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Citations sur La Rouquine et autres contes fantastiques (6)

Je m'appelle Dominique Fauchois. Je ne suis pas fou. Et je le regrette. Il y a, chez les fous, une liberté de grand style vis-à-vis du monde extérieur et de ses conventions, qui est admirable. Un fou a son monde propre. Un homme normal a le monde de tout le monde. Le fou règne seul dans un univers adapté à sa folie. L'homme normal subit un univers que d'autres ont créé pour lui. Le fou est à l'homme normal ce que le propriétaire d'un pavillon particulier est au locataire d'une chambre d'hôtel. Tout cela est très clair pour moi. Cependant, je conçois bien que, pour d'autres, cela peut paraître extravagant, ou banal, ou inutile. Mais l'opinion des autres m'indiffère.
(Maldonne)
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Il faisait chaud. Les petits ânes trottaient sec. Des carrioles bondées s'emballaient dans un essaim de mouches blondes. Quelques piétons pressaient le pas, s'interpellaient à tue-tête. Il y avait même des paysans endimanchés qui poussaient leur femme en brouette.
A l'entrée du village, une banderole d'andrinople claquait entre deux piquets de bois blanc :
FOIRE DE LAGRAULIERE
Année 1670
(La Rouquine)
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(...) je décidai de passer à la mairie pour expliquer mon cas aux employés chargés de la tenue des registres de l'état civil. Mais, comme je pénétrais dans la salle, où des commis feuilletaient de gros livres noirs et manipulaient des cachets et des fiches innombrables, une appréhension soudaine me serra le coeur. Je sentis que ces cocos-là étaient habitués à considérer l'existence humaine sous l'aspect d'une série d'inscriptions de dates et de noms. Pour eux, les êtres vivants n'étaient que des matricules, des boucles calligraphiées, des traits de plume. Le mystère admirable de la création se ramenait à une opération comptable. Les joies, les misères, les espoirs des hommes se réduisaient à une règle de trois. Naissance, Mariage, Décès. Dupont ressemblait à Durand. Durand à Duval. Et Duval à Fauchois. Il y avait une loi commune pour tous les mortels. L'exceptionnel n'était pas une notion administrative. Admettre l'exceptionnel, c'était nier l'Administration.
(Maldonne)
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Les Dupont-Marianne étaient philanthropes de père en fils, depuis quatre générations. Comme ses aïeux, Achille Dupont-Marianne, dernier surgeon de cette forte race, aimait ses semblables et s'efforçait de soulager leur sort. En vérité, il était plus généreux encore qu'aucun de ses ancêtres, car, contrairement à leur exemple, il ne s'était pas marié. Et nul n'ignore qu'un philanthrope actif se doit d'être célibataire. C'est une condition inexplicable et nécessaire de cette noble vocation. On ne sut jamais si c'était le goût de la philanthropie qui avait fortifié Achille dans ses idées de célibat, ou si c'est le célibat qui lui avait donné le goût de la philanthropie. Toujours est-il qu'Achille Dupont-Marianne était philanthrope avec frénésie, avec rage. Sa vertu avait la violence d'un vice. Il lui fallait des hommes à sauver, comme à d'autres des femmes à perdre.
(Le philanthrope)
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Ce souvenir remonte au temps de mon service militaire. Je revenais de permission. Le train s'était arrêté dans une gare inconnue et l'on entendait rouler des chariots.
Au coup de sifflet, la portière du wagon s'ouvrit d'une volée et deux soldats se hissèrent dans le compartiment. Coiffés de képis "fantoches", vêtus de capotes lourdes et raides, chargés de musettes obèses, de paquets ficelés à la diable et de bidons baveux, ils demeuraient là, debout, clignant des paupières, à la clarté jaune des lampes. L'un d'eux, m'avisant, porta une main molle à son oreille et grommela un : "Yeutenant" de pure forme. L'autre balança son barda d'un large coup d'épaule sur la banquette. Les sacoches bourrées s'écroulèrent avec un bruit glorieux. Un vieux monsieur, qui somnolait dans son coin, se réveilla et fit "Ah!" comme si on l'avait frappé en plein ventre.
- Excuse, dit le soldat.
(Le sortilège)
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Ferdinand Pastre s'éveilla au petit jour et sentit, avec une précision intense, qu'il avait envie de se gratter le nez. Les volets clos maintenaient dans la chambre une obscurité puissante et casanière. Une horloge vivait à petits battements ennuyés dans le couloir. Un robinet mal vissé pleurnichait dans la salle de bains voisine. Ferdinand Pastre renifla voluptueusement l'air chaud et viril de la pièce et porta un doigt paresseux à la narine qui lui démangeait. Mais le doigt, mal dirigé sans doute, ne rencontra que le vide. Ferdinand Pastre grogna un juron limoneux et approcha de nouveau sa main engourdie de son visage. Et, de nouveau, la main se referma sur une absence épouvantable d'appendice nasal. La peau, les cartilages, l'ossature de cette excroissance plastique, dont il tirait une juste vanité, avaient fondu comme une vapeur matinale au souffle de la brise. Le nez de Ferdinand Pastre n'existait plus. A la place de son nez, il y avait ce trou, cette plaie indolore, cette petite vrille d'air libre et de transparence où son bras plongeait et remuait jusqu'au coude.
(Le guéridon)
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