Houlà, un crash aérien ?
Une histoire de jeune veuf au bout du roulot, mi-poivrot mi-dépressif, asocial et miné par un climat familial délétère ?
T'es sûr de ton coup, comme ça, à froid, juste avant la rentrée ?
Y'a pas plus léger pour conclure ce mois d'aôut en douceur ?
Bon, j'ai ouï dire que
Tropper sait y faire, que son style ne manque pas de piquant et que le calvaire de Doug (le jeune veuf sus-mentionné passé maître dans l'art de l'autoapitoiement) n'est finalement pas si noir qu'il n'y paraît, alors je tente quand même le coup...
Et là surprise : immédiatement c'est la franche rigolade !
Perte et Fracas, c'est en vrac des dialogues mordants, du rythme, des situations aussi improbables que désopilantes, des gags à n'en plus finir... C'est aussi et avant tout des personnages hauts en couleur, tous plus ou moins fêlés (et par là même attachants !) qui offrent un vrai relief humoristique sur cette toile de fond résolument dramatique et font ressortir par contraste toute la violence de l'épreuve endurée par notre pauvre Doug.
Pour façonner ainsi d'une main la plus cruelle des tragédies, et pour manier de l'autre une plume si drolatique, il faut à n'en pas douter une adresse hors du commun, et dans le rôle du génial ambidextre,
Jonathan Tropper est parfait !
Il propose là un mélange des genres étonnant et culotté, mais plutôt très bien maîtrisé, qui m'a agréablement surpris en me sortant un peu de mes lectures habituelles.
Son narrateur, brisé de chagrin mais doué d'un prodigieux sens de repartie, reste capable malgré l'épouvantable malheur qui l'assaille de traits d'esprits décapants !
Chacune des ses répliques fait mouche, et à travers lui l'auteur n'hésite pas à égratigner dans les grandes largeurs la middle-classe américaine dont il dresse une caricature acerbe et jubilatoire.
Même s'il est vrai que le roman semble d'abord un peu léger, avec son ton parfois cru et ses personnages déjantés aux obsessions essentiellement lubriques, il délivre sous ses dehors de vaudeville moderne quelques vérités bien senties, pleines d'un humour caustique et désespéré qui bien souvent s'avère être le plus efficace.
En bref, voilà une farce tragique très réussie, riche en rebondissements coquins et cocasses, qui joue habilement et sans prise de tête sur des registres très différents.
L'histoire (peut-être pas si bêbête que ça ?) d'un homme à brisé et d'une reconstruction qui s'amorce ("Il y a quelque chose de très beau dans le chagrin, tu vois ? Comme si le deuil était une chrysalide et que lorsqu'on tournait la page, on renaissait sous la forme d'un beau papillon"), l'histoire d'une peine immense désamorcée par le rire...
Une chouette lecture de fin de vacances, quoi !
Qui l'eût cru ?