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3,73

sur 688 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Indifférence, mépris, jalousie, haine prennent tour à tour le masque de l'amour. Différentes relations vont se déployer dans ces lignes, en implosion et en explosion, éprouvant une fois de plus le lecteur.

Relations entre amants, vies de couple en construction, en décomposition ou en pleine illusion. Relations entre mari et femme, où la tension est habillement dosée et distillée, offrant un poison implacable. Relation parent-enfant offrant comme solution la fuite - y compris dans la drogue -, ou bien de devenir otage de l'amour que l'on porte à ses géniteurs, faisant de nous un yoyo où chaque va-et-vient est comme un rasoir en plein coeur. Relation frère soeur où l'égoïsme sert de meilleur défense, et où on pratique l'amour vache comme solution de survie.
Relation mère-fille, où le suicide de la première, traumatisant, va déteindre sur une vie entière et devenir comme une malédiction. On craint qu'elle puisse se transmettre comme on transmet un gène. L'amour est ici une gueule bouffie par l'habitude, la fatigue ou la maladie.

David Van, avec une sensibilité à fleur de peau, nous plonge dans l'enfer de la famille ; un enfer situé en Alaska : froideur
métallique de la glace, paysages de plomb où l'hiver est de plus en plus conquérant, donnant l'impression qu'il va tout balayer sur son passage.
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L'enfermement des grands espaces.... La lucidité jusqu'à la folie... L'enfer de l'Autre... sont les termes qui me viennent à l'esprit en refermant ce livre.
Ce livre est vraiment une ode à la Désolation.
Définitions Larousse de désolation : état d'un lieu inhabité, désert, dépourvu de verdure - (Pays de désolation). Peine extrême, affliction extrême ; consternation - (Être plongé dans la désolation). Ce qui est cause d'une grande contrariété ; ennui - (Cet enfant est la désolation de ses parents).
Ces définitions donnent une idée de ce qui se passe dans la tête des protagonistes, ou devrais-je plutôt dire, des antagonistes...
Irene et Gary sont mariés depuis bien longtemps. Ils vivent en Alaska, au bord d'un lac de glacier.
Leur fille, Rhoda (que l'on retrouve dans Sukkwen Island), 30 ans, vit en ville avec Jim (le père dans Sukkwen Island... cela donne une dimension supérieure au récit, encore plus glaçante, si on l'a lu juste avant...) et attend que celui-ci la demande en mariage. Mais Jim est un pauvre type qui ne pense pas plus loin que le bout de sa queue, et Rhoda sent que quelque chose cloche chez lui.
Elle sent aussi que ses parents ne vont pas bien, surtout sa mère, depuis qu'ils ont décidé, ou plutôt, depuis que Gary a décidé, de construire et de passer l'hiver dans une cabane sur un ilot du lac, Caribou island.
Depuis la première journée de travail sur cette cabane, Irene a attrapé froid, et souffre dorénavant d'incessants et terribles maux de tête. Gary pense qu'Irene n'est malade que pour le punir... Irene pense que Gary ne l'aime pas, et qu'il va profiter de la mauvaise volonté d'Irene pour la quitter...
Irene, Gary, Rhoda, Jim, Mark, Carl, Monique, autant de personnages, d'âges différents, qui voient avec lucidité se profiler leur avenir, proche ou lointain...
Les grands espaces hostiles, qu'ils soient de l'Alaska ou d'ailleurs, font office de loupe. Ils forcent à regarder au plus profond de soi.
Et de la lucidité la plus extrême, nait la folie... ou bien est-ce l'inverse ?
Ce livre est puissant. de par son analyse poussée de la psyché humaine, de ce décorticage de la pensée d'Irene, dans ses moindres cheminements, et de celui de Gary, plus brut et évident, et celles de Rhoda et Jim, en parallèle, imbriquées et à des années lumières cependant.
De plus, avec la lecture de Sukkwan Island auparavant, on est d'autant plus lucides nous aussi sur le futur de ces personnages, et c'est terrible. C'est fort. Très fort.
Et oui, la fin est peut-être prévisible, mais ça n'enlève rien à l'acuité et la perspicacité du propos. Au contraire, cela ajoute de la force, c'est une fatalité, et c'est un destin en marche, inéluctable.
Bravo David Vann. Encore !!!
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Un couple Irène et Gary, les enfants sont partis, ils se retrouvent seuls, Gary veut réaliser son rêve : construire une cabane sur une île, de ses propres mains et avec l'aide de sa femme. Mais il faut préciser qu'ils vivent en Alaska, l'ile choisie est isolée de tout en hiver je ne vous explique même pas. Et bien moi, j'ai eu froid tout au long du livre, ils travaillent dans la neige, dans l'eau…Et ce rêve est celui de Gary non d'Irène qui sent que son mari s'éloigne d'elle et veut la quitter…J'ai ADORE. J'ai souffert avec Irène et il y a bien longtemps que j'aurai envoyé balader la cabane et le mari. Une fin surprenante, à lire ABSOLUMENT. Nena
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Après trente ans de mariage, trente ans de pénible vie commune ponctuée de crises et de tensions, Gary s'apprête à quitter Irène et cette seule idée la terrifie jusqu'au fond de l'âme. Elle a pourtant tout fait pour conserver son amour, a même accepté de s'installer avec lui des décennies plus tôt au bord du lac glaciaire Skilak en Alaska. Là, ils ont eu deux enfants maintenant adultes, ils ont vivoté, vieilli ensemble, mais tout cela n'a pas suffi à apaiser les frustrations de Gary, persuadé de mériter davantage : une meilleure vie, un meilleur travail et, bien entendu, une meilleure épouse. Dans un effort désespéré pour sauver son couple et éviter l'abandon, Irène consent à épauler son mari dans la mise en oeuvre de sa dernière lubie, à savoir la construction d'une cabane sur l'île Caribou au centre du lac Skilak où Gary souhaiterait passer sa retraite au milieu de la nature. Mais l'hiver arrive rapidement et l'île ne tardera pas à être progressivement coupée du rivage, isolant Gary et Irène dans leur cocon de rancoeur, d'amertume et de haine glacées. Impuissante à les aider et aveuglée par ses propres problèmes personnels, leur fille Rhoda observera de loin cette dramatique dégénérescence et s'avérera incapable de prévenir l'inéluctable.

Au premier abord, l'intrigue de « Désolations » rappelle beaucoup celle de « Sukkwan Island », le premier roman de David Vann racontant l'odyssée tragique d'un père et de son fils cherchant à bâtir une cabane sur une île au sud de l'Alaska, au point que l'on peut s'inquiéter légitiment : Vann peinerait-il à renouveler ses intrigues ? Une inquiétude sans fondement, je tiens à la préciser tout de suite, car si les deux romans possèdent plusieurs thématiques en commun – l'affrontement entre l'homme et la nature, l'incapacité à communiquer, le pourrissement des liens familiaux, les ravages de la solitude et de l'isolement… – « Désolations » reste une oeuvre indépendante et tout aussi digne d'intérêt que « Sukkwan Island ». Là où le roman précédent plaçait le lien père/fils au centre du récit, « Désolations » se concentre sur la dissection des relations de couple et de leur lente dégradation faite de déceptions réciproques, de promesses brisées et de malveillance refoulée. le récit est également plus touffu et plus complexe que celui de « Sukkwan Island », mais tout aussi oppressant, réfrigérant et malsain. Sous la pellicule gelée de sentiments de plus en plus obscurs et sauvages, la violence rôde et menace d'exploser à chaque minute, malmenant horriblement les nerfs du pauvre lecteur. Brillant assurément, mais noir, noir, noir, tellement noir…
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Dans ce roman, comme dans Sukkwann Island, l'atmosphère est pesante et pessimiste. Dans son livre précédent, David Vann mettait en scène la relation d'un père avec son fils. Ici il est question des relations hommes-femmes : principalement celle de Gary et Irene, et celle de leur fille Rhoda avec son petit ami Jim. Il donne une vision amère des relations humaines faites de tromperies, de non-dits et de frustration. Les femmes sont victimes, naïves ou manipulatrices, les hommes sont faibles, lâches ou menteurs. Tous sont atteints soit de folie soit de duplicité. le personnage qui semble le plus sain et équilibré semble être Rhoda. C'est en quelque sorte la figure de l'innocence bafouée. Au final, tous sont englués dans une fatalité désespérante.

Autour d'eux, les paysages fascinants de l'Alaska sont parfaitement décrit par l'auteur comme un pays froid, humide et hostile. Rien n'y est authentique, la chaleur humaine y est absente. La Nature est implacable et indifférente. le climat semble déteindre sur les personnages qui sont arrivés dans la région pleins d'idéaux et d'illusions. Tous les ont perdus au fil des années. Les éléments qui se déchainent semblent les avoir effacés petit à petit.

Une fois de plus David Vann m'a captivée avec ce roman à la fois brillant et glaçant.
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David Vann, né en 1966 en Alaska, est un écrivain américain. Son premier roman paru en France, Sukkwan Island, reçoit le prix Médicis étranger en novembre 2010. Désolations est sorti en 2011.
Autant le savoir tout de suite, si vous aimez la rigolade, passez votre chemin, David Vann n'est pas l'homme qu'il vous faut. Nous en avions eu un avant-goût dans son premier roman et il semble, avec celui-ci, que ce soit sa marque de fabrique. Sans vouloir faire de la psychanalyse à trois sous, sa biographie nous apprend que son père s'est suicidé…
Sur les rives d'un lac glaciaire en Alaska, Irene et Gary ont construit leur vie, élevé deux enfants aujourd'hui adultes, Mark et Rhoda. Mais après trente années d'une vie sans éclat, Gary est déterminé à bâtir sur un îlot désolé la cabane dont il a toujours rêvé. Irene se résout à l'accompagner en dépit des inexplicables maux de tête qui l'assaillent et ne lui laissent aucun répit. Entraînée malgré elle dans l'obsession de son mari, elle le voit peu à peu s'enliser dans ce projet démesuré.
Tous les personnages de ce roman sont accablants. Irène se trimballe le souvenir de sa mère suicidée découverte pendue dans une grange (tiens, tiens…), Gary son époux depuis trente ans, vit dans ses chimères et ses vieux rêves hippies de retour à la nature, Mark le fils, n'a pour ainsi dire plus de rapports avec ses parents, vivotant de la pêche en mer. Carl, un second rôle, n'est guère brillant lui non plus, fauché il devra quémander de l'argent à sa mère pour se tirer de ce coin d'Alaska. Rhoda est en couple avec Jim, un dentiste aisé mais faible qui ne pense qu'à la tromper.
La faiblesse des héros masculins est particulièrement frappante dans ce roman –ce qu'on avait déjà pu noter dans Sukkwan Island. Jim n'est pas très emballé à l'idée d'épouser Rhoda mais tente de maintenir un statu quo avantageux pour lui, quant à Gary c'est tout un roman à lui tout seul et ça tombe bien, puisque c'est le sujet du bouquin. Gary n'était pas apte au mariage, en s'y résignant par lâcheté il s'est condamné, entraînant sa famille dans une vie ratée. Terrible réquisitoire contre l'institution. Durant trente ans la cocotte-minute va bouillir, jusqu'à l'explosion, qui se traduit par sa volonté enfin affirmée de vouloir se construire une cabane, paumée au milieu d'une île abandonnée, complètement inaccessible en hiver.
Pendant ces quelques semaines précédent la morte saison et durant lesquelles lui, va tenter de construire son cabanon avant les grands froids, Irène va souffrir de terribles maux de crânes dont la médecine ne trouve nulles causes – psychosomatiques si vous voulez mon diagnostic – et ils vont se déchirer. Elle lui reprochant de vouloir la faire vivre dans cette désolation annoncée, lui constatant qu'elle ne fait que l'empêcher de vouloir vivre son rêve. Explosion de rancoeurs accumulées dont la trace la plus visible est leur famille décomposée.
Roman agaçant quand on voit Gary se lancer dans un projet insensé en soi, vouloir quitter sa maison confortable pour aller vivre dans un gourbi perdu, et surtout quand on s'aperçoit qu'il n'est même pas capable de construire sa fameuse cabane. L'homme n'est pas à la hauteur de son projet mais il s'entête contre vents et marées.
Arrivé à ce stade on se doute que tout cela ne peut pas se terminer en happy end, si la cabane est ratée, le tombeau est réussi.
Le titre du roman en français est au pluriel à juste raison, désolation du paysage, l'Alaska n'est pas cet espace idyllique qu'on pourrait croire, amertume, chagrin, douleur, tous les synonymes feront l'affaire pour décrire les sentiments ressentis par les uns et les autres. On ressort lessivé par la lecture de ce livre éprouvant et le mythe de la cabane au fond des bois en prend un sérieux coup, mais c'est à ce prix parfois qu'on se frotte à la littérature.
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Est-ce que l'amour, c'est suivre l'autre même si on pense que ses idées, ses projets sont complètement fous ? Ou bien agit-on juste par peur de se rebeller, de dire enfin non, et sans doute, de voir se rompre d'un coup les années de vie commune et de partage ?

Une question que se pose Irène, qui accepte de suivre Gary et de l'aider à construire la cabane dont il rêve sur Caribou Island en Alaska, une île perdue et inhabitée, inhospitalière au possible. Les éléments se déchaînent contre eux et elle est consciente que cette cabane n'est pour son mari qu'une fuite en avant de plus, une utopie à laquelle se raccrocher pour (se) faire croire qu'il est capable de réaliser ses rêves. Mais Irène s'accroche, au péril même de sa vie. Des maux de têtes insupportables l'assaillent qui la laissent épuisée, quasiment aveugle et impotente, mais elle participe à l'obsession de la cabane comme un automate qu'on n'arriverait pas à débrancher…

Leur fille observe et ne comprend pas ses parents, mais a déjà bien du mal à s'occuper de son propre couple vacillant pour leur apporter son aide, qui n'est de toute façon pas souhaitée.

Pas de page 113 ici, la fameuse page qui nous a fait sursauter dans Sukkwan Island. Mais une lente montée de la folie et du drame qui pèse, pèse… Si j'ai beaucoup aimé ce roman, il m'a cependant paru extrêmement déprimant. Vous le savez, amis lecteurs, j'ai un mal fou avec les gens qui se laissent vivre, qui se laissent mener par le bout du nez et acceptent leur propre malheur sans ruer dans les brancards. Cette Irène, comme j'avais envie de la secouer, de lui botter les fesses en lui disant « barre toi, mais barre toi de là, ton homme aura ta perte ! ». Rhoda également se voile la face… de même que le père. Chacun d'eux continue sur une voie qu'il sait périlleuse, dangereuse, mais ne veut pas s'en détourner, accepter qu'on puisse se tromper, et renoncer parfois aussi par sagesse.

Ici, on est seul face à la nature, qui n'a rien d'accueillant et de chaleureux. Mais les protagonistes de l'histoire sont également seuls face à eux-mêmes, dans leur folie, dans leur obsession, leur volonté bornée. La désolation, c'est celle du paysage aride et violent, mais aussi celle des coeurs, secs et racornis. C'est l'angoisse insidieuse qui monte au fil des pages, qui se diffuse dans les pensées, qui fait craindre le pire. C'est la menace de la tragédie qui plane sur les têtes, l'attente d'une fin inévitablement violente et malheureuse, implacable et à laquelle il est vain de tenter d'échapper…

La virginité du territoire, de cette île isolée pourra-t-elle rendre jeunesse et amour au couple ? La vie au contact de la nature les ramènera-t-elle vers leurs racines ? C'est ce que veut croire Gary, mais la nature ici est rebelle et sauvage et ne s'en laisse pas conter…

Un roman magnifique, mais bien désolant. Tant de gâchis dans les vies…

Lien : http://liliba.canalblog.com/..
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Ouvrage remarquable sur la solitude, les relations de couple, les remises en question, sur les choix de l'existence ; le tout dans une Alaska moderne, entre pêche, construction de cabanes et séances de sauna.
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Toujours une bonne surprise. Une surprise sur le livre et sur moi même. Cet auteur a un style très particulier, un style que je n'aurais jamais imaginé aimer. Et pourtant, j'ai tenté ma chance avec son premier roman Sukkand Island et, j'ai vraiment beaucoup aimé. Un roman noir, très choquant qui bouleverse pendant des jours. D'où ma raison de lire ce second livre.

J'ai encore une fois passé un très bon moment. En Alaska, en compagnie de trois couples qui se déchirent les uns à la suite des autres. Pour commencer, on a Garry et Irène : couple marié, deux enfants. Leur couple bat de l'aile et Garry veut enfin réaliser son rêve : s'installer sur une île déserte. Irène le suit malgré ses maux de têtes, sa déprime. Est-elle réellement malade? Ou fait-elle une depression de voir son couple partir en fumée? Ensuite, il y a leur fille : Rhoda qui est en couple avec Jim. Couple sur le point de se marier mais qui s'éloigne. Jim trompe déjà Rhoda. Et on a Carl et Monique. Monique est une femme indépendante et charmeuse qui n'est pas amoureuse alors que Carl est fou d'elle.

David Vann a crée un roman à drame psychologique car nous suivons tous les personnages à travers leur solitude ou leur angoisse, leurs rêves aussi à travers le grand froid d'Alaska. Chaque personnage est parfaitement détaillé d'où l'importance des descriptions. On les suit à travers le drame tragique qui les attend, car on s'en doute. le récit est écrit durement, toujours noir mais moins que dans Sukkwand Island. Ici, pas de coup de théâtre mais une fin choquante tout de même. Une fin remarquable.
J'adhère totalement au style de l'auteur qui me plaît beaucoup et je vous invite à découvrir, ou même essayer ce genre d'histoire où vous resterez sans voix pour le destin tragique des personnages.
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Irene et Gary vivent en Alaska depuis trente ans sur les rives de Skilak Lake. Ils y ont élevé leurs deux enfants : Rhoda et Mark qui sont maintenant adultes. Arrivé à ce stade de sa vie, Gary fait le point et décide de réaliser un vieux rêve : construire une simple cabane de bois pour vivre en communion avec la nature sauvage. Irene sait que les différents projets de son mari sont toujours tombés à l'eau mais elle sait aussi que refuser la cabane c'est mettre fin à leur mariage. Les regrets, l'amertume des deux époux se révèlent dès le début de la construction. Gary est insatisfait de sa vie et trouve refuge dans son idéal de retour aux sources. Irene refuse de vivre dans une cabane en bois mais ne peut supporter d'être abandonnée.

Plus l'hiver approche, plus la cabane se construit et plus la tension monte entre Irene et Gary. Rhoda assiste impuissante à l'affrontement de ses parents. Son couple part aussi à la dérive et son frère Mark a pris ses distances depuis longtemps. Tout semble lentement se déliter sous le ciel lourd de cette péninsule d'Alaska.

Après « Sukkwan Island », on retrouve la puissance de l'écriture et le pessimisme terrible de David Vann. La thématique semble la même : un retour à la vie sauvage dans un territoire inaccessible et l'affrontement de deux personnages. Mais « Désolations » est plus ample, plus complexe. Irene et Gary ne sont pas seuls sous la loupe de l'écrivain, d'autres intrigues se développent autour d'eux. Cela permet non seulement d'enrichir l'histoire mais également de donner plus d'épaisseur à Irene et Gary. Cette idée de cabane focalise tous les reproches qu'ils ont à se faire, chacun pensant l'autre responsable de la faillite de leurs vies. « Gary était le champion des regrets. Chaque jour en naissait un nouveau, et c'était peut-être ce qu'Irene aimait le moins. Leur vie entière mise en question. le regret une chose vivante, un lac au fond de lui. » Irene ne peut affronter cette situation, elle a l'impression de revivre la séparation de ses propres parents. Elle fuit donc, elle s'enferme dans des migraines terribles et incompréhensibles pour la médecine. La douleur d'Irene augmente au fur et à mesure du livre. Elle écrase le lecteur et devient presque palpable. L'atmosphère du livre est extrêmement tendue, presque étouffante. L'écriture de David Vann nous fait ressentir tout cela avec une grande acuité. La tragédie semble inéluctable.

Comme dans son premier roman, la nature a une place essentielle dans la construction de l'intrigue. Les paysages de l'Alaska sont grandioses, imposants mais aussi hostiles. Les éléments peuvent très rapidement se déchaîner et c'est ce qui arrive au début du roman lorsque Irene et Gary chargent les rondins pour la cabane : « Alors ils continuèrent à charger et la pluie se rapprocha, une ombre blanche sur l'eau. Un rideau, une ligne de grain, mais les premières gouttes et le vent frappaient toujours en premier, invisibles, précédant tout ce qu'elle pouvait apercevoir. C'était toujours une surprise pour Irene . Ces derniers instants volés. Puis le vent se renforça, la ligne de grain s'abattit et les gouttes tombèrent, lourdes, énormes, insistantes. » David Vann se sert de la nature comme d'un révélateur de la psychologie de ses personnages. Les paysages rudes, désolés mettent Irene et Gary face à eux-mêmes, face à leurs échecs et leurs contradictions. Ils révèlent aussi leur violence.

C'est encore une fois un roman saisissant, glaçant que nous offre David Vann. Je trouve « Désolations » encore plus puissant, plus abouti que « Sukkwan Island ». C'est maintenant une certitude, David Vann est un très grand écrivain.




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