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3,28

sur 93 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Attirée par le titre curieux et le nom de l'auteure ( j'avais envie de la découvrir ) , je me suis lancée...et la lecture s'est révélée jubilatoire!

Un univers déjanté comme je les aime, au fin fond du Middlewest, des personnages hauts en couleurs et un peu fêlés, " ça aurait été crêle de pas en profiter ", touré ! Excusez-moi, je me suis trop imprégnée des expressions locales...

Pour vous mettre en appétit, voici un assortiment à grignoter ( pas du pop-corn, en tout cas!) : un vieux fauteuil de barbier qui sert de confessionnal, un" supermarché " qui n'en est pas vraiment un et dont la devise minimaliste de vente est " manger, se laver et trucider les mouches", le propriétaire, Tom, à la fois poète ( il écrit des haïkus à propos de ses clients) et psychanalyste (d'où le fauteuil, vous suivez toujours?)

J'ajouterais un hypermarché construit en face pour narguer Tom et l'entraîner dans la faillite, Emily Dickinson, non, pas la femme de lettres, une autre, vous décrochez, pas vrai? C'est normal! Et il y a , trônant au-dessus de tout cela, le Pierrier, la montagne noire, poussière, chaleur, cailloux, ouh! " Touré de zate de coye!"

Mais ne vous arrêtez pas qu'au côté loufoque, humoristique du livre, qui peut parfois devenir lassant. Car l'auteure épingle ici de nombreux travers de la société américaine contemporaine : les conditions de travail déplorables des usines de pop-corn, la désertification des petites villes, le gigantisme des magasins, associé au consumérisme. Mais elle le fait avec malice et fraîcheur dans le ton. Et le personnage de Tom est tellement attachant!

Un roman qui ne laisse pas indifférent, assurément!
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Popcorn Melody| Pour moi, Melody, c'est une amie chanteuse sur Twitter; c'est vous dire combien ce nom sonne poétique !! | Ca commence avec un lever de soleil, ironie et déprime... Alcoolisme, Grandpa, un Indien, braque la superette de popcorn de Shellawick, il menace Tom avec une arme blanche dans l'espoir qu'il lui écrive une chanson sur le travail à l'usine... le ton général est assez caustique. Petites conversations punchy très courtes. Point bonus pour l'humour qui est encore trop rare en littérature....
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
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Émilie de Turckheim Popcorn Melody
Éditions Héloïse d'Ormesson ( 208 pages – 18€)

Trouver une citation d'Emily Dickinson en ouverture du roman au titre mélodieux, un vrai bonheur qui préfigure la rencontre avec son homonyme .

Émilie de Turckheim nous embarque Outre-Atlantique, au plein coeur du désert, à la rencontre de Tom Elliott, gérant d'un supermarché, à l'enseigne du Bonheur.
Pas facile de prospérer dans cette nature hostile qu'est le Pierrier, où « La poussière règne sans partage », impose « sa loi grise », où rien ne pousse, pas même une fleur.

Toutefois, riche de l'enseignement de son instituteur Matt,et conforté par la conviction de son professeur Takemo pour qui «  un certain manque est une bénédiction », Tom décida de fournir à ses clients la trinité suivante, de quoi « manger à sa faim, se laver, tuer les mouches », mais en rebelle, il refuse de vendre « la céréale bénie », « le divin maïs ». Va-t-il résister, vu que Shellawick se vide « comme un sablier qu'on renverse » ? Finira-t-il par « vendre des fleurs » ? ( 1)

Mais qui n'a pas rêvé de venir se détendre assis dans le fauteuil du barbier, propice à s'épancher, comme sur le canapé d'un psy ? Tom ayant l'art d'observer et d'écouter les habitués du fauteuil, les radiographie ou les croque de façon minimale, sous forme de haïkus. Il nous offre une galerie de personnages avec leur franc parler du terroir.
On croise Fleur, la muse de Tom, « l'héroïne de ses annuaires téléphoniques »
On découvre Emily, fille adoptive de Matt, férue de poésie, à l'enfance cabossée.
On remonte au passé de Tom, ce « Popcorn kid » d'un clip publicitaire, ses études universitaires , à celui de Nancy, la mère d'Emily, de Dennis, dénicheur de talents », un père « à la tête d'un empire jaune », un chien qui abhorre la vue d'un épi de maïs.

L'auteur crée le suspense quand Tom se voit remettre une enveloppe par Okomi, son premier client, celui qui lui avait extorqué des paroles , qui lui avait inspiré un poème, en début du roman. Quel mystère renferme-t-elle ? Une marque de reconnaissance.
La romancière déploie un écriture inventive, visuelle, très cinématographique,
comme ce travelling sur le « cortège de caddies enchaînés ». La précision des descriptions est telle que les images jaillissent, que ce soit pour les lieux, ou ses protagonistes. Elle recourt aux comparaisons, ainsi le visage de Tom, criblé de taches de rousseur devient sous sa plume : « le millier de clous plantés », « ce ciel d'étoiles grouillant ». le bras de Bob est « flexible comme un cou de flamand ». Elle forge des mots : « toucaneux » ou utilise des mots rares : «  enrogne ».
La poésie s 'y glisse, mais aussi la grivoiserie de certains poèmes et les réparties graveleuses. Elle personnifie les tournesols «  avec leur grand oeil brun et leur sourire de pétales », nourrie par « l'état d'euphorie animiste » de Tom.
Émilie de Turckheim jongle avec les mots d'enfants : «  Colle au radeau » pour Colorado ou prête à Tom une certaine ironie : «  Chu'riche comme les Rocs Fêleurs ».
En remontant au passé des protagonistes, à leurs ancêtres, des pans de l'histoire des USA jalonnent le récit : au XVIIIe siècle, l'extermination des autochtones en leur distribuant « des couvertures infestées par la petite vérole », la prohibition. A travers ses personnages, l'auteur relate le destin de ceux, celles qui « ont du sang ». Est évoquée la façon dont les enfants étaient enlevés de force à leurs parents, éloignés des réserves. D'où cet attachement aux amulettes, une tortue pour les filles, réceptacle du cordon ombilical, «  ce trait d'union de chair ». Anecdote qui rappelle un précédent roman d'Émilie de Turckheim : La disparition du nombril, doté du Prix Nimier.
C'est ce que vécut Mary, la grand-mère de Tom, à qui « on a volé la langue ».
Quant à Marilyn, elle s'avère révoltée par le sort des Sioux, parqués dans des réserves, leurs bisons, « animaux sacrés », massacrés. «  Tout était bon dans le bison ».
Émilie de Turckheim montre comment l'argent pouvait dissuader de porter plainte, souligne la façon déshumanisée de congédier un salarié, à l'ère de l'invasion des robots. Sam, n'est-il-pas Big Brother quand il traque Tom au supermarché ?
Cette vidéo surveillance de tous nos gestes ne gagne-t-elle pas aussi la France ?
La romancière met en exergue la lutte que doit mener Tom contre «  l'ogre d'en face », « Horn of plenty », « paradis de la consommation », du gigantisme.
Elle pointe les conséquences dramatiques qui en découlent, suicides de ceux qui sont absorbés, étouffés, conduits à la faillite, abandonnés de leurs édiles. Situation qui n'est pas sans rappeler la crise agricole et les petits exploitants avalés par les géants.

Émilie de Turckheim nous livre un récit gigogne en nous faisant suivre l'avenir du roman de Tom, à la veine autobiographique : « Vie et Mort d'un supermarché ». L'écriture comme planche de salut après « la voix des livres » illuminant son esprit.
Elle montre comment est vécue par un auteur la séparation de son manuscrit., ainsi que la difficulté de vendre son opus en quelques lignes accrocheuses. Tom avoue qu'il aurait aimé « le garder secret ». Décision prise après maints atermoiements, doutes avant de l 'envoyer aux éditeurs. Puis, l'attente angoissée d'une réponse, et enfin l'accueil par les lecteurs. Un roman n'est-il pas souvent tiré d' une histoire vraie ? Chaque vie n'est-elle pas un roman ? Tel un vampire, Tom s'était contenté d' «  épier des gens » sur le fauteuil de son père. L'auteur pointe « le pouvoir ensorcelant «  des livres , une vraie drogue, aux « plus beaux effets secondaires ».

Émilie de Turckheim signe un roman américain ample comme les grandes plaines d'Amérique, qui a des résonances avec la crise économique actuelle, qui alerte sur la « robolution », avec l'invasion des droïdes. Récit ponctué de flashback, de scènes hilarantes, servi par une écriture éclectique surprenante, d'une grande liberté de ton.

L'épilogue tonitruant, violent, digne d'une scène de western, laisse Tom dans un état second, s'imaginant poursuivi par des « Grandpas à cheval » et criblé de flèches.
On ne peut que souhaiter à «  Popcorn Melody », devenu un tube,le même avenir prometteur.
( 1) : « vendre des fleurs », « C'était l'idée qu'on se faisait de la folie ».
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« Popcorn Melody » est un joli roman très original qu'a écrit Emilie de Turckheim.
Je suis enchanté de découvrir cette jeune auteure, à la plume très pétillante et qui dans ce récit, invente une petite mine d'or de mots parfois poétiques, tendres et plein d'humour.


Emilie de Turckheim n'est pas tombée dans la caricature de ses personnages qu'elle décrit avec tendresse. C'est une belle galerie de portraits très colorés, profonds, attachants et pour certains loufoques et drôles que j'ai trouvé dans ce récit.


L'auteure s'est mise dans la peau de ce rouquin de Tom, le personnage central du roman. Un peu rêveur, il écrit des poèmes et aime en secret d'un amour impossible la belle Emily.
Emilie de Turckheim a situé son histoire à Shellawick, un petit village paumé et déserté du Midwest, un un lieu où les blancs ont détruit les civilisations indiennes et ont parqués le restant des indiens.


Tom, après la mort tragique de son père le barbier du village, a ouvert une superette « le Bonheur » pas tout à fait comme les autres et vivote en vendant des produits des plus divers, de l'alimentation, au ruban tue-mouche.
Il est aussi le seul qui a suivi des études universitaires, ce qui lui a permis de ne pas déserter son bled des sables brûlants du « le Pierrier » et de ne pas rejoindre comme beaucoup, l'usine de popcorn Buffalo Rocks.
Tom n'est pas seulement de patron de son épicerie, il est aussi l'oreille attentive, il est le confident de ses clientes et clients. Tous les habitants de ce « trou » qui, sous le prétexte d'acheter une bricole, viennent s'épancher, viennent faire des confidences et raconter leurs histoires, leurs déboires et leurs espoirs aussi.


Et puis c'est le drame. Un hypermarché ultramoderne s'installe de l'autre côté de la rue, face à la superette de Tom.
Tom va-t-il lutter contre ces nouveaux adversaires ?
Va-t-il déserté comme tant de villageois l'ont fait avant lui ?
Les habitants resteront-ils solidaires de lui ?
Ce sera le début d'une autre aventure…
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A Shellawick, petit bled paumé du Midwest, on trouve un soleil de plomb, des cailloux, de la poussière et des mouches. On y trouve aussi le Bonheur, petite supérette aux rayonnages peu remplis, puisque l'objectif de son propriétaire, Tom Elliott, est de vendre de quoi se nourrir, se laver et tuer les mouches. Rien que l'essentiel, aucun superflu.

Mais l'attrait du Bonheur c'est surtout Tom lui-même, gérant et poète, toujours prêt à écouter ses clients ouvrir leur coeur dans le fauteuil de barbier rescapé du salon de son père. Et ils sont hauts en couleur les habitants de Shellawick !

Emilie de Turckheim propose une gallerie de personnages tous plus loufoques les uns que les autres : Matt le doyen de la ville, ancien instituteur adulé de ses élèves devenu un vieux bonhomme acariâtre qui perd la tête, John, le père de Tom, barbier de la ville et père aimant, Emily Dickinson vivant dans son propre monde à son propre rythme, Fleur la géologue japonaise alcoolique toujours juchée sur ses talons aiguilles, et le maire borgne, terrible dans son rôle de grand méchant à la solde de l'usine Buffalo Rocks, principal employeur de la région. Elle ne fait pas qu'effleurer ces personnages mais en quelques mots, par le récit de quelques anecdotes, elle sait incroyablement vivants et attachants !

Pourtant la ville se meurt peu à peu. Les commerces ferment les uns après les autres et les habitants partent s'installer ailleurs. Plus près de l'usine. Mais Tom, le Bonheur ainsi que ses clients restent fidèles au poste. Jusqu'à l'installation d'un gigantesque supermarché nommé Horn of plenty (corne d'abondance) juste en face du Bonheur. Là-bas on trouve tout, l'essentiel comme l'inutile, une infinité de choses à la portée des consommateurs.

Le Bonheur contre La corne d'abondance, c'est un peu le pot de terre contre le pot de fer, un conte sur la société de consommation, qui telle la sirène attire les consommateurs par de belles promesses pour mieux les dévorer et les broyer. Ce n'est pas non plus une fable joyeuse, car Samson l'emporte rarement contre Goliath, et rapidement le Bonheur est abandonné par ses clients.

Que j'ai aimé ce court roman ! J'y ai trouvé un charme fou, aussi bien dans ses personnages décalés et dans l'histoire, que dans la plume à la fois poétique, vive et colorée de l'auteur. J'ai été totalement conquise par Tom, sa folie douce et sa philosophie du bonheur. Une petite pépite !
Lien : http://tantquilyauradeslivre..
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Ce roman est un véritable petit joyau!!!
Entre le héros, Tom (ou T.S.Eliot, de son patronyme véritable), jeune homme lettré et idéaliste au milieu d'un désert de pierre géré par un grand manitou du maïs sous toutes ses formes (pop corn, galettes et alcool) et les personnages multiples et désarmant, Emilie de Turckheim a su mettre en place un univers des plus exotiques qui sait pourtant très bien critiquer notre mode de vie toute occidentale et consumériste à souhait!
Tom avait pourtant eu la chance d'être le seul enfant de Shellawick à suivre des études universitaires. Mais il reviendra sur les terres de ses parents, toujours empruntes de la lutte millénaire entre Blancs et Peaux rouges. Et plutôt que de "toucaner"; comme ils disent là-bas, il reprendra une petite épicerie toute simple, avec, pour seul attrait, le vieux fauteuil de feu son père, unique barbier du village, en guise de confessionnal!
Suivront ces déboires, ses réussites et son histoire d'amour improbable avec Emily Dickinson (hé oui!).
Un roman maîtrisé de main de maître avec des trésors de langage dans cette langue inventée que l'on suit avec délice et que l'on quitte avec regret une fois le livre refermé...
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Un roman philosophique où la contemplation, la fantaisie, la résistance et la liberté prennent toute leur dimension !

Tom est propriétaire d'un petit supermarché au fin fond du Kansas.
S'y trouve un annuaire téléphonique où il y consigne un ensemble de petits poèmes tels des haïkus pour capturer chacun de ses clients, habitants de cette petite ville au milieu de nul part entourée d'un désert de pierres noires, où il n'y a rien à faire si ce n'est travailler dans l'usine de popcorn
Dans ce supermarché singulier, il n' y a rien à acheter hormis sa trilogie du bonheur…
Devant sa caisse se trouve un fauteuil de barbier, celui de son père. Chacun a pris l'habitude de s'y asseoir pour naturellement s'y abandonner, s'ouvrir à Tom, poète sensible qui aspire à la confidence.

Sur le trottoir d'en face pousse un hypermarché, titan de l'opulence, du confort, le Goliath de la climatisation.
Tous les clients de Tom vont ainsi déserter son supermarché et sa source de poèmes va se tarir…
Il décide alors d'écrire un roman autobiographique où il abordera le sort des indiens d'Amérique dont il est originaire.
Emilie la caissière rêveuse et une chanson, « popcorn melody », vont heureusement se trouver sur son chemin ! (je n'en dis pas plus..)

Les thèmes abordés dans ce roman très cinématographique sont savoureusement bien menés : je me suis régalés.
La poésie peut-elle exister dans un désert culturel, dans la sécheresse sous toutes ses formes ?
Tom se refugie dans la poésie et la littérature et symboliquement va trouver une forme d'espoir sur cette terre aride sans saison.

C'est à lire !! Un très bon moment de lecture !!!

Lien : https://blogdelecturelepetit..
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❤️ Énorme coup de coeur
Bienvenue à Shellawick, bled paumé au milieu du désert, posé au bord d'un pierrier noir et brûlant.
Tom tient l'un des derniers commerces, une supérette, à sa façon, « un supermarché indigne de ce nom » écrit-il lui-même sur une pancarte au-dessus de sa caisse : dans les rayons on ne trouve à peu près rien, en tout cas rien de toutes ces choses épatantes qu'on trouve partout ailleurs... par contre, il y a ce siège de barbier dans lequel les « clients » peuvent s'asseoir et raconter leur vie. Tom est là pour les écouter et noter quelques Haïkus inspirés de ses rencontres sur un annuaire téléphonique. Il en ressort une formidable galerie de portraits tous plus originaux, déjantés, poétiques et rock n'roll les uns que les autres.
Tom est un rêveur, un résistant, hors de question d'aller travailler à l'usine de popcorn, comme la plupart des hommes de la région. Mais son esprit libre ne plaît pas à tout le monde et bientôt un supermarché, un vrai, avec air conditionné et rayons dégorgeant de produits, s'installe pile en face de son « Petit bonheur »...

Quel talent narratif, quelle imagination ! Quel bonheur de lecture ! Avec autant d'humour, de fantaisie que de tendresse, Émilie de Turckheim dresse le portrait d'une communauté (et plus largement d'une civilisation), paumée, sans repères que ceux que l'argent et le pouvoir veulent imposer.
Tom est un phare dans le désert qui interroge chacun d'entre nous : que faisons-nous de notre humanité ?
JU-BI-LA-TOIRE

Extrait
« Quelques jours après l'incident du poil, Maryline a conduit Dennis à la clinique du Cornado.
« Si on doit résumer la situation, tu lis toute la journée et à part ça, rien ne t'intéresse et tu ne mets plus les pieds à l'école…
-C'est exactement ça, docteur.
-Madame, c'est à votre beau-fils que je pose la question. Qu'est-ce que tu peux me dire Dennis ?
-Euh… J'adore lire et ça l'enrogne, mon père.
-Tu penses que tu pourrais passer combien de temps sans lire et sans te sentir en manque ?
-Ch'pourrais pas tenir un jour. »
La belle-mère de Denise a poussé un cri, précipitant ses mains couvertes de bagues sur ses lèvres qu'un docteur de la même clinique avait copieusement regonflées un mois plus tôt.
-C'est incompréhensible, Docteur ! Y'a pas un Livres à la maison ! J'vous l'jure sur la vie d'Rusty ! Pas un Livre ! On est des gens réels, nous ! On r'garde la télévision ! (...)
Maryline s'est pincé les lèvres pour ne pas pleurer.
-Son père et moi, on a très peur que ça s'termine mal… Si on fait rien, y va finir en prison ou y va finir homosexuel, mais en tout cas y va mal finir ! Faut qu'il arrive à décrocher, docteur. Faut plus qu'y touche à ça. Plus un seul livre… C'est une question de vie ou de mort pour notre famille ».
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Commençons par planter le décor : Shellawick, petite ville du Midwest, à l'agonie , rongée par le désert et abandonnée peu à peu par ses habitants. N'y vivent plus que quelques irréductibles, dont Tom, le propriétaire de la supérette locale, "le Bonheur"..
Le fauteuil de barbier de son père trône face à la caisse, et il faut bien l'avouer, attire plus la maigre clientèle que les rayonnages vides, puisque Tom refuse de se soumettre à la politique de surconsommation et ne commande ...que ce qu'il veut..
Nous croisons donc, en ce lieu à l'ambiance si spéciale, un homme complètement déjanté, qui écrit des haïkus sur les pages d'annuaires téléphoniques , une géologue japonaise en talons hauts et totalement alcoolisée, un instituteur à la retraite qui perd la boule, une jeune poétesse écorchée vive, un agent littéraire douteux, un méchant maire, mais surtout les fantômes des Indiens des plaines, martyrisés par cette Amérique flamboyante, qui les a expulsés, parqués, séparés, massacrés, au nom de l'éternelle conquête.
J'ai beaucoup aimé ce roman, son ton faussement léger (car y sont abordés des sujets qui ne le sont pas).. J'ai plus aimé encore l'univers d'Emilie de Turckheim, cette capacité qu'elle a de nous emporter sur ces terres arides et au-delà, cet au-delà étant bien sûr le questionnement sur "l'american way of life", le capitalisme à outrance, l'histoire trop souvent oubliée, des Indiens, l'attachement à ses racines. Tout cela dans un style qui alterne humour et gravité, tendresse et cynisme...
La plume d'Emilie , si originale, ne peut laisser insensible.. Un magnifique récit poétique et quelque peu farfelu, sur la résistance, la mémoire, l'impérialisme économique, une belle histoire à ne rater sous aucun prétexte..

"Les vrais haïkus sont sensibles aux saisons, à la garde-robe de la nature, ils sont pleins de cerisiers en fleur et de vent d'automne. Mais à Shellawick, on manquait de saisons. C'était l'été toute l'année."
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