Rien ne te poussait à m'accompagner ici, à être si prévoyant et attentif. Tu n'y étais pas obligé.
[...] elle s'en est toujours voulu de ne pas avoir assez de courage pour affronter son mari et de venir à ta rencontre.
La jeune femme avait l'impression que tout vacillait autour d'elle ces derniers temps, une position inconfortable.
Elle enrageait. Après lui avoir trouvé toute une série d'excuses, pas forcément probables (il avait trop de travail, il était trop timide, il avait voulu lui acheter un bouquet de fleur et s'était fait piquer par une abeille, ce qui l'avait amené à l'hôpital parce qu'il était allergique - la liste était encore longue) elle s'était faite à l'idée : leur nuit ensemble , n'était pas un signe de réconciliation.
Elle sentait qu'on la regardait, qu'on l'admirait, qu'on l'enviait aussi, un peu. Que restait-il de cette jeune femme au sourire qui semblait ineffable?
L'humour, elle en avait, oui. Enfin, elle en avait eu. Elle se souvint qu'à la fac, elle était plutôt douée en ce qui concernait la répartie, parfois acerbe. Où s'était envolée cette partie de sa personnalité?
Chloé se leva les yeux rougis et la gorge toujours nouée. Clément était venu prendre des affaires la veille, elle n'avait aucun mal à imaginer où il dormait. Depuis deux jours, Chloé ne trouvait pas le sommeil. Elle se sentait mal et trahie. Si elle était bien consciente des problèmes qui gangrenaient son couple, jamais elle n'avait sérieusement envisagé que Clément puisse la tromper.
- Tu ne vas pas aimer, mais j'ai toujours su que ce mec n'était pas fait pour toi.
Son regard errait dans le vide alors qu'elle écoutait distraitement Lucy qui l'avait rejointe Aux Livres Exquis, pendant sa pause. Lucy souhaitait découvrir le lieu, et Chloé, qui ruminait, avait besoin de parler.
- On n'en est pas encore là... reprit Chloé sur un ton doux.
Dans la boutique, un groupe de clients venait d'entrer. Tristan s'approcha d'elle pour lui faire la bise. Surprise par le geste et le tutoiement, elle se laissa faire et huma au passage la fragrance poivrée de son parfum.
La boutique était à moitié remplie. Alors que certains lisaient sans lever la tête, complètement absorbés par leur histoire, d'autres ne se souciaient que de leurs muffins, au demeurant excellents. Une fois son café avalé, Chloé décida de jeter un coup d'œil aux étagères. Tous les livres étaient soigneusement rangés, pas un seul n'était mal placé : à croire que les clients étaient bien disciplinés. Les étagères du côté gauche regroupaient les neufs, disponibles à l'achat. À droite les bouquins d'occasion, qui pouvaient être lus sur place ou empruntés par certains clients réguliers : une vraie bibliothèque qui fourmillait de tranches colorées. Un espace était même consacré aux romans écrits en anglais. Un petit paradis pour les amateurs de lecture, et un havre de paix pour Chloé, que les livres avaient toujours apaisée.
Chloé s'approcha de Tristan et le serra dans ses bras. Elle se sentait tellement soulagée et joyeuse ! Le jeune homme, surpris, hésita un moment avant de passer à son tour ses bras autour d'elle. Son étreinte était légère, mais agréable.
- Je crois que c'est la première fois qu'on me fait un câlin d'embauche !