentiment complexe mais, pour un récit qui n'est pas un roman d'amour, il semble quand même gouverner les actions des personnages.

Enfin, la condition sociale des propriétaires et des paysans est en toile de fond de ce roman. L'auteur montre les difficultés liées à l'abolition du servage, insuffisant à régler les conflits entre propriétaires et paysans.

Le tout est servi par une plume agréable et fluide.

Les personnages sont très bien construits dans ce récit même si tous paraissent un peu terne face à Barsanov, personnage aux multiples facettes avec une évolution bien menée.

Un très bon récit, à découvrir, à moins que cela ne soit déjà fait !
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De l'intemporalité du choc des jeunes générations confrontées au vécu des ainés. Ici dans la Russie du 19 ème siècle dans un monde vieillissant et peu ouvert aux idées nouvelles. le nihilisme affiché par l'un des personnages centraux sert d'illustration de cette incompréhension. Un bon aperçu de cette société russe dont les jours sont comptés.
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Dans la Russie du milieu du XIXème siècle, après l'abolition du servage, un vent de réformes souffle. Il est protéiforme, et ce roman va s'attacher à le dépeindre : d'un côté les propriétaires terriens inspirés du modèle de la "révolution libérale " britannique (Nicolai et Paul Kirsanov) et de l'autre la jeune génération "nihiliste" prête à tout remettre en question (Bazarov et Arcadi). S'ensuit un conflit de générations entre les pères et les fils. Les conflits générationnels ne sont pas si évidents que ça, et Arcadi en se détachant de l'emprise de Bazarov va clairement s'inscrire dans la lignée de son père. Des conceptions sont différentes, mais c'est ainsi que la société évolue d'une génération à l'autre.

Au delà du pitch officiel, en quelque sorte, ce roman est surtout un roman de l'amour, et souvent de l'amour non réciproque. D'une part Bazarov, le jeune héros va se rendre compte qu'il est amoureux d'une noble qui ne le lui rend pas. Lui, le nihiliste, le détaché de tout, le scientifique, va se trouver confronter à ce qu'il abhorre le plus : le romantisme ! D'autre part, il y a Paul son exact contraire qui a vécu la même situation dans sa jeunesse ...

Sinon, on est bien dans l'ambiance de la Russie des propriétaires terriens du XIXème siècle, souvent des érudits, des passionnés, des intellectuels qui maîtrisent plusieurs langues, qui pratiquent avec aisance aussi l'agronomie que la médecine. D'une qualité littéraire indéniable ce roman reste une chronique familiale avec laquelle on passe un bon moment.
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Un livre que je pourrais qualifier à la fois d'image de la Russie vers 1860 (avant l'émancipation des serfs) et d'actuel.
Un jeune homme rentre de Saint Petersbourg dans sa famille. Il est accompagné par un de ses amis, un étudiant en médecine brillant, avec une forte personnalité et des idées nihilistes. Ce dernier aura du mal à s'acclimater dans la famille de son ami. Ils partent à la rencontre d'autres personnes, s'entichent de jolies dames et arrivent finalement dans la famille du médecin. Là aussi, ils auront du mal à ne pas être en décalage avec les « anciens ».
Au fil des pages, on voit les amis qui se séparent intellectuellement, leurs distances par rapport à leurs parents puis le rapprochement progressif. au travers du mariage de l'un et de la mort prématuré de l'autre par le typhus.
un beau tableau sur une Russie éclatée entre les « conservateurs » et les tendances modernes qui arrivent. Une fresque actuel aussi où pères et fils ne se rapprochent que tardivement par le mariage ou le métier (la médecine ici).
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Instantané de la société Russe au mitan du 19e siècle au moment de l'abolition du servage. A travers les relations et confrontations entre deux générations de Pères et de fils , Tourgueniev fait pourtant d'avantage que restituer et illustrer l'antagonisme d'une Russie traditionnelle et de celle qui se tourne vers la dynamique de l'Europe occidentale. Dans un style très flaubertien je trouve ou le réalisme du quotidien s'associe au lyrisme dans la peinture des personnages et de leurs affects, il parvient à dépasser le clivage annoncé , à faire bouger les lignes pour saisir le mouvement circulatoire qui anime les personnages, du nihiliste revendiqué , soudain saisi d'une fièvre amoureuse, du Koulak attaché à ses valeurs mais porté par un élan volontariste au contact rapproché de la nouvelle génération . le seul regret que l'on pourrait éprouver c'est que ce très beau récit , plein d'un subtil équilibre entre le prosaïsme de la ruralité et le souffle puissant des attachements, se réduise à un si court format , même si son hors-champ continue à nourrir note imaginaire
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Au-delà de son intérêt historique, ce livre est aussi un beau roman, dont la valeur esthétique nie le nihilisme de son héros Bazarov : la composition, aussi dramatique que romanesque, et le cadre pastoral en sont certes désuets, mais il s'y déploie une naïve et palpitante ambiguïté. Cette dernière enrichit le solitaire et matérialiste "fils" choisi par Tourguéniev et ceux qui, sans le faire exprès, l'emporteraient presque : les vieux libéraux démocrates ou les jeunes et touchants romantiques, d'une aristocratie désargentée d'un autre âge.
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En 1856 en Russie, Bazarov, médecin d'une trentaine d'années adepte du nihilisme, voyage avec un camarade plus jeune que lui, Arcade Pétrovitch, fils d'une famille de propriétaires terriens, fasciné par son aîné et donc influencé par ses idées. Ils rendent visite à leurs familles respectives et fréquentent quelques mondanités et femmes réputées pour leur ouverture d'esprit. Outre les chocs de cultures entre générations et classes sociales, l'auteur présente les rapports complexes entre ses personnages et leurs états d'esprit.
Après avoir adoré "Premier amour" et "Deux amis", j'ai été un peu déçu par ce livre, plus long. Peut-être en ai-je trop hachuré la lecture ? L'écriture de Tourgueniev est en effet aussi précise et agréable que dans les oeuvres pré-citées, en particulier pour les descriptions. La préface annonce trop les événements du roman, il est préférable de n'en prendre connaissance qu'après, et on peut même s'en dispenser, tant elle est absconse. En outre, les annotations de l'éditeur, souvent intéressantes, mais parfois superflues, sont vraiment contraignantes à consulter, car en fin d'ouvrage et mal numérotées.
Un roman à lire si vous vous intéressez à l'Histoire de la Russie et aux idées de l'époque.
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Après avoir lu plusieurs romans de Dostoievski, je souhaitais continuer à découvrir d'autres auteurs russes mais sous des formats plus courts : « Pères et fils » de Tourgueniev correspondait alors. Ce roman met en scène la rupture générationnelles entre des pères devenus au fil des ans conservateurs et des fils férus d'idées nouvelles et reste donc très contemporain.
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