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4,03

sur 227 notes
Ce livre est une sélection des 68 premières fois.
2 livres sur avec pour toile de fond le génocide Rwandais étaient dans la sélection de cette fin d'année.
Je ne vais pas faire durer le suspens, celui-ci n'a pas ma préférence car j'ai eu beaucoup de mal à me concentrer.
Est-ce moi qui était fatiguée ou est-ce un effet voulu mais ce qui m'a perturbé est que je n'arrivais par moment plus à savoir qui parlait (surtout sur la première moitié) et mon manque de connaissances sur l'histoire du génocide et de ses protagonistes m'a gêné.
Mis à part ce petit souci de lecture en début de chapitre, c'est un récit bouleversant et d'une grande beauté. La plume de l'autrice est très poétique, pleines de métaphores sans jamais tomber dans les travers des récits qui perdent en lisibilité quand ils deviennent trop lyriques. Malgré l'histoire racontée d'une famille et d'un village emportés dans le tourbillon de l'histoire Rwandaise, la guerre, le massacre, l'atrocité, la séparation, le sentiment qui persiste après la lecture est une certaine douceur. C'est un livre bouleversant d'humanité.
En substance, c'est aussi un livre sur la fratrie, les relations mère/fille, les secrets de famille, la transmission, la différence... très riche et dons à lire...
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C'est l'histoire d'une famille marquée par le génocide des Tutsi, au Rwanda en 1994, un génocide perpétré par les Hutu, qui allait faire un million de morts en quelques mois.
Immaculata la mère et Blanche la fille qui a été envoyée en France avant les événements, tentent de renouer le dialogue sans réussir pour autant à se dire l'essentiel...
La mère restée au pays ne doit sa survie qu'à un libraire qui l'a cachée dans sa cave.
Bosco, le frère s'est enrôlé dans l'armée de rébellion. Il en est revenu meurtri lui-aussi...d'avoir vu les horreurs de la guerre et ce que l'homme est capable de faire à son semblable.
L'incompréhension est totale quand elles se retrouvent après plusieurs années de séparation.
Blanche culpabilise de n'avoir pas pu être là, près de sa famille, de ne pas avoir vécu les événements traumatisants, de n'avoir pas vu l'horreur, la famille et les proches couverts de sang...Immaculata, elle, s'est enfermée dans le silence.
La maison est pourtant toujours debout, les odeurs, les couleurs, le banc, sous le jacaranda en fleurs, sur lequel son frère et elles s'asseyaient pour écouter les histoires que leur contait leur mère et avant elle leur grand-mère.
Comment réparer les coeurs abîmés quand la séparation a creusé un tel fossé d'incompréhension ?
Peut-on rassembler ceux que l'histoire a dispersés ?
Comment reprendre la vie là où on l'a laissé, lorsqu'on en a commencé une autre, ailleurs ?
Comment Blanche peut-elle expliquer à Stokely, son fils né en France, ce que sa grand-mère a vécu au Rwanda ?
Il faudrait d'abord qu'elle même arrive à le savoir...
Car il n'y a pas que la guerre qui a marqué les esprits, il y a aussi tous les non-dits qu'Immaculata n'a jamais voulu leur révéler sur leur père respectif.
Le père de Bosco était un démocrate hutu, emprisonné puis assassiné alors qu'Immaculata était enceinte, celui de Blanche, un français expatrié obligé de quitter précipitamment le pays...

Voici un premier roman émouvant qui mérite qu'on s'intéresse de près à cette jeune auteure franco-rwandaise.

C'est un roman choral bouleversant qui donne la parole à chacun des personnages, chacun expliquant son propre point de vue et s'adressant à un de ses proches. Il met en avant trois générations qui cherchent à se comprendre...et tentent de réunir leur coeur "en lambeaux" (presque quatre en fait, car Immaculata nous parle aussi de sa propre mère).
Dans ces pages, l'auteur ne parle que très peu du génocide. Si vous voulez en apprendre davantage sur cette page noire de l'histoire, passez votre chemin.
Mais le génocide est bien présent dans chacun des personnages puisqu'il y a un avant, et un après. Tout est dans l'émotion, le ressenti, les non-dits, dans les blessures non refermées, simplement étouffées...
C'est donc un roman plutôt intimiste sur le traumatisme, sur l'importance de la transmission pour les générations futures, pour savoir d'où on vient, trouver un sens à sa vie, se construire une identité métisse qui permette de découvrir sa propre voie (voix), faire la paix avec le passé...et trouver sa place dans le monde d'aujourd'hui.
"Tous tes enfants dispersés" est le début d'une prière et devient ici le roman de tous les exilés, ceux qui ont quitté leur pays et qui tentent de se construire entre deux mondes, entre deux cultures, entre deux langues...

L'auteur, née à Butare au Rwanda en 1979, a survécu au génocide des Tutsi.
Elle trouve ici le ton juste pour nous parler de ces vies coupées. Sa plume poétique et emplie de sensibilité est une belle découverte.
Ses nouvelles que je n'ai pas encore lues "Ejo" et "Lézardes", parues en 2015 et 2017, ont reçu le Prix François-Augiéras, le Prix de l'Estuaire et le Prix du livre Ailleurs.
Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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Depuis sa parution ce livre m'attend dans mes PAL.
Je l'ai lu à l'occasion d'un challenge.
Dés fois je suis déçue quand je lis un livre dont on a beaucoup parlé mais là ce ne ft pas le cas.Ce livre est un excellent roman sur le Rwanda , son histoire est raconté à travers l'histoire d'une femme , de ses deux maris ses deux enfants et son petit fils
Si vous voulez découvrir cette histoire dans l'histoire ouvrez ce livre .
Ce livre est très facile à lire , le style est très poétique plein de sagesse sans résignation.
J'aurai aimé recopier plein de passages mais il y en a tant que j'aurai recopier le livre.
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Si Blanche a pu fuir le Rwanda lors du génocide, en revanche son frère et sa mère sont restés.
Blanche a construit sa vie en France autour d'un mari et d'un fils qui ne connait pas sa famille rwandaise.

Ce roman s'articule autour des points de vue de Blanche Immaculata la mère et Stokely le petit garçon. Après l'exil, la mère et la fille finissent par se revoir. le temps n'a rien apaisé du tout. La mère s'est murée dans un silence pesant ; la fuite d'un mari, le départ d'un fils parti défendre son pays, et la force vitale de sa fille tournée à sa reconstruction l'ont emprisonné un long moment avec ses fantômes.

Quant à Stokely, enfant de deux cultures, tente de se repositionner sur cet échiquier complexe.

La communication intergénérationnelle est au coeur de ce roman sensible et profond. Il faut du temps pour refaire les liens, pour comprendre l'autre, et pour pardonner.
J'ai apprécié cette lecture pour sa construction, pour sa distanciation avec le génocide et son positionnement sur les liens familiaux.

Lien : https://leblogdemimipinson.b..
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«Retrouvailles de coeurs en lambeaux»

Dans ce beau premier roman de Beata Umubyeyi Mairesse une famille séparée par le génocide rwandais essaie de renouer les liens distendus au-delà des générations et des silences et d'oublier les fantômes qui la hante.

1997 à Butare, au sud du Rwanda. Blanche revient dans ce pays qu'elle a quitté trois ans plus tôt. C'est l'histoire de ses retrouvailles avec sa famille que nous raconte Beata Umubyeyi Mairesse dans ce premier roman à forte densité dramatique. Car les mots ne veulent plus sortir, les liens sont trop distendus. Car chacun combat d'abord ses propres fantômes.
Immaculata, la mère de Blanche, a perdu ses maris. le père de Blanche est un ingénieur français qui a filé en métropole sans demander son reste, laissant son épouse et ses deux enfants – elle a aussi eu un fils avec Damascène, un Hutu qui est parti à Moscou – affronter les mois plus difficiles de son existence. Elle parviendra à confier sa fille à des expatriés évacués par l'armée belge tandis que son fils Bosco part au front pour défendre son pays. Durant trois mois, elle vivra terrée dans une librairie avant que son fils ne vienne la sortir de cet enfer.

En reconstituant le puzzle familial, on se rend bien compte combien leurs trajectoires différentes les ont éloignés les uns des autres. Tout tes enfants dispersés est bien le roman de l'incommunicabilité. de la mère avec ses enfants, du frère avec sa soeur, du petit-fils avec sa grand-mère. Même si l'on sent bien qu'une âme innocente comme l'est Stokely, peut être le premier à dépasser les non-dits, les peines intérieures, les rancoeurs et les préjugés érigés au fil des ans. Stokely est le fils de Blanche et de Samora, un métis comme elle, rencontré à Bordeaux et avec lequel elle a eu envie de se construire une nouvelle vie.
Mais avant que l'enfant ne puisse s'exprimer et rendre la parole à sa grand-mère, il devra lui aussi franchir quelques obstacles. Né avec un frein de langue trop court, il devra être opéré. Baptisé par erreur Kunuma (qui se traduit par «se taire ou devenir muet»), il lui faudra devenir Kanuma («petite colombe») et apprendre le kinyarwanda pour s'ouvrir de nouveaux horizons.
Racontée à trois voix, cette histoire d'exil et d'oubli, de culpabilité et de pardon, de colonisation et d'accueil, de deuil et de naissance est aussi celle de femmes qui doivent apprendre à trouver leur voie – leur voix – dans un monde où les hommes entendent les soumettre, y compris en s'appropriant l'histoire et en la transformant. Bosco veut par exemple faire de sa soeur la complice des blancs chez qui elle habite désormais et dont le comportement durant le génocide fut loin d'être exemplaire.
Un thème que l'on retrouve dans le formidable roman de Yoan Smadja, J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi, et qui montre aussi combien les cicatrices sont difficiles à effacer, combien il est difficile de surmonter certains traumatismes.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Un livre qui pourrait faire croire qu'il s'agit du N-ième roman sur le génocide Rwandais.
Sauf que ce n'est pas que celà. " c'est l'histoire d'une famille qui se noie".
Il s'agit d'une histoire de famille, de l'histoire d'une femme, d'une mère qui s'est vue entreposer entre elle et ses descendants un tas de fossés, des barrières, des barricades.
J'ai retrouvé dans ce roman la l'importance des mots pour panser les blessures des mots tus, des silences trop lourds et de la distance générationnelle, géographique, et des chemins de vies.
Malgré la distance, l'auteur peint avec beauté, justesse, comment malgré les demons individuels de chaque membre de la famille, la réconciliation qvec soi, avec son histoire, sa destinée a été possible dans la famille de cette femme qui donna naissance à ceux qualifiés "d'enfants du crépuscule de Butare".
Un texte qui, dans mon histoire personnelle, m'aura aidé à me reconcilier avec des parties de mon histoire, avant qu'il ne soit trop tard. Car quoi de pire que de perdre un être cher en lui devant des mots ?
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Blanche est métisse. Elle a pu fuir le Rwanda en avril 1994 grâce à ça, poussée par sa mère qui elle va rester et tenter de survivre à cette folie avec son plus jeune fils.
Blanche va tenter de trouver son père avec qui elle n'a plus de contacte depuis sa plus jeune enfance. Malheureusement elle arrive trop tard son père est décédé. Elle va tout de même réussir à s'intégrer et à faire sa vie en France.
Pendant ce temps, sa mère et son frère qui ont survécus aux massacres poursuivent leur existence à Butare.

A la veille d'être mère elle aussi, Blanche rentre au Rwanda retrouver les siens et tenter de renouer le fils de leur vie commune.

Le livre n'est en rien larmoyant, l'écriture est très poétique. Les relations entre la mère et la fille ne sont pas simples mais elles vont tenter un petit pas l'une vers l'autre aider par la 3e génération qui va les réunir.

Une belle part aussi sur les racines, si difficiles à conserver de si loin à travers à la fois Blanche bien sur mais son mari aussi.

Un merveilleux roman sur la résilience, la transmission et les liens forts et parfois violents et difficiles entre les femmes d'une mêmes famille.

Un magnifique premier roman très sensible.
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« A quoi cela nous a-t-il menés, tous ces sentiments camouflés ? »
Qu'elles sont belles ces voix qui se parlent en écho et combien elles sonnent juste la cruauté et la tendresse des mots empêchés, balbutiés, retenus pour dire l'important : histoires de vies qui se transmettent, s'entrecoupent, se choisissent et se répondent avec en caisse de résonnance magistrale : le silence.
De l'enfantement aux coeurs blessés, de l'horreur à l'exil, de la terre au déracinement, du métissage à l'identité, ce premier roman brasse tous ces thèmes avec la logique hasardeuse des « choix » aléatoires, des intentions toujours bonnes et des décisions qui s'imposent donc qui tranchent : les contours des destins.
« J'ignore encore ce qui t'a emporté, mon fils, mais je sais désormais le sentier qui t'y a mené, comment notre histoire t'a lentement, sûrement, oblitéré. »
Comment devient-on grand avec des absents, des non-dits, des mystères ? Comment fait-on sa place avec sa différence ? Que transmet-on sciemment au risque de transfuser doublement ce que l'on voulait taire ? Dans quoi se débat-on quand la nécessité des origines à connaître devient obsédante ou au contraire refoulée ?
« Elever sa progéniture fait considérer avec plus de compréhension l'oeuvre inégale de ses propres parents. »
Les mots comme des oiseaux, des fleurs et des arbres, dans la langueur enveloppante d'une fin de journée sur une terre d'Afrique, à l'ombre d'un Jacaranda. Les mots comme des baumes, ou des cris, des mots pour rafistoler, réparer, envelopper ou espacer le silence armé et nucléaire, l'intime et le complice. Ce roman parle de tous ces mots : les jamais dits, ceux qui étouffent de chagrin, ceux qui ancrent et qui consolent même quand ils paraissent anodins et ne révèlent rien d'essentiel, les inoffensifs, les couperets, les soufflés et les manqués, tous pour rappeler le lien, l'amoureux et le filial, le maladroit, l'empêché et le sincère, les liens qui font et se défont, tous ces liens qui nous maillent, nous tissent et nous toilent une vie.
« Stokely comprit que sa mère portait en elle des mots fantômes, des mots d'enfance endormis dans un jardin en friche qu'une pluie lointaine pourrait un jour ressusciter. Oiseaux de vie. »
Sur fond de pays en guerre, drame rwandais, l'effrayant à fuir pour survivre, le passé à reconnaître dans toute sa vérité, Beate Umubyeyi Mairesse nous conte un très beau voyage dans l'universalité de ce qui nous anime pour tenter d'être bien, de se relever et s'élever et de pouvoir aimer sereinement ceux qui nous précèdent, nous succèdent et nous accompagnent. Ce premier roman est signature d'une très belle plume.
« Stokely naquit, Bosco mourut. Immaculata devint muette. Blanche flancha une première fois. Que valait cette langue incapable de percer le bouchon dans la gorge qui étouffait sa mère de chagrin ? »
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"Une famille qui ne se parle pas est une famille qui meurt." Proverbe rwandais, "Les proverbes en kinyarwanda"

"C'est l'heure où la paix se risque dehors. [...] la paix, minuscule, clandestine, sait qu'il n'y a plus sur les sentiers aucune âme qui vive capable de la capturer. Alors, elle sort saluer les herbes hautes qui redressent l'échine sur les collines, saluer les oiseaux qui sont restés toute la journée la tête sous l'aile pour ne pas assister, pour ne pas se voir un jour sommés de venir témoigner à la barre d'un quelconque tribunal qui ne manquera pas d'arriver, saluer les fleurs gorgées d'eau de la saison des pluies qui peinent à exhaler encore et malgré tout un parfum de la vie là où la puanteur a tout envahi."

Voilà 25 ans, au Rwanda, était perpétré le génocide contre les Tutsi qui allait faire près d'un million de morts en quelques mois. Beata Umubyeyi Mairesse est née à Butare qu'elle a fui avant les massacres, à l'âge de 15 ans.

"Tous tes enfants dispersés" est un premier roman qui ne joue pas les voyeurs turpides. En disant le moins possible des carnages de ce conflit ignoble entre Tutsi et Hutu, il déjoue le piège de l'abjection. "Tous tes enfants dispersés" n'est pas un récit de destruction, de décomposition, d'anéantissement ; il est au contraire celui de l'après, celui de la douloureuse reconstruction de ces familles dévastées, des retrouvailles entre ceux qui, d'une manière ou d'une autre, en ont réchappé, des "retrouvailles de coeurs en lambeaux".

Ce récit choral donne à entendre trois générations : Immaculata la mère, Blanche sa fille et enfin, plus tard, Stokely son petit-fils. Un tissage de voix fragiles qui s'évitent tout en se faisant écho, chacune emmurée dans un chapitre frappé à son nom ; des voix qui, entre passé et présent, racontent, dans leurs creux et leurs silences, leurs cris parfois, l'histoire d'une famille dispersée.

Restés au pays, Immaculata a survécu au pire et Bosco, le fils qu'elle a eu avec un démocrate hutu, est revenu du front, sauf, mais traumatisé. Blanche, sa fille conçue avec un expatrié français, a été contrainte à l'exil et a trouvé refuge en France dès que les combats ont commencé.

Le roman s'ouvre sur le retour-surprise de Blanche à Butare en 1997, trois ans après que les combats ont cessé. Mais peut-on reprendre le fil de la vie familiale là où on l'a laissé, alors que l'on revient lestée d'une nouvelle existence commencée ailleurs, sur un autre continent ?

"[…] dans ma tête mes pensées chiffonnées étaient semblables à un drap blanc fatigué de la longue nuit de mon absence, dans les replis duquel je cherchais une aiguille pour reprendre mon ouvrage de mémoire. Mais n'est-ce pas pour cela que j'étais revenue ici, pour tisser une virgule entre hier et demain et retrouver le fil de ma vie ?"

Il est des blessures qui ne sont pas l'oeuvre des armes. Cet exil contraint, censé protéger, a ouvert une plaie, et les mots tus ne peuvent suturer sa béance.

"Qu'est-ce qui avait changé ici ? Moi. le regard nostalgique et amer que je posais sur toute chose. Ce qui avait été déchiqueté. Je n'étais pas sûre d'avoir la force de reconstituer notre relation avec toi après trois longues années de silence entrecoupées de conversations téléphoniques maladroites et de courtes lettres sibyllines."

Des silences auxquels vient se surimprimer la culpabilité d'avoir abandonné les siens, une culpabilité augmentée des reproches du demi-frère qui brisent ce qu'il restait d'affection :

"À moins que je m'excuse d'être là aujourd'hui ? Moi qui n'avais rien vécu de tout ça, qui ne pouvais pas, ne pourrais jamais savoir réellement ce que vous aviez traversé."
"Entre nous, confie Blanche, se dressaient sept ans : ses deux guerres, celle du Rwanda puis celle du Zaïre, ma défection vers la France. La France qu'il me reprochait."

Le récit de ce retour sera différé d'une centaine de pages consacrées à la vie de Blanche en France, à son mariage avec Samora venu lui aussi d'un ailleurs, les Antilles, à la naissance de leur fils Stokely. Ces pages accueilleront aussi la parole qu'Immaculata porte à Bosco.

Comment "réparer les coeurs" ? comment faire à nouveau "frissonner les feuilles des souvenirs, éparpiller les poussières de regrets sans ménagements" ? Ce sera à la troisième génération, à Stokely, de tisser "à l'envers" des liens avec sa grand-mère, laissant Blanche "interloquée par la fluidité de leur relation, comme s'ils s'étaient toujours connus. Une évidence". Car, entre ces deux-là, il ne peut y avoir de place pour le ressentiment, seulement un espace pour que s'épanouissent, comme les fleurs bleues du jacaranda, les mots trop longtemps retenus.

Ce roman, à dimension autobiographique évidente, parle du difficile retour au pays natal après un exil forcé, de ce que cela suppose d'abandons et de renaissances : ceux d'une famille certes, mais aussi d'une culture, d'une identité, ce "costume de papier que la première pluie peut emporter", d'une langue.

"Posséder complètement deux langues c'est être hybride, porter en soi deux âmes, chacune drapée dans une étole de mots entrelacés, vêtement à revêtir en fonction du contexte et dont la coupe délimite l'étendue des sentiments à exprimer. Habiter deux mondes parallèles, riche chacun de trésors insoupçonnés des autres, mais aussi, constamment, habiter une frontière."

Beata Umubyeyi Mairesse, en faisant des choix narratifs judicieux, signe un premier roman remarquablement écrit, dense et fragile, celui des mots ravalés sur des douleurs indicibles, celui d'un traumatisme écrasant, celui de la lente acceptation d'une identité métissée, celui d'une famille-phénix comme il existe un "pays-phénix".

"Tous tes enfants dispersés" est superbe, intime, sensible, d'une douceur, oui, d'une douceur que l'on n'attendait pas ; un roman qui "soulève délicatement le couvercle du chagrin" pour trouver l'apaisement.

"Entre les mots et les morts, il n'y a qu'un air, il suffit de le cueillir avec ta bouche et de veiller à composer chaque jour un bouquet de souvenance."

"Tous tes enfants dispersés" n'a pas à rougir de la comparaison que de nombreux lecteurs ne manqueront pas de faire avec "Petit Pays" de Gaël Faye. Je lui souhaite la même reconnaissance et le même parcours, car il faut "[laisser] ceux qui sont assez solides écrire leurs histoires, dont je sais mieux que toi combien elles sont nécessaires à l'humanité."

Une réussite, je vous dis.

Premier roman, lu pour la session automne des #68premieresfois.
Lien : https://www.calliope-petrich..
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Blanche est une jeune femme rwandaise ayant fuit le génocide Tutsi, laissant au pays sa mère Immaculata et son frère parti au front, et débarquant à Bordeaux où elle refera sa vie, se mariera à un comptable d'origine antillaise et aura un enfant de lui dénommé Stokely. Blanche devient donc bordelaise et infirmière mais son coeur, ses pensées et sa famille sont ailleurs, dans ce pays à des milliers de kilomètres de la France. Puis Blanche après de nombreuses années décide de retourner à diverses reprises visiter sa mère Immaculata au pays. Elle y découvrira l'histoire du Rwanda mais surtout celle de sa famille.

L'écriture est poétique et très agréable. Je me suis laissée porter par ces chapitres alternativement sur Blanche, Immaculata ou encore Stokely. Ce roman fût comme une douce musique que l'on écoute en se laissant aller, en se détendant et qui donne envie de découvrir ce pays méconnu qu'est le Rwanda.

Belle découverte qui m'a fait penser à "Petit Pays" de Gaël Faye !
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