- Si le roi est fou, dit quelqu'un, comme on en fait courir le bruit, sa folie est de de celles qu'il faudrait souhaiter à bien des gens que je connais et dont toute la sagesse ne vaut pas un grain de raison.
- Avec plus d'argent, se dit-il en parlant tout haut, j'aurais évidemment trouvé mieux; mais on ne peut semer que suivant son sac, et quand le sac est petit...
- Quand je serai roi, ils n'auront pas seulement le gîte et le pain; ils apprendront aussi à lire dans les livres; à quoi sert d'avoir le ventre plein quand il n'y a rien dans la tête ni dans le cœur ? [...] car l’instruction calme les passions et engendre la bonté et la charité.
"[...]-Mon pauvre enfant ! Ce sont tes lectures, tes maudites lectures, qui t'ont fait perdre la tête ! Je t'ai pourtant supplié maintes fois de les abandonner ! [...]"
- Pauvre petit ! Se dit-il, plus je descends, plus il me fait monter ! Hier je n'étais qu'une ombre de chevalier dans le royaume des ombres et des rêves, me voilà maintenant l'ombre d'un comte ! J'avance vite ! Je n'ai que des ombres d'ailes, mais elles me portent loin ! Si cela continue, je serai bientôt, comme un arbre de mai, couvert de clinquant, de simulacres d'honneur ! c'est égal, je les apprécie plus que des dignités ces titres fantastiques, car je les dois à l'amitié et à la reconnaissance. Mieux vaut une couronne de comte pour rire qu'on n'a point quémandée, et qu'on reçoit d'un pauvre enfant en démence, mais pur de tout vice, qu'un vrai blason acheté au prix de la servilité et de la honte !
...mais les rois d'Angleterre ou d'ailleurs, si puissants qu'ils soient, et quelque droit qu'ils aient d'arrêter bien des choses et bien des gens, ne peuvent rien pour arrêter le temps.
Les rois devraient faire eux-mêmes l'expérience de leurs lois; ils apprendraient ainsi à avoir pitié de leurs peuples.
Pauvre petit rat aux abois ! Il aura sans douté été tellement traqué qu'on l'aura détraqué.
Il est bon, disait-il, que je n'oublie pas mes épreuves. Elles m'ont été d'un précieux enseignement dont je veux faire bénéficier mon peuple. Elles ont fait jaillir dans mon coeur une source qui ne tarira jamais : celle de la pitié.
Toute la nuit il vécut dans la magnificence de sa situation royale : il marchait au milieu des grands seigneurs et dames, dans un flot de lumière, respirant des parfums, écoutant une musique enchanteresse, accueillant avec un sourire et un gracieux salut de la tête les hommages révérencieux de la foule brillante qui s’écartait pour lui livrer passage.
Mais, le matin, quand il s’éveilla et vit la misère qui l’entourait, son rêve eut son effet habituel : son existence lui parut mille fois plus sordide. Alors, il ressentit de l’amertume et, le cœur brisé, il pleura.