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EAN : 9782882501257
416 pages
Noir sur blanc (16/10/2002)
4.5/5   4 notes
Résumé :
A la recherche de ses propres racines, Agatha Tuszynska trouve dans les romans et nouvelles d’Isaac Bashevis Singer le plaisir sans cesse renouvelé de lire une œuvre littéraire de qualité, mais aussi de découvrir des personnages et de lieux fascinants et inconnus qui évoluent dans le monde disparu des juifs polonais d’avant-guerre, monde annihilé par l’holocauste et poussé dans l’oubli par 45 ans de communisme. Singer sert littéralement de guide à l’auteur dans une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il y a pas mal de temps déjà que j'avais acheté ce livre mais j'attendais le moment propice, c'est à dire avoir du temps devant moi, pour l'aborder . J'ai lu la plupart des documents écrits sur Isaac Bashevis Singer mais aucun n'avait jusqu'ici réussi à répondre à toutes mes questions de nature biographiques… (cf ma critique de la famille Singer, l'autre exil : Londres de son neveu Maurice Carr et celle de la biographie de Florence Noiville). Agata Tuszynska est une journaliste et romancière polonaise née à Varsovie en 1957 dont la mère a survécu au ghetto de Varsovie. Cette double appartenance à la Pologne et à la communauté juive dans une moindre mesure lui donne une supériorité évidente dans les recherches entreprises sur la famille Singer. En effet, son appartenance au monde polonais, son souci manifeste de comprendre le monde juif d'avant la Shoah et surtout le fait d'être sur place lui ont permis de pousser loin ses investigations et d'avoir accès à des archives, témoignages ou pièces de musée auxquels ont plus difficilement accès les étrangers. Même si comme elle le dit «  Je suis arrivée en retard pour sa mort », le 24 juillet 1991, la persévérance et le sérieux de ses recherches, son excellente connaissance des oeuvres des Singer frères et soeur l'ont conduite à reconstituer des pans entiers de la vie juive du début du XXème siècle, à brosser avec fidélité un tableau des relations entre juifs et Polonais, à retrouver et faire revivre les shtetls de Leoncin, Tomaszow, Radzymin, Bigoraj… qui ont durablement marqué l'enfance et l'adolescence d'Isaac. Par souci de clarté, je procéderai par thème et ne traiterai que ceux sur lesquels cette lecture m'a appris quelque chose : le premier est celui de la relation des juifs avec la Pologne. « Mes ancêtres avaient vécu plusieurs centaines d'années dans ce pays et nous étions toujours étrangers ici ». Effectivement, les premiers Juifs arrivent dans les territoires polonais au cours du Xe siècle et la première mention de leur présence dans les documents polonais apparaît déjà au XIème siècle avec la Première Croisade et la première vague d'émigration d'Europe occidentale. Ils reçoivent un accueil favorable, sont souvent protégés, connaissent longtemps la tranquillité, la liberté de travailler et de faire du commerce, ce qui favorise leur afflux et ce jusqu'à l'amorce du déclin au XVII ème siècle. L'originalité de la communauté juive de Pologne réside dans le fait qu'elle dispose d'une réelle autonomie où chaque groupe local est dirigée par un conseil des notables et un rabbin qui décident des questions de la vie quotidienne : éducation, mariages, cacherout, litiges... Cette organisation, palpable dans toute l'oeuvre des frères et soeur Singer, est sans doute l'une des raisons pour lesquelles «La Pologne juive, celle des papillotes et des lévites, ne rencontrait que fort rarement la Pologne polonaise, celle des processions de la Fête-Dieu et des loges du Grand Théâtre ». Par ailleurs, le souci de pureté et de non assimilation empêchent les Juifs de se mélanger aux Gentils et d'adopter leur mode de vie : Maurice Carr, le neveu d'Isaac apprend après la guerre que Moïshe, le plus jeune frère d'Isaac, refuse le pain qui lui est distribué au camp de Jampol (Khazakstan) de peur qu'il ne soit pas casher... Les statistiques avancées par Agata Tuszynska pour les années 1930 font état de 80 % de yiddishophones dont la plupart maîtrise très mal le polonais « Même à la fin des années trente il était rare qu'un Juif parle bien le polonais » confie Isaac dans un article intitulé « Juifs et Polonais ». Son père ne savait que deux mots de polonais ! Lui semble se débrouiller correctement, lit ou au moins connaît les grands noms de la littérature polonaise qu'il met entre les mains de ses différents héros. Or, une question se pose encore à moi : où les frères et soeurs Singer ont-ils appris le polonais ? Dans les rues du shtetl où vivaient également quelques familles chrétiennes ? Sans doute. À l'école polonaise ? Les témoignages des Polonais recueillis par Agata Tuszynska font état de quelques élèves juifs, surtout des filles, à l'école du village. Les garçons allaient en effet au Heder, l'école primaire juive, et il ne semble pas qu'il y ait eu de structure équivalente pour les filles : Esther , la soeur d'Isaac et de Joshua apprend seule à lire et à écrire l'hébreu et le yiddish…Tout porte à croire que la fréquentation de l'école polonaise n'était pas obligatoire, pas pour les juifs en tout cas. Or compte tenu du milieu fermé dans lequel ils vivaient, où et comment les frères Singer ont-il acquis un niveau de langue suffisant pour lire les classiques polonais ? Même question pour l'allemand : L'allemand parlé par les Volksdeutschen de Pologne et entendu par Isaac était-il suffisant pour lui permettre de traduire Thomas Mann ? S'est-il livré à une sérieuse étude livresque de la langue ? Peut-être mais cela n'en exclut pas une expérience concrète. Sur ce point là, l'auteur n'apporte aucune réponse. Or, toute sa vie, polonaise comme américaine, Singer vit dans un monde presque exclusivement juif (shtetl à Leoncin, Bilgoradj, rue Krochmalna à Varsovie, Upper east side à New York) et va même jusqu'à descendre dans des hôtels juifs car il n'aime pas être le seul juif dans un hôtel…On ne lui connaît pas d'amis non juifs. Cette vie presque entièrement juive est vraisemblablement une survivance de sa jeunesse polonaise. Selon Agata Tuszynska, les Polonais témoignaient envers les juifs d'une relative indifférence mais les tracasseries et manifestations d'hostilité n'étaient pas rares. Les propos des témoins contemporains des Singer nous permettent de nous faire une certaine idée des relations entre Juifs et Polonais alors qu'Isaac accorde peu de place aux Gentils dans ses écrits. Isaac a toujours refusé de retourné en Pologne car presque tout ce qui avait constitué son monde, juif, avait disparu... Faut-il incriminer les Allemands, le régime communiste qui suivi ou les Polonais eux-mêmes? Ce qui est sûr, c'est que la plupart des traces de la vie juive ont disparu! Même les pierres tombales des petits cimetières juifs ont été utilisées pour la construction des maisons et des routes! Second point intéressant : la réception de l'oeuvre d'Isaac Bashevis Singer par la communauté juive. Cette dernière se montre sévère avec le prix Nobel de littérature et lui reproche de dresser un portrait peu élogieux du monde juif d'avant la Shoah. Or il me semble que la grande originalité de Singer réside justement dans son honnêteté intellectuelle : il met en scène des héros qui correspondent aux divers personnages et situations qu'il lui a été donné d'observer pendant les trente ans qu'il a passés en Pologne. Les religieux, les indifférents, les assimilés, les communistes, les socialistes, les adeptes du Bund, les sionistes, tous se retrouvent dans ses romans et nouvelles. Des portraits certes sans concession mais la Shoah, si tragique soit-elle, ne doit pas impliquer l'idéalisation du monde disparu. Si tel était le cas, l'oeuvre de Singer ne serait pas la chronique d'un monde original qu'il voulait qu'elle soit! Isaac n'est pas un écrivain de la Shoah et il ne s'exprime pas sur le sujet. Les rescapés que l'on rencontre dans ses livres ne sont que les témoins du monde englouti par rapport auquel ils tentent de se positionner. La Shoah aura t'elle été pour le conteur yiddish un déclencheur de souvenirs à transmettre à tout prix pour que ce monde ne soit pas mort en vain? C'est ce que je veux croire! Merci Monsieur Singer pour cette page d'histoire ! Les autres thèmes abordés par Agata Tuszynska ne m'étaient pas inconnus : son amour des femmes, son peu de sens de la famille, son orgueil démesuré ont souvent été soulignés mais sont pour moi de peu d'intérêt car comme le disait ce grand conteur qu'était Isaac Bashevis Singer « C'est l'oeuvre qui compte pas le bonhomme ». Merci aussi à madame Tuszynska d'avoir apporté des réponses à des questions auxquelles je n'avais jusqu'à présent trouvé aucune réponse.









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En 1978, Isaac Bashevis Singer obtenait le prix Nobel de littérature, étrange destin d'un auteur qui écrivait en yiddish, une langue qui essaye de survivre, et que l'on entend au travers de récits anciens.
Seuls des survivants, et quels survivants, peuvent encore se targuer de la déchiffrer, de la parler, de l'enseigner peut-être.
Les personnages de Singer sont des ombres, qu'une imagination affutée peut encore croiser dans les rues de Varsovie désormais refaite à l'identique de ce qu'elle avait été avant sa destruction.
L'ouvrage des bâtisseurs a quelquefois occulté des pans entiers de mémoires, mais l'essentiel peut s'y retrouver.
Singer a quitté la Pologne avant l'apocalypse, , en 1935, il avait trente ans. Il suivit la trace de son frère aîné Israel Joshua, pour les États-Unis, mais ses histoires restent toutes, à part peut-être Ombres sur l'Hudson, tournées vers la Pologne.
Varsovie, Lublin, Sandomierz, Kaziemirz, Lubartow, Pulawy, Frampol, des noms de village qui signifient beaucoup pour la communauté juive dispersée.
Agata Tuszyńska, dans ce roman, retrace les itinéraires des héros de singer, « Je suis arrivée en retard pour sa mort », écrit-elle.
Singer l'a aidé à retrouver sa "judaïté", longtemps cachées par sa famille (voir une histoire familiale de la peur)
« Isaac Bashevis Singer s'est éteint le 24 juillet 1991, en Floride. Il avait quatre-vingt-sept ans. Depuis quelques années il souffrait d'une maladie qui s'accompagne de troubles de la mémoire. Et pourtant, la mémoire était sa vie, il s'en nourrissait. Il se nourrissait de sa propre mémoire et de celle d'autrui. Lorsqu'il a perdu la mémoire, il s'en est allé. Il est mort sereinement, le regard au plafond. En silence. »
C'est la mémoire de Singer qu'Agata a voulu retrouver, parcourant les chemins de la campagne polonaise, soulevant les pierres des cimetières, interrogeant inlassablement les habitants des villages, les poussant à se rappeler, à ne pas oublier, ce monde disparu que son écrivain fit vivre avec passion.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
A Radzymin, il y avait deux synagogues, une en dure, en face de l'arrêt d'autobus, l'autre en bois où il y a maintenant les immeubles.
...
J'ai soixante-seize ans, j'habite Radzymin, rue Wyszkowska, Je suis tonnelier, j'achetais des cercles chez les juifs.
...
Vous vous rappelez mademoiselle Openheimer ? C'était une bien jolie jeune fille, la petite Esther.
...
Fils de cette guerre, classe 41. Je ne me souviens pas de la guerre. Mais je suis souvent allé près du cimetière juif, chez les Rodzinski, chercher du lait. Un spectacle affligeant, toutes les pierres qui couvraient les tombes ont été détruites. Les voisins ont sans doute pris ces pierres pour faire des fondations. Personne n'a réagi.
...
On a tué quatre mille des cinq mille juifs de Bilgoraj.
....
La dernière personne de l'âge d'Isaac Bashevis Singer, sans doute, une petite fille juive de Bilgoraj, c'est à Miami Beach que je la rencontre. La vieille femme répète triomphalement : "je me souviens de lui, je me souviens de lui."
....


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À vrai dire, il se trouvait dans un piège. Pour être à la hauteur du monde contemporain il fallait tout apprendre depuis le début, ou bien "piocher dans le passé avec la volonté de découvrir ce qui est grand dans la misère, véritablement juif et éternel ".
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Une expression hébraïque définit Dieu comme " Celui qui voit sans être vu." À cette époque là, est-ce qu'il regardait ?
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La Pologne juive, celle des papillotes et des lévites, ne rencontrait que fort rarement la Pologne polonaise, celle des processions de la Fête-Dieu et des loges du Grand Théâtre.
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Elle (Basheva) n'était qu'une femme, son intelligence représentait davantage un préjudice qu'une vertu.
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