De l'aveu même de la scénariste (Chantal van den Heuvel), cette bande dessinée n'a pas de prétention exhaustive en ce sens qu'elle ne constitue pas une biographie linéaire, complète et rigoureusement réaliste de l'une des romancières les plus fameuses au monde :
Agatha Christie. L'onirisme y a en effet une grande place, tout en n'écornant pas la vie de son sujet, faut-il le préciser.
La mystérieuse affaire
Agatha Christie part d'un fait-divers qui fit, en son temps, beaucoup parler la presse : en décembre 1926, alors qu'elle vient de perdre sa mère et que son mari souhaite divorcer, la romancière, en proie au chagrin, disparaît plusieurs jours. Disparition qui est alors l'occasion des conjectures les plus tragiques. Lorsqu'elle refait enfin surface, on l'accuse d'avoir voulu se faire de la publicité à moindres frais.
On avancera aussi que sa disparition était peut-être due à une fugue dissociative, trouble psychiatrique consistant en une amnésie dissociative qui, selon le manuel MSD, est « provoquée par un traumatisme ou un stress, résultant en une incapacité à se souvenir d'informations personnelles importantes ».
Chantal van den Heuvel, soutenue par le dessin fluide et chaleureux de Nadine Jacqmin, part donc de cet événement – à propos duquel la célèbre romancière ne s'expliquera jamais – pour voyager symboliquement dans une vie dont on découvre soudain l'extraordinaire foisonnement. Effectivement,
Agatha Christie, depuis sa tendre enfance jusqu'à ce que je considère comme son départ pour le firmament (interprétation très libre de ma part !), aura pleinement rempli les cases de son existence.
La Mystérieuse affaire
Agatha Christie entrouvre donc les portes d'un destin qui nous est, pour la plupart d'entre nous, bien plus inconnu que l'oeuvre de la romancière. Car il arrive souvent qu'une oeuvre éclipse son auteur. Il en est ainsi de
Jules Verne ou
Tolkien, par exemple.
La présente histoire se lit comme une aventure et glisse, tel le vent sur le sable de Nimrud ou une planche de surf sur les vagues… Les lecteurs comprendront cette petite envolée lyrique ! Il y a aussi beaucoup de tendresse dans ces planches, tant dans la narration que le dessin, lequel s'harmonise parfaitement à cette rêverie biographique.
Rêverie qui, à l'occasion, nous fait rencontrer certaines figures du panthéon de la romancière, dont la princesse Dragomiroff, échappée du Crime de l'Orient-Express, ou l'inévitable Hercule Poirot, belge de son état, tout comme
Nina Jacqmin et Chantal van den Heuvel, cette dernière ayant confié que son origine commune avec le fin détective n'était pour rien dans le choix de se consacrer à
Agatha Christie.
Enfin, et tandis qu'elle vient de rendre l'âme, qu'il me soit permis de citer une phrase de
Marie Laforêt ; phrase qui illustre assez bien, à mon sens, la vie d'
Agatha Christie, telle que présentée dans ce très bel album de bande dessinée : « le bonheur est un métier, il s'apprend. »
(Merci infiniment à Chantal van den Heuvel et
Nina Jacqmin pour leur disponibilité à l'occasion d'une rencontre organisée par Babelio, ainsi qu'aux éditions Vents d'Ouest et, bien entendu, à Babelio !)