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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ivan Tourgueniev, Pères et Fils (1863)

Pères et Fils (en russe Отцы и дети, littéralement Pères et Enfants), une des oeuvres phares de Tourgueniev, a été traduit en français par l'auteur lui-même et par Louis Viardot. Ce roman social déclencha de vives polémiques car il décrit avec réalisme le conflit entre la vieille et la nouvelle génération aux idées opposées, c'est-à-dire entre les adversaires farouches des réformes, les réformistes partisans d'un libéralisme évolutif à l'anglaise, et Evgueni, un jeune radical pour lequel Tourgueniev crée le terme nihiliste parce qu'il refuse toute autorité, n'obéit qu'à sa propre loi et de manière destructrice, renie en bloc l'art, la famille, l'amour et la religion, mais il sera le premier à être détruit.

Le roman se passe à la campagne, en 1859, époque charnière de l'histoire de la Russie, deux ans à peine après l'abolition du servage par Alexandre II, le tsar qui a régné de 1855 à 1881, année où il a été assassiné par des révolutionnaires au moment où il se préparait à octroyer une constitution et à libéraliser davantage encore le régime. Cet attentat a provoqué un retour en arrière de son successeur, Alexandre III, et un virage particulièrement funeste pour le destin de la Russie et des Romanov. le personnage de Bazarov a inspiré Fiodor Dostoïevski dans son roman Les Démons pour la peinture de la jeunesse nihiliste, notamment à travers le personnage de Stavroguine. Ce roman est en partie autobiographique, puisque Tourgueniev a vécu toute son enfance à la campagne, où il a été choqué par la condition misérable des serfs qu'il voyait autour de lui.
Au début du roman, après trois ans d'absence, Evgueni (Eugène) Bazarov, futur médecin gagné au nihilisme durant son passage à l'université, regagne son village natal et la maison de ses parents, petits propriétaires, accompagné de son ami Arkadi Kirsanov, fils de propriétaires un peu plus aisés, et un moment son disciple admiratif. Evgueni, le personnage central du roman, prône un renversement politique avec un discours aussi radical sur le fond qu'arrogant et intolérant dans la forme («Je ne partage les idées de personne»), et c'est ce qui séduit d'abord Arkadi avant de le décevoir, car Evgueni parle et mais réalise rien. Il rejette tout ce qui permet le vivre-ensemble, en contraste avec les idées nuancées et constructives d'Arkadi qui finit par prendre ses distances, et avec celles des père et oncle de ce dernier, les frères Kirsanov.

Arkadi le convie un jour à un bal. Evgueni qui n'a que mépris pour l'amour et pour les femmes, tombe amoureux d'une jolie veuve fortunée, Anna Odintsova, qui l'invite dans sa propriété. Mais il n'éprouve pas de réelle affection, ce qui ne peut le mener qu'à l'échec, en même temps que cet évènement perturbe sa théorie qui rejette les sentiments. Il se plonge alors dans des recherches scientifiques au cours desquelles il se blesse. Il ne se soigne pas, la plaie s'infecte, et le typhus l'emportera. Confronté à la mort en disséquant un cadavre comme médecin, il réalise la vanité de son existence et s'écrie «Moi, utile à la Russie ? Non, mais un boucher, un cordonnier, un tailleur, oui». C'est encore le thème de l'homme de trop.

Le roman confronte pour le lecteur les idées sociales d'Evguéni, d'Arkadi et de leurs parents. le père du premier, Vassili Bazarov, propriétaire d'un petit domaine agricole, reste globalement fidèle aux idées traditionnelles, plus par habitude que par conviction, tandis que sa mère, la pieuse et réaliste Arina, est partagée entre l'amour de son fils et une inquiétude certaine devant ses discours destructeurs. C'est elle qui interpelle son mari en ces termes «Qu'y faire, Vassili ? Un fils est comme un morceau qui se détache… et nous deux sommes comme deux petits champignons dans le creux d'un arbre. Nous resterons là fixés pour toujours, l'un près de l'autre, moi sans changer pour toi, et toi sans changer non plus pour ta vieille femme».

Arkadi Kirsanov, l'ami d'Evgueni Bazarov, est d'abord perméable à ses idées, mais à l'issue d'une sorte de parcours initiatique, finit par rejeter son radicalisme, préférant l'acquis des réformes, mêmes lentes, au rêve incertain d'un futur violent. Tourgueniev décrit avec beaucoup de finesse l'amitié entre ces deux jeunes issus de milieux sociaux différents, et qui partagent le même idéal avant de voir leurs chemins diverger.

Le père d'Arkadi, Nicolaï Kirsanov, veuf timide a concrétisé ses convictions démocrates en offrant la liberté à ses serfs deux ans avant l'abolition du servage, mais n'a pas encore poussé le modernisme jusqu'à épouser sa maitresse, Fénetchka, une femme du peuple qui lui a donné un enfant. Ce sera pour la fin du roman, Tourgueniev abordant ici brièvement, comme dans d'autres oeuvres, le thème de l'amour entre personnes de classes sociales différentes.

Ce Nicolaï qui attend avec impatience le retour de son fils parti il y a trois ans, a un frère, Pavel (Paul), libéral opposé aux idées extrêmes du jeune Bazarov à qui il dame le pion plusieurs fois. C'est le plus proche des idées de Tourgueniev, adversaire de toute violence.

Contrairement à Evgueni, Arkadi trouvera le bonheur en épousant la soeur cadette d'Anna, la calme et douce Ekaterina (Katia). Les autres iront aussi vers leur destin. Pavel partira en voyage, Nicolaï épousera la mère de son enfant, et Anna se mariera à Moscou.

Roman à thèse en filigrane, Père et fils est davantage un roman de moeurs décrivant le pouls et le rythme lent de l'identité russe au 19ème siècle. Au-delà des conflits générationnels, Tourgueniev y brosse un tableau réaliste des mentalités et traditions des différentes classes sociales, des paysages de la ruralité de l'époque, de l'atmosphère des causeries qui animent les salons aristocratiques, et d'événement gais ou tragiques comme un bal, une conversation près d'une meule de foin voisine de la maison de Bazarov, ou un duel au pistolet entre Pavel et Evgueni. En cela, il est proche des autres grands auteurs russes de son temps, et notamment de Pouchkine, Tolstoï et Dostoïevski. Tous ses personnages sont décrits avec une grande pénétration psychologique, y compris Evgueni pris entre ses fanfaronnades et ses doutes, situation qu'on retrouve dans d'autres oeuvres du romancier, et qui ont fait parler d'hamletisme et de donquichotisme.

Tourgueniev cite plusieurs dictons qui reflètent l'esprit de cette époque, comme "Plus le maître est exigeant, plus il est aimé du paysan". Les contrastes sont permanents entre pères et fils, propriétaires et serviteurs, conservateurs et progressistes, slavophiles et occidentalistes, idéalistes et matérialistes,…

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COUP DE COEUR

« Une demi-heure plus tard, Nicolas Pétrovitch descendit au jardin et se dirigea vers la tonnelle qu'il aimait tant. de tristes pensées l'assaillaient. C'était la première fois qu'il prenait clairement conscience de la distance qui le séparait de son fils ; il pressentait qu'avec le temps cette distance ne ferait qu'augmenter. »

Voilà un excellent roman du XIXème siècle : une histoire rondement menée, du rythme, des sentiments forts, des débats passionnés et une critique de la société russe féodale. On y aborde des thèmes universels, car derrière la question du conflit des générations se trame une multitude d'autres thèmes, l'amitié, la confrontation du romantisme et du matérialisme, le libre arbitre de l'homme peu instruit, la vanité de la vie humaine, ... Et aussi des paysages russes, des steppes et des prés fleuris où l'on herborise et en filigrane, une société russe - et occidentale globalement, Tourgueniev étant peut-être le plus occidental des Russes de son époque, ce qui probablement en facilite sa lecture – en pleine mutation.

Et aussi des personnages très attachants : Bazarov le nihiliste qui pense qu'un « honnête chimiste est vingt fois plus utile que n'importe quel poète. » et qui révèlera petit à petit toute sa fragilité, le jeune Arcade, en qui au final « il n'y a ni témérité ni colère, seulement l'audace de la jeunesse, la fougue de la jeunesse ; […]vous autres nobles, vous êtes incapables de dépasser le stade de la noble résignation ou de la noble indignation, or cela c'est du vent. » , son oncle dandy qui a « gardé une sveltesse juvénile et cet élan vers le haut, loin des choses terrestres, que l'on perd, en général, passé vingt ans ».

Et la sublime Madame Odintsov, belle et riche veuve qui s'ennuie dans son domaine, un ennui métaphysique qu'elle met à l'épreuve dans ses discussions avec Bazarov, « un homme avec lequel on a plaisir à parler … on croit marcher au bord d'un précipice. D'abord on a peur, et puis l'audace vous vient on ne sait d'où. ».

À noter aussi les apartés de l'auteur, tout à fait innovantes à l'époque, qui n'hésite pas à parler en son nom propre, à prendre un peu de recul avec le récit et les personnages. « le maitre soupira et s'assit sur un banc. Présentons-le au lecteur, tandis qu'il attend, là, les jambes repliées sous son siège, le regard vagabond et pensif ».

Bref un roman moderne et universel. A lire et probablement à relire à différents âges de la vie.
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Ce court roman de Tourgueniev nous émeut très vite, par son sujet: la filiation et l'amour filial. Deux amis: Arcade et Bazarov rendent visitent à leurs pères à la sortie de l'université. Dans un premier temps, ces fils sont attendus comme des rois, ils sont la chair de ceux qu'ils les ont fait naître. Les pères débordent d'affection et de tendresse pour leurs garçons même s'ils ont conscience d'être dépassés par des raisonnements ou de nouvelles idées qui se font jour à cette époque là comme le nihilisme.
Mais très vite, Tourgueniev nous fait percevoir comme ses fils qui auraient tendance à rejeter l'affection de leurs pères, voire les taxer de sentimentalisme ou de sensiblerie sont très attachés à ces mêmes pères.
Le roman monte en puissance dans la description et l'évocation des sentiments filiaux qui lient bel et bien ces hommes.
À cela s'ajoute, l'amour, l'amour pour les femmes. Et, c' est assez poignant de voir notre brave nihiliste: Bazarov rejeter l'amour au début comme une vulgaire tocade. Les femmes, pour lui, sont des distractions tout au plus.
Il lui faudra attendre son agonie pour avouer à une femme qui l'aimait, mais trop tard.
La complexité des liens amoureux, l'amour impossible, haineux, tendre est parfaitement maîtrisée dans l'écriture de Tourgueniev.
S'ajoute à cela, ces descriptions d'une nature grandiose, qui offre à chacun le meilleur, qui peut y rester insensible ?
Bref, un beau et bon roman que je vous recommande sans modération.
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Cette histoire m'a profondément ému, par la simplicité de son sujet et par la beauté de son style d'écriture.
Dès les premières lignes, l'auteur nous emmène dans cette magnifique campagne russe du XIXème siècle. Grâce à ces magnifiques descriptions, je me suis sentie vraiment là-bas : je déambulais dans le domaine familial des Kirsanof ; j'étais confortablement installée dans le salon de Mme Odinstof ou allongée dans la meule de foin près de la maison de Bazarof...
Le récit est simple, mais difficile à résumer si on ne souhaite pas dévoiler la fin. Beaucoup de thèmes sont évoqués dans ce récit avec une délicatesse et une subtilité que j'ai rarement vu :
- l'amitié, ce lien merveilleux qui rapproche deux jeunes hommes, issus de milieux sociaux différents, mais qui partagent les mêmes idéaux. Cette amitié connaît des moments de bonheur mais aussi des rivalités, et résiste parfois mal au temps et aux choix individuels.
- la jeunesse, cette époque de la vie où tout n'est qu'insouciance, nouvelles idées révolutionnaires et projets fantaisistes. J'ai aimé leur fraîcheur, leur naïveté et leur aplomb. Pourquoi ne pas aller séjourner chez une veuve qui a mauvaise réputation pendant plusieurs semaines ? Ou aller à un bal dans une lointaine commune ? Ou voler un baiser à une femme?
- l'amour inconditionnel des parents pour leurs enfants : c'est la partie qui m'a le plus ému. Je n'ai pas encore d'enfant mais l'auteur a su transcrire ce sentiment avec une vérité et une sensibilité exceptionnelle. Comment ne pas être touché par l'impatience de Nicolas Kirsanof qui attend son fils ? Ou la joie des parents de Bazarof qui le revoient au bout de trois ans ? Et leur déception lorsque leur fils les quitte pour on ne sait quel projet ? Voici un des passages les plus beaux du livre : « Qu'y faire, Vassili ! un fils est comme un lambeau qui se détache ; c'est un jeune faucon ; il lui plaît de venir et il arrive ; il lui plaît de repartir et il s'envole ; et nous deux, nous sommes toi et moi comme deux petits champignons dans le creux d'un arbre ; placés à côté l'un de l'autre, nous restons là pour toujours. Moi seule je ne changerai pas pour toi, comme toi tu ne changeras pas pour ta vieille femme ! »
- le sens de la vie: faut-il mener sa vie comme les générations passées l'ont toujours fait ou s'émanciper de leur schéma ? Qu'est-ce qui rend le plus heureux : est-ce l'amour ? la famille ? la fortune ? les idéaux ?
Le style d'écriture est MAGNIFIQUE, clair, limpide, doux. Les mots me manquent pour vous dire à quel point tout est beau. La fin est splendide, avec un jeu de parallèles saisissant entre la vie et la mort.
Conclusion : à lire de toute urgence !
Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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Voila un livre comme je les aime;avec une histoire familiale,des descriptions et des discussions inter-generationnelles;des echanges de points de vue,et se dire que tout cela passait pour la modernite du 19e siecle.
J'aime...L'evolution des idees et des moeurs ont beaucoup a nous apprendre;c'est toute une histoire;un autre point de vue et tres interessant a connaitre
Tres beau livre,plein de richesse familiale et philosophique du quotidien et de l'evolution des idees
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Pères et fils. Roman, 1862
Yvan Tourgueniev

Bien vu Mr Tourgueniev, cette oeuvre est magistrale et tombe à point nommé pour mettre en évidence dans les années 1860, la naissance des mouvements subversifs en Russie et le fossé qui va grandir entre la tradition parentale et la jeunesse issue de l'université qui se gargarise d'idéal et de changement radical. Il explique bien aussi, les nuances des différentes tendances qui vont animer ces soubresauts avant-coureurs de la révolution russe. Il n'y aura rien de monolithique si ce n'est du côté d'Alexandre II qui fait bloc face à toute idée de nihilisme notamment, concept né dans ces années là et que développe bien l'auteur russe qui est considéré alors comme le grand romancier de la Russie. C'est donc au fait de sa gloire que paraît cet ouvrage capital qui est un roman avant tout puisqu'il met en scène une série de personnages qui vont s'opposer notamment de génération à génération.
Pour les amateurs de littérature russe : indispensable de lire Pères et fils.

Tourgueniev qui était un parfait francophone donna son aval à la première traduction française de Pères et fils parue ne 1863.

On ne craint pas de trouver trop de concurrence à cette époque là, milieu 19e siècle issue des milieux littéraires aristocratiques russes (*). Aussi le dessein de Tourgueniev se profile clairement à la lecture sans crainte de confusion et on peut ainsi admirer son talent.

On ne se rend peut-être pas bien compte de ce moment-là mais les illustres aînés de Tourgueniev : Pouchkine et Gogol sont morts déjà depuis une génération pour l'un et d'une bonne dizaine d'années pour l'autre. Ainsi Tourgueniev fit figure de troisième géant littéraire dans la Sainte Russie en considérant évidemment la petite Russie pour Gogol. On n'oublie pas évidemment Dostoïevski qui n'est pas issu de l'aristocratie et dont le succès ne va pas tarder à apparaître avec notamment Crime et châtiment dans les années qui suivirent .. On peut noter alors qu'un géant est en train naître qui lui est bien issu de l'aristocratie russe qui va être le chouchou de Tourgueniev et qui s'est déjà fait connaître avec deux oeuvres majeures ; Enfance et Récits de Sébastopol, il s'appelle Léon Tolstoï ..

(*) Cet index indique juste qu'à l'époque , il n'y avait guère que les gens issus de milieu aristocratique qui pouvaient se permettre d'écrire des romans et n'a pas de valeur qualitative. Il faudra attendre Dostoïesvski pour ouvrir ce privilège, et encore on sait au prix de quelles conditions, notamment quand il écrivit Souvenirs de la maison des morts et l'Idiot. Ce dernier se plaindra toute sa vie et nourrira quelque jalousie tenace vis-à-vis de ses confrères de ne pas avoir bénéficié d'un confort relatif pour engager sa carrière d'écrivain. Qui plus est, son positionnement politique lui valut quelque ostracisme et censure. Tchékhov et Gorki suivront sur le chemin de la dure réalité quand la classe sociale ne jouait pas en leur faveur. On peut se demander d'ailleurs à cet effet quand la démocratie jouera pour les écrivains russes quand on remarque les lavages de cerveau entrepris sur les écrivains soviétiques qui n'avaient d'autre choix que de montrer patte blanche au régime des bolcheviks. Léonid Andréiev aussi suivra, je ne suis pas un spécialiste, mais dans quelle mesure cela n'a pas entrainé son suicide qui ne fut pas la seule à mon humble avis ..


31 juillet 2022
J'ai lu quelque part que Pères et fils traite autant de relations amoureuses que de rapports filiaux, mais comme Ivan Tourgueniev excelle dans ce domaine, il aurait tort de s'en priver à l'occasion ; et pour aller jusqu'au bout de cet aparté, le grand auteur russe évoque un changement politique inédit dans la transmission de pères à fils qui se perpétuait au fil des générations avec un mimétisme constant : une tradition de pères à fils. Au milieu du 19e siècle russe, on voit apparaître un fossé dans l'élite où germent des mots comme nihilisme, chez les étudiants des vues subversives, progressistes.. Alors qu'un convervatisme de bon aloi s'étend sous Alexandre II appelé le "libérateur". Ce fossé générationnel ne va pas manquer de s'affirmer et va alimenter subséquemment la révolution. Dans Pères et fils on parle de ça avec beaucoup d'à-propos, c'est aussi tout l'intérêt du livre
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Ce roman met en scène toute une mosaïque de personnages ayant des opinions différentes sur la nécessité de réformes sociales dans la Russie de l'époque, depuis les ultra-conservateurs jusqu'aux révolutionnaires, en passant par les réformistes prônant une évolution progressive à l'anglaise, et sans violence, ce qui est la position de Tourgueniev. Tout cela reste singulièrement actuel. On retrouve cet éventail d'opinions dans la plupart de nos pays aujourd'hui. Babounette a fait un excellent résumé du roman.

On pourrait attribuer à Tourguéniev la célèbre phrase de Benjamin Constant : «Ne soyez ni obstinés dans le maintien de ce qui s'écoule, ni trop pressés dans l'établissement de ce qui semble s'annoncer», ou la célèbre phrase du Roi Baudouin de Belgique que je cite plus librement: "pas d'atermoiements funestes ni de précipitation inconsidérée". Eternel dilemme.
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Nous sommes au printemps 1859.
Le jeune Arcade Kirsanov, fils unique, vient de terminer avec succès ses études à l'université de Saint-Pétersbourg.
Il retrouve son père Nicolas sur la route vers la propriété familiale.
Nicolas Kirsanov, veuf, est un propriétaire terrien aux idées libérales et partisan de l'émancipation qui a partagé ses terres avec ses paysans (ce qui lui procure de nombreux soucis). En ce jour de printemps, il se réjouit du retour de son fils qu'il n'a pas vu depuis 3 ans.
Arcade est accompagné d'un camarade, Eugène Bazarov, étudiant en médecine un peu plus âgé que lui. Bazarov est d'origine modeste. C'est un garçon provocateur, partisan du mouvement nihiliste, qui « rejette toute autorité et rêve de faire table rase du passé. » « Sa force de caractère et son intelligence ont subjugué Arcade » qui se place en disciple. L'entente tant espéré par Nicolas avec son fils ne sera peut-être pas aisée à installer. Les deux jeunes gens vont se confronter en effet à Nicolas et à son frère, Paul, ces derniers représentant les « pères » de la Russie d'alors, les enfants, les « fils », annonçant le mouvement pré révolutionnaire.
Nous assistons ainsi à un véritable conflit de génération (le roman fera scandale à sa publication car aborde un tel conflit pour la 1ere fois).
Lors de ce printemps 1859, les deux jeunes gens vont également connaître l'amour.
De cette confrontation avec l'amour, Bazarov ne sortira pas vainqueur…

Ce roman est un véritable chef-d'oeuvre.
« Publié en 1862, un an après l'abolition du servage, le livre incarne le passage de l'ancienne à la nouvelle Russie avec ses espoirs et ses désillusions. »
« Ce roman filial qui se lit comme une fable, une fable qui le temps d'une saison fait vaciller les certitudes », se déroule quasi exclusivement dans la campagne, une campagne russe qui n'est jamais seulement un décor. Bazarov en est la figure centrale et il est un personnage passionnant.
Tourguéniev est considéré comme un des maîtres du « roman russe », pionnier dans ce domaine, et « Pères et fils » est considéré comme son roman le plus abouti du point de vue de la structure romanesque (mais je suis tout de même très curieuse de ses autres romans que je vais lire).
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Un livre en appelle un autre : dans Un roman d'amour et de ténèbres d'Amos Oz, la mère du narrateur se réfugie dans les romans de Tourgueniev.
Oui, il est doux de trouver refuge dans ce livre.
Un duel ; un début d'idylle, « cet état délicieux où l'amour et l'innocence habitent le même coeur » [comme l'avait bien dit JJ Rousseau]. Des débats d'idées dignes d'un travail de rédaction philo : « l'honnêteté même ne serait qu'une sensation ? ».

Le fil rouge reste la filiation et le rapport entre générations : les aînés vouent un amour inconditionnel à leurs fils ; les jeunes sont souvent dans la confrontation. Des portraits très réussis, une histoire qui sonne juste. Tout ceci reste intemporel.
Pour revenir brièvement sur le débat philosophique : l'auteur raille gentiment la radicalité d'un de ses héros, Eugène Bazarov, un empêcheur de tourner en rond, un type charismatique et intransigeant. Bazarov le nihiliste est au centre du roman.
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J'ai été fils, je suis père et grand-père et les questions posées par ce roman socio, psycho philosophique sont enrichissantes. Que transmettre ?
De plus, il est intéressant de mettre en parallèle ce livre avec "Le guépard" de Tomasi de Lampédusa. En Sicile, les pères n'ont pas peur de la jeunesse parce qu'elle porte un message "Tout change pour que rien ne change !"... En Russie tsariste, le discours est plus radical, n'est -il pas ??? et L Histoire a montré la suite...
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