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Citations sur Le jongleur (45)

Les nazis étaient des humains, insistait-il. Il faut regarder la vérité en face. Ou bien dans le miroir ? « Les nazis étaient humains, et ce qu’il y avait d’humain en eux, c’était leur inhumanité. »
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Le silence entourait la judéité tout autant en Israël qu’aux États-Unis où se trouvaient la plupart des survivants. Le jeune État préférait les mythes fondateurs héroïques et les Américains voulaient eux aussi regarder vers l’avenir, pas derrière eux où s’agitaient les spectres effrayants de la guerre. On parlait, d’ailleurs de manière générale, d’Holocauste ou d’Extermination.
Le terme « Shoah » n’existait pas. C’est Claude Lanzmann qui l’employa, à la surprise de beaucoup de gens, en 1985, intitulant ainsi son célèbre documentaire. Gary fut un des premiers à faire entrer le thème de l’extermination des Juifs dans la littérature française. Avec Elie Wiesel, Anna Langfus, Piotr Rawicz. Sa voix est pourtant différente. Pas de larmes ou de demande de pitié, pas de chagrin ni de souffrance des victimes. Mais plutôt un rire bruyant, un humour sardonique, de la provocation cynique.
Il traitait l’humour comme une « façon habile de désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus ». Il lui devait ses « seuls instants véritables de triomphe sur l’adversité. » Il disait : « Le comique a une grande vertu : c’est un lieu sûr ou le sérieux peut se réfugier et survivre. » Ses personnages le pratiquaient. Lui beaucoup moins. Pourtant il reconnaissait sa capacité à vaincre le désespoir.
Il dit aussi : « C’est comme ça : vous marchez dans les villes allemandes – et aussi à Varsovie, à Łódź et ailleurs – et ça sent le Juif. Oui, les rues sont pleines de Juifs qui ne sont pas là. C’est une impression saisissante. » Les morts dominent les vivants.
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Selon lui, écrire c’était fuir le monde. Il s’enfermait de longues heures dans son cabinet pour être vraiment lui-même, comme il le disait. Il n’était « heureux » – définition du bonheur à utiliser avec précaution – que lorsqu’il invoquait des personnages littéraires. Il leur donnait l’ordre de vivre et d’aimer. Dans sa prose, ils y parvenaient parfois. Il se sentait en sécurité dans les destins étrangers. Dans le sien, moins.
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Pulsion, voir le monde, plaisir du changement. Pour lui, c’était l’amour de la vie, pas du donjuanisme. Il jurait ne pas se lasser de la découverte. Affamé, glouton, acharné. Il absorbait la vie, jamais rassasié. Encore un personnage, encore une rencontre. Il écrivait aussi pour devenir quelqu’un d’autre. Vivre une autre histoire que la sienne. Se libérer de lui-même.
On aurait dit qu’il cherchait à trouver et à fuir simultanément sa propre image dans le miroir. Multipliant les visages, les angles, les reflets jusqu’à la fragmentation.
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Il ne comprenait pas cette curiosité pour la vie privée des créateurs. Selon lui, cela prouvait un manque d’intérêt pour l’art. « Quand j’ai faim, disait-il, je ne vérifie pas la biographie du boulanger. »
« Finalement, qu’est-ce qu’un artiste ? » se demandait-il. Il répondait avec un aplomb immuable : « Son œuvre. » Il voulait qu’on ne juge que ses livres. Comme s’il matérialisait en mots tous les biens qu’il possédait.
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« Je l’ai rencontré une ou deux fois, mais je ne l’aimais pas. Il était profondément névrosé. Il a joué le dur toute sa vie, mais Dieu seul sait ce qu’il cachait à l’intérieur, quelle angoisse. Il avait bâti tout son personnage sur le machisme, mais je crois bien que la vérité était très différente. » Gary décrit là Hemingway. Ou bien lui-même ? Possible, car cela pourrait s’adapter à n’importe quel personnage distingué des dieux. « On peut être un très grand écrivain et un assez pauvre type… Car on met le meilleur de ce qu’on est dans son œuvre et on garde le reste pour soi-même… »
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Il avait coutume de dire : « Il n’est pas bon d’être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c’est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend ans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. […] Il n’y a plus de puits, il n’y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l’aube, une étude très serrée de l’amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu. Je ne dis pas qu’il faille empêcher les mères d’aimer leurs petits. Je dis simplement qu’il vaut mieux que les mères aient encore quelqu’un d’autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n’aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. »
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Des années plus tard il écrira que la haine contre les Allemands l’avait quitté. Il examina le fondement du côté inhumain du nazisme. Il fallait reconnaître pour le bien de tous : « ce côté inhumain fait partie de l’humain. Tant qu’on ne reconnaîtra pas que l’inhumanité est chose humaine, on restera dans le mensonge pieux. »
Il disait que c’était un hasard si cela avait été le tour des Allemands. Il considérait que d’autres nations pourraient prendre la relève une fois le nazisme chassé. « Et si le nazisme n’était pas une monstruosité inhumaine ? S’il était humain ? S’il était un aveu, une vérité cachée, refoulée, camouflée, niée, tapie au fond de nous-mêmes, mais qui finit toujours par resurgir ? »
« On ne va pas discuter pour savoir si c’est “eux”, “moi”, “je”, “les nôtres” ou “les autres”, mon vieux. C’est toujours nous. »
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Il traitait la vérité d’une manière particulière. Il ne respectait pas ses principes, préférant en décliner les variantes. Au rythme de son propre manège. Selon les règles du jonglage, car pour lui tout art s’y apparentait.
Il l’évoqua plusieurs fois. Dans des entretiens et dans sa prose : « Je dis ce qui me plaît, je crée ce que je veux, j’invente avec l’abandon de la sincérité la plus complète, dans la fidélité scrupuleuse à moi-même. » S’il y a çà et là du mensonge, c’est par souci de la vérité.
Dans ses livres, il fait l’éloge de l’illusion, pas de la vérité. Comme dans une légende. Peut-être parce que la fiction contient des vitamines stimulantes. Elle est plus intéressante racontée avec talent. Elle satisfait le besoin infantile de miracle, essentiel dans son histoire.
Truman Capote avait la même tendance. « Ne laissez jamais la vérité gâcher une bonne histoire », disait-il. Pour certains, c’est le b.a.-ba de la puissance littéraire.
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Le kaléidoscope est un souvenir d’enfance. Je ne savais pas qu’il deviendrait un jour un modèle philosophique de perception de la mémoire et du passé. La révélation que tout n’est ni plus ni moins qu’un agencement de miroirs en triangle. Une illusion d’optique. Un chatoiement. Une vision trompeuse basée sur les émotions du moment. Réelle juste au présent. Ni avant, ni après. La raconter, c’est du passé, une fiction. C’est-à-dire une invention.
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