A ces maîtres paysagistes et rustiques, la constante contemplation, l'amour sincère et naïf de la nature ont révélé sa beauté ignorée, sa poésie méconnue. Ils pénètrent, non seulement l'intérieur, mais l'âme, les êtres et des choses, en les étudiant et en les admirant dans leurs rapports d'harmonie, dans leur logique et dans leur vérité. Remontant ainsi aux sources mêmes, ils ont retrouvé immédiatement la signification originelle des formes, signification qui avait été peu à peu adultérée, puis oubliée et remplacée par un symbolisme conventionnel; ils en rétablissent l'expression vivante, dans toute sa clarté, dans toute sa vigueur, et dans tout son éclat. Comme chacun a vu la nature avec ses yeux, l'a mesurée avec son cœur, et l'a traduite avec son tempérament, tous ont fait un œuvre personnel, d'une haute originalité.
Aussi, la représentation de la nature a-t-elle tenu dans l'art une place immense, a-t-elle attiré les plus hauts esprits et les plus grandes intelligences. Le peintre rustique renouvelle constamment le miracle de Josué : il arrête dans sa course rapide le soleil; il fixe les nuages les plus mouvants; au bout du brin d'herbe, il attache la gouttelette de rosée qui allait s'évaporer; aux fleurs éphémères il donne un éternel épanouissement, aux visages une immortelle jeunesse. Et, par le pouvoir de faire aimer à l'homme ce qu'il ignorait, de lui faire admirer ce qu'il dédaignait, il crée lui-même, pour ainsi dire, à la fois un homme nouveau et une nature nouvelle.
De cette brillante époque de l'art rustique, il reste encore un représentant, Jules Breton. Je vais esquisser ici sa vie, et étudier son oeuvre, avec la discrétion, l'impartialité et le respect, qui sont le premier devoir de l'écrivain à l'égard de ceux qui se sont consacrés à accroître le patrimoine d'honneur et de gloire du pays.