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Citations sur Borne (24)

« Je sais ce que ce n’est pas, a-t-il dit, redevenu sérieux. Ce n’est pas fait par Mord. À mon avis, Mord ne savait pas qu’il l’avait sur lui. Mais ça ne vient pas non plus forcément de la Compagnie. »
Mord pouvait être retors, et sa relation à la Compagnie changeait en permanence. Nous nous demandions parfois si une guerre civile faisait rage, dans les restes du bâtiment de la Compagnie, entre ceux qui soutenaient Mord et ceux qui regrettaient de l’avoir créé.
« D’où Mord le tiendrait-il, sinon de la Compagnie ? »
Ses lèvres ont frémi, ce qui a rendu plus frappante et plus intense la pureté de ses traits. « Des rumeurs me parviennent. Sur des choses qui errent en ville sans aucune allégeance à Mord, à la Compagnie ou à la Magicienne. Je vois ces choses à la périphérie, dans le désert la nuit, et je m’interroge… »
Des renards et autres petits mammifères m’avaient suivie, ce matin-là. Était-ce ce que Wick voulait dire ? Leur prolifération représentait un mystère… la Compagnie les fabriquait-elle, ou bien cela signifiait-il que le désert gagnait du terrain sur la ville ?
Je ne lui ai pas parlé de ces animaux, car je voulais qu’il m’en dise plus, ce à quoi je l’ai incité : « Des choses ? »
Mais il a changé de sujet sans répondre à ma question. « Eh bien, en apprendre davantage n’est pas difficile. » Il a passé la main au-dessus de Borne. Les vers écarlates qui vivaient dans son poignet en ont surgi pour analyser pendant quelques instants Borne, puis se sont rétractés sous la peau.
« Surprenant. Ça vient de la Compagnie. Du moins, ça a été créé dans la Compagnie. » Il avait travaillé pour elle durant son âge d’or, une décennie plus tôt, avant d’être « chassé, jeté », comme il l’avait formulé au cours d’un des rares moments où il ne faisait pas preuve de circonspection.
« Mais pas par la Compagnie ?
– Il a été conçu avec une économie de moyens à laquelle ne parviennent en général que les comités d’un seul membre. »
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« Borne m’apprenait continuellement comment le « lire », mais que voulait dire cette forme, à part que j’étais censée accepter l’impossible ? » (p. 137)
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« Rachel, Rachel… qu’est-ce que je suis ? » (p. 130)
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« La ville gisait grande ouverte telle un trésor pour psychopathes. Des gens disparaissaient tout le temps. Des gens mouraient assez fréquemment. » (p. 292)
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Vient un moment, quand on assiste à des événements des plus spectaculaires, où on ne sait ni quelle place leur donner dans le cosmos ni comment les relier au fonctionnement normal d'une journée. C'est pire quand ils se reproduisent, à plus grande ampleur encore, dans un effet domino de ce que vous n'avez encore jamais vu et ne savez pas dans quelle catégorie ranger. C'est perturbant parce que chaque fois que vous en prenez l'habitude, vous poursuivez votre chemin et, à force, il y a une certaine grandeur ordinaire à l'échelle qui place certains événements hors de portée de la réprimande ou du jugement, de l'horreur ou de l'émerveillement, ou même de l'emprise de l'histoire.
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On pardonne si on peut se pardonner soi-même, ou vivre avec ce qu’on a fait. Si on ne peut pas vivre avec ce qu’on a fait, on ne le peut davantage avec ce que les autres ont fait.
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Impossible de le dire autrement : Wick, mon associé et amant, était un dealer, et la drogue qu’il vendait était aussi effroyable, superbe, triste et douce que la vie elle-même. Les scarabées que Wick modifiait, ou fabriquait avec des matériaux volés à la Compagnie, ne se contentaient pas de vous instruire quand vous vous les mettiez dans l’oreille : ils pouvaient aussi vous débarrasser de souvenirs, ou vous en ajouter. Les gens incapables de supporter le présent se les fourraient dans les oreilles pour revivre les souvenirs heureux que quelqu’un d’autre avait conservés d’un temps révolu et de lieux qui n’existaient plus.
La drogue est la première chose que Wick m’a offerte quand on s’est rencontrés, et la première que j’ai refusée, flairant un piège même si cela ressemblait à une évasion. Dans l’explosion de menthe ou de citron vert provoquée par l’insertion du scarabée dans le conduit auditif se formaient de merveilleuses visions d’endroits que j’espérais imaginaires. Ce serait trop cruel, de penser que ce sanctuaire puisse vraiment exister. Y penser pouvait rendre idiot, négligent.
Si je suis restée parler à Wick, c’est uniquement parce que j’ai vu qu’il était blessé que son offre me révulse. J’aurais aimé avoir su l’origine de sa gêne à ce moment-là, au lieu de l’apprendre si longtemps après.
J’ai posé l’anémone de mer sur une table branlante entre nos sièges. Nous étions installés sur un des balcons délabrés accrochés à une falaise rocheuse qui m’avaient poussée à baptiser notre refuge les Falaises à Balcons. Le nom d’origine, sur la pancarte rouillée à l’intérieur du hall souterrain, était illisible.
Nous avions derrière nous le dédale dans lequel nous vivions, et devant nous, en contrebas et voilés par un écheveau protecteur fabriqué par Wick pour nous masquer aux yeux indésirables, les méandres de la rivière toxique qui bordait la majeure partie de la ville. Y mijotaient métaux lourds, huiles et déchets, générateurs d’une brume nocive qui nous rappelait que nous mourrions probablement d’un cancer, au mieux. Derrière la rivière, une lande de broussailles. Sans rien de bon ni de sain, même si, en de rares occasions, des gens continuaient à apparaître sur cet horizon.
J’étais sortie de cet horizon.
« Qu’est-ce que c’est que ce truc ? » ai-je demandé à Wick tandis qu’il examinait longuement ce que j’avais apporté. La chose pulsait, aussi inoffensive et fonctionnelle qu’une lampe. Pourtant, une des horreurs infligées autrefois à la ville par la Compagnie avait été de tester sa biotech dans les rues. Transformée en immense laboratoire, la ville, tout comme la Compagnie, était désormais à moitié détruite.
Wick a eu ce sourire mince d’homme mince qui ressemblait davantage à une grimace. Un bras sur la table, jambe gauche croisée sur la droite, vêtu d’un pantalon large en lin trouvé la semaine précédente et d’une chemise blanche presque jaunie par un long usage, il semblait à peu près détendu. Mais je savais que c’était une façade, tant au profit de la ville qu’au mien. Des coupures dans le pantalon. Des trous dans la chemise. Les détails qu’on essayait d’ignorer et qui racontaient une histoire plus véridique.
« Qu’est-ce que ce n’est pas ? Voilà la première question, a-t-il répondu.
– Qu’est-ce que ce n’est pas, alors ? »
Il a haussé les épaules, peu disposé à s’avancer. Un mur s’élevait parfois entre nous quand nous discutions de trouvailles, une circonspection que je ne trouvais guère à mon goût.
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Plus je m’approchais, plus Borne s’extrayait de la fourrure, ressemblait davantage à un hybride d’anémone de mer et de calmar : un vase luisant aux ondulations colorées qui, de violet, allaient vagabonder dans le bleu foncé et le vert océan. Quatre crêtes verticales se dressaient sur les flancs de sa peau tiède et pulsatile. La texture était lisse comme un galet, quoique un peu caoutchouteuse. L’odeur rappelait celle des roseaux sur les plages par de paresseux après-midi d’été, et, derrière celle du sel marin, en perçait une de passiflore. Beaucoup plus tard, j’ai pris conscience que, pour quelqu’un d’autre, il n’aurait pas eu la même odeur, voire pas la même forme.
Il ne ressemblait pas vraiment à de la nourriture et ce n’était pas un scarabée mémoriel, mais comme ce n’était pas non plus un déchet sans valeur, je l’ai pris malgré tout. Je ne pense pas que j’aurais pu m’en empêcher.
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J’ai trouvé Borne quand l’ours géant Mord est venu rôder près de chez nous par une belle journée couleur bronze. pour moi, au début, Borne n’était qu’un objet de récupération. J’ignorais quelle importance il aurait pour nous. Je ne pouvais pas savoir qu’il changerait tout. Y compris moi.
Il ne payait pas de mine, ce jour-là : violet foncé, à peu près de la grosseur de mon poing, cramponné à la fourrure de Mord comme une anémone de mer à demi fermée ayant échoué là. Je ne l’aurais jamais trouvé si, à la manière d’une balise, sa couleur violette n’était parcourue d’une lueur émeraude toutes les trentaines de secondes.
Arrivée à proximité, j’ai senti une odeur de saumure monter telle une vague, et un instant, je n’ai plus été dans une ville en ruine, je n’ai plus été en quête d’eau et de nourriture, il n’y a plus eu de bandes nomades ni d’êtres modifiés en fuite dont les origines et les intentions restaient obscures. Il n’y a plus eu, pendus aux lampadaires brisés, de cadavres mutilés et brûlés.
Au lieu de cela, pendant un moment dangereux, cette chose que j’avais trouvée provenait des flaques de marée de ma jeunesse, d’avant mon arrivée en ville. Je sentais l’odeur de fleurs séchées du sel, le souffle du vent, la fraîcheur de l’eau qui venait clapoter sur mes pieds. La longue pêche aux coquillages, la voix bourrue de mon père, celle plus modulée et plus aiguë de ma mère. La chaleur mielleuse du sable autour de mes pieds tandis que je levais le regard vers l’horizon et les voiles blanches annonciatrices de visiteurs extérieurs à notre île. Si j’ai vécu un jour sur une île. Si cela a été vrai un jour.
Le soleil au-dessus du jaune carié d’un des yeux de Mord.
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On pardonne si on peut se pardonner soi-même, ou vivre avec ce qu'on a fait. Si on ne peut pas vivre avec ce qu'on a fait, on ne le peut pas davantage avec ce que les autres ont fait.
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