« C'est le repos éclairé, ni fièvre ni langueur, sur le lit ou sur le pré.
C'est l'ami ni ardent ni faible. L'ami.
C'est l'aimée ni tourmentante ni tourmentée. L'aimée.
L'air et le monde point cherchés. La vie.
— Était-ce donc ceci ?
— Et le rêve fraîchit. »
Rimbaud, Veillées
*
Belle et rebelle,
Isis rêve d'un amour sans limite, sans contrainte,
un amour
qui s'épanouirait comme des herbes folles,
qui s'envolerait, libre et léger, comme une nuée d'oiseaux.
Elle qui ne sait rien faire à moitié,
veut ouvrir son coeur sans restriction.
Vivre sans concession.
Combler ses folies et ses passions.
Son tempérament sans compromis
rêve d'une vie pleine de sens.
Vibrer.
Papilloter.
D'un battement d'aile,
repousser
l'oisiveté et l'inertie.
Tout feu tout flamme,
la jeune artiste
peint avec la même radicalité.
Isis croque cet amour
de mille teintes colorées
de traits vifs qui débordent du cadre pour s'envoler.
Il n'y a pas d'autre façon d'exister,
deux coeurs qui battent à l'unisson.
Mais, le calme de Marc se heurte à l'impatience d'Isis.
Lui, statique, mutique, aphasique.
Elle, impulsive, expansive, effusive.
Interlude euphorique suivi d'un amour désenchanté, désaccordé.
Sa vie rangée se heurte à ses envies de liberté, d'insouciance et de gaieté.
Envie d'être aimée, cajolée, dorloté,
avide de regards, de gestes, de projets,
Isis se sent délaissée, abandonnée.
Frustrée, lassée, découragée.
Tempêtes intérieures,
tempêtes extérieures.
« Je sens que je deviens folle avec toi. Je t'aime, mais je n'aime pas ma place dans ta vie : elle est trop fragile, … tu me détruis ! »
Trop vacillant, trop éphémère,
cet amour inexpressif,
vide de mots
vide d'amour
vide d'un futur jouissif
routinier, figé,
ne peut la combler.
Il s'étiole, s'atrophie, s'anémie.
Et le temps fuit
l'entraînant avec lui.
Isis capte encore un souffle,
elle veut y croire encore.
« L'amour, c'est comme un bleu, ça change de couleur : violet, verdâtre, … On se cogne, parce que chacun de nous est tellement différent de l'autre… L'amour, c'est toujours un choc parce qu'on découvre qu'on ne se comprend jamais totalement. Puis le bleu guérit peu à peu, et disparaît – quand on ne se fait plus aucun effet… Mais moi, je ne suis pas complètement guérie d'aucun bleu et de personne… »
Et puis, cette sensation, cet espoir de bonheur
peu à peu, s'anémie, s'échappe, s'évapore.
Se libérer.
Peur.
Incertitude.
Lassitude.
Erreur.
Folie.
« Quand on est fidèle à une seule personne, est-ce parce que cette personne nous suffit, ou parce qu'on a peur des complications et des tueurs en série, ou encore, parce que l'occasion ne se présente pas ? Moi, il faut que mon amour meure ou s'affaiblisse pour qu'un nouveau naisse… »
*
Nous cheminons au côté d'Isis, suivant ses questionnements sur sa vie de couple, ses inquiétudes, ses rêves, ses désirs. L'autrice a su faire vivre Isis avec une telle intensité qu'on a l'impression de la connaître intimement, comme on parlerait à une vieille amie.
Isis est pareille à l'océan, elle laisse parler son coeur.
Sac et ressac.
Vagues d'émotions qui ondulent, oscillent et s'entrechoquent.
Moments de douceur, d'accalmie suivis d'une déferlante inverse, violente, douloureuse.
Moments de lassitude, envie de tout plaquer et de recommencer sur d'autres rivages.
«
Goethe, qui a vécu une vie particulièrement glorieuse, a quand même dit, à la fin, que s'il devait additionner tous les instants de bonheur intense, ça ne durerait pas plus d'un quart d'heure ! Donc, je ne suis pas la seule à chercher un condensé de bonheur et à m'apercevoir qu'il est souvent « dilué » ! »
*
Avec beaucoup de finesse et de poésie,
Maryna Uzun a réussi à m'entraîner dans cette relation conflictuelle où l'un se contente d'une vie simple et tranquille, alors que l'autre recherche un festival d'émotions et de vertiges.
L'écriture de Maryna Uzun est belle et délicate, vive et câline, douce et envolée, pudique et exubérante, sensible et franche. Les mots s'agencent avec grâce, musicalité.
Merci Maryna pour cette balade improvisée qui change de mes sentiers habituels. Mon carnet de citations s'est rempli de jolies phrases.
« Vive l'amour qui n'est pas éternel : l'amour qui naît, vit et meurt, malade ou assassiné, ou qui meurt juste d'un âge avancé. »