En dépit de l'écriture sobre et classique de
Vargas Llosa, ce roman historique n'est pas vraiment facile à suivre, pour trois raisons : peu d'entre nous sont familiers de la mosaïque d'États constituant l'Amérique centrale ; la plupart des personnages, fatalement, ont des patronymes à consonance hispanique parmi lesquels on a tendance à s'embrouiller ; enfin, pour corser l'affaire, l'auteur, sans mobile apparent, a battu les cartes de la chronologie, certains chapitres nous ramenant en arrière, même si le corps de l'ouvrage (et ses 32 chapitres un peu mélangés donc) est précédé d'un "avant" et suivi d'un "après".
Dans le courant des années 1950, aux États-Unis, le sentiment de peur du communisme, déjà largement répandu, vire à l'obsession et se focalise en particulier sur la proche Amérique centrale, son canal de Panama, sa United Fruit Company, entreprise bananière présente dans la plupart des pays de la région et qui n'y acquitte qu'un impôt dérisoire. Criant au loup après l'élection à la régulière d'un président de la République guatémaltèque absolument pas communiste mais initiateur d'une réforme agraire qui aurait grignoté les privilèges de la United Fruit, le gouvernement américain va soutenir un coup d'État, pour se rendre compte quelques années plus tard que son poulain pousse beaucoup trop loin son zèle anticommuniste. Il sera assassiné.
D'autres personnages, admirablement campés par l'auteur, vont traverser sans dommage irréparable ces "
temps sauvages" : que sont l'exil, quelques jours, mois ou années de prison, comparés à la torture et à la mort qu'ont connu des milliers de personnes soupçonnées de répandre le poison communiste ? Entretenir de bons rapports avec la CIA, en revanche, était plutôt gage de longévité : ainsi, par exemple, de Marta Borrero Parra, dite "Miss Guatemala", qui peut espérer vivre centenaire dans sa petite maison en Virginie...