Le monde à l'origine était un vaste champ et la Terre était plate. Les animaux arpentaient cette prairie et n'avaient pas de noms. Puis l'homme est arrivé, il avançait courbé aux confins du monde, poilu, imbécile et faible, et il s'est multiplié, il est devenu si envahissant, si tordu et meurtrier à force d'attendre que la Terre s'est mise à se déformer.
On ne peut pas avoir ce qui n'existe plus.
Observant l'ombre noire qui bougeait devant lui, il prit conscience que c'était précisément l'impression qu'il avait depuis trop longtemps; que son père était une forme immatérielle et que s'il détournait le regard un instant, s'il l oubliait ou ne marchait pas à sa vitesse, s il n'avait pas la volonté de l'avoir là à ses côtés , alors son père disparaîtrait, comme si sa présence ne tenait qu'à la seule volonté de Roy.
Peu lui importait le paysage s’il devait l’admirer seul.
« Ça souffle comme s’il ne devait pas y avoir de lendemain. Comme si la pluie cherchait à effacer tous les jours du calendrier. »
Les montagnes changeaient rapidement, viraient au violet, au jaune et au rouge, paraissaient s’adoucir dans la lumière du soir, l’air se rafraîchissait, se purifiait et semblait se raréfier chaque jours d’avantage.
Tout ici, dégage une sensation différente. Je crois que j’ai vécu trop longtemps au mauvais endroit. J’avais oublié à quel point j’aime être près de l’eau, à quel point j’aime voir les montagnes se dresser comme ça et sentir l’odeur de la forêt.
Si tu pouvais avoir tout ce que tu voulais, n'importe quoi, dit son père, qu'est-ce que tu demanderais ?
Je ne sais pas, répondit Roy.
Tu ne laisses pas le temps à la question de s'imprégner en toi jusqu'à l'os, mon garçon. Qu'est-ce que tu demanderais ? C'est quoi, ton rêve ?
Roy réfléchissait et ne trouvait rien à répondre. Il avait l'impression qu'il était seulement en train d'essayer de survivre au rêve de son père.
- Tu es né de ces galets, et à ces galets tu retourneras. Ainsi deviens-tu déjeuner.
Roy luttait pour rester à la hauteur de son père et ne pas être séparé de lui. I savait que s'il le perdait de vue l'espace d'une minute, son père ne l'entendrait pas crier, qu'il s'égarerait et ne retrouverait jamais le chemin de la cabane. Observant l'ombre noire qui bougeait devant lui, il prit conscience que c'était précisément l'impression qu'il avait depuis trop longtemps; que son père était une forme immatérielle et que s'il détournait le regard un instant, sil l'oubliait ou ne marchait pas à sa vitesse, s'il n'avait pas la volonté de l'avoir là à ses côtés, alors son père disparaîtrait, comme si sa présence ne tenait qu'à la seule volonté de Roy.